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Syrie, Iran: le retour du double endiguement US

Publié le 14 novembre 2011 par Jcharmelot

A la fin de l’année, le dernier soldat américain aura quitté l’Irak, après plus de huit ans d’occupation. Ce retrait est une décision aussi stratégique que l’invasion le fût elle-même: il met fin à un déploiement militaire considéré à Washington, à Riyad, et à Tel Aviv, comme une garantie contre les ambitions réelles ou imaginaires de Téhéran de dominer cette région du monde où le pétrole et la religion créent un cocktail explosif. Ce désengagement américain est le cadre dans lequel s’inscrivent et se comprennent les différentes dynamiques qui se développent depuis des mois dans le Golfe et au Moyen-Orient. 

Les Etats-Unis quittent l’Irak sans avoir atteint deux objectifs majeurs, qui auraient pu justifier à eux seuls le déclenchement d’une opération militaire de cette envergure. La mise en place d’un gouvernement docile à Bagdad: sur ce front ils ont échoué et n’ont pu s’opposer à l’influence préponderante du clergé chiite, historiquement hostile à toute présence étrangère en Irak. Et la mise en oeuvre d’un processus vertueux dans la région, qui aurait fait de l’Irak l’exemple à suivre pour l’éclosion de démocraties réprésentatives. Ce n’est clairement pas le cas, et les alliés des Etats-Unis dans la région du Golfe, et au delà, sont restées des monarchies absolues, peu portées aux réformes.

Dans ce contexte, les Etats-Unis, mesurant leur défaite, mais très pragmatiques dans la gestion de ses conséquences, en sont revenus à la stratégie de l’endiguement. Ce fut dans les années 90, aprés la guerre Iran-Irak, la politique de Washington à l’égard de la République Islamique, bête noire de l’Amérique, et de Bagdad, qui avait fait l’erreur en 1990 de vouloir s’emparer du Koweit.

Aujourd’hui, le fouble endiguement vise la Syrie et l’Iran, les deux voisins de l’Irak, qui pourraient se réjouir de la mésaventure américaine dans ce pays et du retrait militaire des Etats-Unis. Et qui pourraient vouloir aussi en tirer profit, en renforçant cet arc chiitte, de Téhéran à la Méditerranée, via Bagdad, Damas et le sud du Liban, qui fait si peur aux familles sunnites régnant sur les richesses pétrolières et gazières du Golfe.

Les nouvelles pressions diplomatiques sur Téhéran sur le dossier du nucléaire, les menaces d’Israël de frappes préventives, et des actions plus directes, comme la diffusion d’un virus informatique plus agressif contre les installations iraniennes ou l’explosion suspecte dans une base des Gardiens de la Révolution, sont autant de facteurs qui maintiennent une forte pression sur le régime islamique. De même, le soutien financier, politique, et médiatique, apporté notamment par l’Arabie Saoudite et le Qatar aux mouvements de révoltes en Syrie, contraint le régime de Bachar al Assad à rester en permanence sur ses gardes et à se concentrer sur sa propre survie.

Plus à l’ouest, les efforts de la communauté internationale pour obtenir du gouvernement libanais qu’il livre des membres du Hezbollah –la milice chiite pro-iranienne, aujourd’hui au gouvernement–, accusés d’avoir organisé  l’assassinat en 2005 de Rafic Hariri, l’homme de Ryad, participent de cette même stratégie de harcèlement permanent des forces anti-américaines, voire anti-israéliennes, dans la région.

Le succès à terme de cette stratégie reste à démontrer. Elle fonctionnera sans aucun doute jusqu’à la fin de l’année, et les troupes américaines devraient pouvoir se désengager d’Irak sans dommage. Les groupes extrémiste, sunnites ou chiites, n’ont aucun intérêt à retarder un processus qu’ils voient comme une victoire. Mais elle sera difficile à maintenir au delà. Washington aura du mal à poursuivre sa politique de neutralisation de Téhéran et de Damas, si Bagdad, libre de ses choix diplomatiques, n’appuie pas cette stratégie. Paradoxe des paradoxes, les Etats-Unis devraient alors englober dans leur cordon sanitaire cette terre qu’ils sont en train de quitter, le pays des deux fleuves, qui fait peur aux Saoudiens tout autant que les Iraniens. Ce serait un terrible aveu d’échec.


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