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Immigration : et si la France imitait le modèle canadien ?

Publié le 28 février 2008 par Roman Bernard
Cet article a été réalisé en partenariat avec Gief, dessinateur. Il sera publié lundi prochain dans La Rotonde, le journal francophone de l'Université d'Ottawa, ce qui explique pourquoi il n'apprendra pas grand-chose à un lecteur français : j'ai voulu resituer le débat hexagonal sur l'immigration à un lecteur canadien.
Immigration France imitait modèle canadien
Le rythme hebdomadaire de publication de La Rotonde m’oblige à parler, avec quelque retard, d’un phénomène imprévu de la politique d’immigration française.
Alors que la création d’un ministère de l’Immigration, en mai dernier, avait fait espérer à l’électorat de Nicolas Sarkozy la maîtrise des flux migratoires entrants en France, les chefs d’entreprise, qui ont pourtant constitué l’un des soutiens naturels du président lors de son élection, avouent désormais leur embarras face à la volonté du gouvernement de reconduire à la frontière les clandestins : un certain nombre de ces derniers sont en effet leurs salariés.
Certains employeurs, qui protestent de leur bonne foi en disant que leur ont été présentés de faux papiers lors de l’embauche, veulent les garder, puisqu’ils sont indispensables à l’activité de leur entreprise.
D’autres, à l’inverse, craignant que leurs salariés sans papiers ne soient expulsés, continuent à les employer en toute illégalité. Le dessin de Gief n'a donc rien de caricatural. Il y a évidemment beaucoup à redire sur cet esclavage moderne, même si ce n’est pas le propos ici.
Ces travailleurs clandestins, dont beaucoup vivent avec la peur de l’expulsion, sont souvent exploités, nombreux étant ceux qui travaillent sans contrat. L’illégalité de leur travail ne leur permet pas de jouir des mêmes conditions salariales que les salariés légaux.
Ce faisant, ils tirent bien malgré eux les salaires à la baisse, arrangeant ainsi nombre d’employeurs, comme le montrent les exemples réguliers d’entreprises condamnées parce qu’une bonne partie de leurs salariés de base, sous-payés, sont des clandestins, dont certains n’ont même pas de contrat de travail.

Immigration choisie

Pour remédier, entre autres nombreux problèmes posés par l’immigration en France, à cela, le gouvernement entend depuis longtemps – avant même les élections de 2007- recourir à une immigration « choisie », selon le mot de Nicolas Sarkozy.
Choisie selon ses compétences dans certains corps de métiers où la France manque de main-d’œuvre qualifiée, ou selon son acceptation à occuper des emplois dont les Français ne veulent pas. Paris a d’ailleurs signé lundi dernier un accord en ce sens avec le Sénégal.
Cette démarche est bien sûr à saluer, et l’on peut raisonnablement penser qu’il faudra passer, pour faire la transition, par une nouvelle régularisation massive et impopulaire de travailleurs sans papiers afin qu’un nouveau modèle d’immigration français émerge.
En attendant, le flou va demeurer autour d’un sujet pourtant capital en France. De l’autre côté de l’Atlantique, au Canada, la gestion des flux migratoires est enviable. Dans un pays dont l’immigration a longtemps été bien inférieure à ce qu’elle est en France, un ministère de l’Immigration existe depuis 1994.
Son existence n’a jamais déclenché les passions comme cela a été le cas lors de l’annonce de sa création par le candidat Sarkozy. Le Canada, et en particulier le Québec, n’a jamais rechigné à sélectionner ses candidats à l’immigration.
Là où certains voient une vision utilitariste de l’immigration, on verra ici une gestion plus rationnelle et plus humaine - cela va de pair, contrairement à une idée reçue fort répandue - d’un phénomène pour lequel les bons sentiments sont contre-productifs. Surtout, et c’est le plus important, cette sélection des candidats à l’immigration, qui est une immigration de travail, assure logiquement un emploi au candidat reçu, ce qui constitue une base pour son intégration future.
Bien sûr, j’ai déjà exprimé mes réserves à l’égard du modèle d’intégration anglo-saxon, mais en stricts termes d’immigration, il est symptomatique que, pour des raisons essentiellement idéologiques, la France ait si longtemps refusé de suivre un modèle manifestement meilleur que le sien.
Roman Bernard

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