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Un communiste dialogue avec les catholiques avant les élections

Par Alaindependant
  Les évêques viennent de publier un texte à l’approche des échéances de 2012. Analyse Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France a publié le 3 octobre dernier un texte intitulé “Elections, un vote pour quelle société ?” La question est bonne. Et il faudrait que ce soit à cette question que l’on réponde autant que possible lors des échéances électorales de 2012. Dans ce texte court, composé d’un propos général et d’éléments de discernement thématiques, on note ce souci de “rappeler la haute importance que l’Eglise, depuis ses origines, reconnaît à la fonction politique”. Dans une période où la politique est décriée et livre parfois un spectacle assez misérable avec l’aide des médias, la chose est plus qu’appréciable. Reste à en être digne. Ce texte est manifestement le résultat de compromis entre différentes sensibilités et s’il paraît difficile d’en tirer des leçons précises pour le vote, nombre de points peuvent alimenter le débat politique. Qu’est-ce qui guide la démarche de balayage d’un certain nombre de préoccupations proposée ? “De sa contemplation du Christ, l’Église tire une vision cohérente de la personne en toutes ses dimensions, inséparables les unes des autres. Cette vision peut servir de guide et de mesure aux projets qu’une société doit se donner.” Comment les chrétiens doivent-ils se déterminer ? Notant qu’une “crise globale” touche tous les pays occidentaux depuis plusieurs dizaines d’années”, les évêques pointent trois facteurs de transformation à l’oeuvre : le formidable développement des techniques scientifiques, la fin d’une certaine homogénéité culturelle de nos sociétés, et l’évolution du rapport aux droits et aux devoirs. “Ces transformations interrogent, disent-ils, la conception que l’on se fait de l’homme, de sa dignité et de sa vocation”. Alors comment donc les chrétiens doivent-ils se déterminer ? Pas “par l’habitude, l’appartenance à une classe sociale ou la poursuite d’intérêts particuliers”. Mais “viser ce qui pourra rendre notre pays plus agréable à vivre et plus humain pour tous”. Si le texte n’exclut pas que s’opèrent des choix inédits, il invite à “ne pas attendre du pouvoir politique plus qu’il ne peut donner”, invitant également “chacun à reconsidérer sa manière de vivre”. Parmi les différents points d’attention que les auteurs appellent chacun à hiérarchiser, on commence d’abord par la bioéthique, l’avortement et la famille. Et plutôt pas pour y développer des avancées sur le discours traditionnel de l’Eglise. Cette manière de faire de ces sujets le coeur des préoccupations de l’Eglise interroge. Mais on notera par la suite que dans les cités, “une politique purement répressive ne saurait suffire ni résoudre les problèmes de fond” ; que “l‘équilibre de la société exige la correction des écarts disproportionnés de richesse” ; que “tout homme a le droit d’émigrer pour améliorer sa situation, même s’il est regrettable que tous ne puissent pas survivre dans leurs pays”, même si “une régulation des migrations est nécessaire”. A propos de laïcité, le Conseil permanent affirme que “les catholiques n’entendent pas être des citoyens interdits de parole dans la société démocratique” et souhaite “une application apaisée et ouverte des lois et des règlements qui définissent le pacte laïc de notre commune République”. A propos d’Europe, on notera cette formule à nos yeux énigmatique : “le marché unique est un beau projet dans la mesure où il est sous-tendu par une vision  spirituelle de l’homme”. Quel message de fond ? Au-delà des affirmations qui peuvent se contredire d’après nous, on a donc du mal à savoir réellement ce qu’il faut retenir comme message fort. Sans doute ce sentiment est-il renforcé par le caractère résolument raisonnable et mesuré du propos, qui tranche avec le sentiment de révolte que nous éprouvons face aux souffrances aiguës endurées par notre peuple. N’y a-t-il pas besoin de ruptures franches pour stopper la dégringolade sociale et retrouver du sens ? Au fond, ce sentiment qui semble se dégager à la lecture du texte n’est-il pas lié au fait qu’il existe chez ses auteurs un doute, et même peut-être plus une conviction à propos de la possibilité pour la politique d’influer fortement sur le mouvement du monde. Dans une annexe reprenant quelques extraits de textes récents, on trouve quelques clefs pour comprendre l’état d’esprit plus général des responsables de l’Eglise catholique. Ainsi, cette citation de l’encyclique Deus caritas est, datant de 2006 : “l’Église ne peut ni ne doit prendre en main la bataille politique pour édifier une société la plus juste possible [...], elle ne peut ni ne doit non plus rester à l’écart dans la lutte pour la justice. Elle doit s’insérer en elle par la voie de l’argumentation rationnelle et elle doit réveiller les forces spirituelles, sans lesquelles la justice, qui requiert aussi des renoncements, ne peut s’affirmer ni se développer “. Un ami prêtre à qui je soumettais mes quelques réflexions regrettait que “l’Eglise abandonne le terrain de sa vocation profonde, qui est prophétique”, c’est-à-dire, « dénoncer au nom même de Dieu ce qui porte atteinte à la grandeur de l’homme ». De quoi discuter ? La place de l’humain, si l’on veut regrouper sous ce vocable tout ce qui se rapporte à la vie, à la dimension culturelle, relationnelle et spirituelle des choses, apparaît donc comme étant la question centrale. Reste à savoir où l’humain est blessé dans notre société actuelle. Reste à savoir ce que signifie respecter l’humain, et là peut sans doute s’ouvrir une discussion intéressante. La hiérarchisation des sujets que le texte laisse à l’appréciation du lecteur pourrait faire partie de ce débat : où l’humain est-il le plus blessé ? Marchandisé à outrance, on reconnaîtra qu’il est mutilé par bien des aspects, pas uniquement concrets et sociaux. Alors, pour prendre quelques exemples, l’humain est-il blessé lorsque deux êtres de même sexe s’aiment d’amour, ou bien est-il blessé lorsque cet amour est condamné ? L’humain est-il blessé lorsqu’une femme décide qu’une relation sexuelle ne doit pas nécessairement déboucher sur l’enfantement ou bien lorsqu’on la culpabilise si elle refuse de mettre au monde un enfant qu’elle n’a pas désiré ? L’union durable au sein des couples est une option que l’on peut légitimement défendre, mais faut-il pour autant stigmatiser celles et ceux, nombreux, pour qui la vie ne s’est pas écrite ainsi, l’eussent-ils pour certains souhaité de tout leur coeur ? Quelle que soit l’histoire personnelle de chacune et chacun, c’est le même droit à vivre qui doit s’appliquer. Et l’Eglise sait fort bien au quotidien accompagner celles et ceux qui cherchent leur voie, celles et ceux qui souffrent. On a parfois le sentiment d’un hiatus avec ces éléments de discours présentés comme identitaires. Parmi les arêtes que l’on pourrait discuter se trouve également l’idée selon laquelle des renoncements individuels sont nécessaires pour parvenir à une société plus juste et apaisée. On y ajoutera le souci de construire “une destinée commune” et de répondre à la crise de sens provoquée par le consumérisme, l’individualisme, et “une confiance excessive en l’économie libérale”. Faire société, lorsque les inégalités, la misère, la peur (du lendemain ou de l’autre) sont inscrites dans l’organisation du monde, est une question grand ouverte. Et il est vrai que l’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers. Il faut donc construire l’intérêt général et la justice dans le débat politique. La justice suppose des droits. Et parler de droits, si cela peut sans doute établir des “libertés individuelles”, c’est d’abord parler de droits collectifs, acquis pour chacune et chacun - entre parenthèses, à quels devoirs se réfère-t-on lorsque l’on met en miroir les droits et les devoirs ? Où sont les responsabilités dans les situations des hommes et des femmes ? Or, dans le dialogue avec l’Eglise et avec les croyants, nous savons pouvoir nous retrouver sur “le respect de la dignité de toute personne humaine, l’attention particulière aux plus faibles, le développement des coopérations avec d’autres pays, et la recherche de la justice et de la paix pour tous les peuples”, évoquées comme fondamentaux dans ce texte. Aussi, la question est-elle de savoir si le monde est simplement composé d’individus ayant des efforts à faire sur eux-mêmes ou bien s’il existe une organisation de la société résultant de choix conscients et un affrontement de classes avec des tenants du capitalisme déterminés à imposer leur domination sur l’immense majorité. Cette analyse-là - c’est un vieux débat - est-elle contradictoire avec la volonté de réconciliation chrétienne et la réaffirmation de la responsabilité individuelle (plutôt que les devoirs) ? La façon dont le voile a été levé sur les agissements et les motivations des marchés financiers, avec les conséquences que l’on connaît, ne permet-elle pas de clarifier un peu mieux notre regard sur le monde ? On a donc envie de poursuivre le débat. Car il est clair qu’il faut refonder l’organisation de la société sur d’autres bases. C’est en tout cas notre ambition lorsque nous disons “l’humain d’abord”. Construire d’autres relations, apaisées et rayonnantes, entre les hommes et les femmes parce que l’on fera reculer les pulsions de domination, ou encore la mal-vie et les inégalités. PS : Que l’on considère ce propos comme une considération pour la parole rendue publique et une manière d’entrer en dialogue. P. D
Ce texte est publié sur le blogue de issu de la JOC. Sur son blogue on trouvera aussi le n°2 du bulletin du PCF "La Rose et le Réséda": le "dialogue" chrétiens-communistes se poursuit donc...

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