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Le programme de l’UMP: des propositions indigentes et affligeantes

Publié le 25 novembre 2011 par Copeau @Contrepoints

Le grand décalage qui existe entre les propositions de l’UMP et les défis auxquels est confronté notre pays est très inquiétant.

Par Alain Madelin

UMP
L’UMP a présenté ce mardi 22 novembre à Lambersart ses propositions économiques et sociales. Ayant regardé la retransmission du débat sur LCP, je ne peux que m’inquiéter du grand décalage qui existe entre les défis auxquels est confronté notre pays et des propositions de l’UMP, aussi affligeantes qu’indigentes, pour « produire plus et dépenser moins ».

Certes ce programme marque une rupture. Cette fois, c’est un programme à « zéro euro » basé sur la volonté d’un retour à l’équilibre des finances publiques à l’horizon 2016.

On y parle de croissance. Cela semble aller de soit mais c’est bien, si l’on se souvient que le programme de l’UMP de 2007 n’en prononçait pas le mot et que le débat des présidentielles avait occulté cette question essentielle (au point qu’il fallut quelques mois plus tard installer d’urgence une commission sur la libération de la croissance confiée à Jacques Attali pour faire des propositions qui eussent gagné à être au cœur du débat présidentiel !)

Reprenons donc les 5 grandes propositions de l’UMP.

1) En finir avec les 35 heures.

L’UMP propose d’augmenter le temps de travail par l’ouverture de négociations de branche. On reste stupéfait devant l’audace d’une telle proposition, à se demander si les ministres et les députés lisent les lois qu’ils votent ou font voter. Car faut-il le rappeler, cette possibilité de déroger aux 35 heures existe déjà, c’est la loi du 20 août 2008.

Avec cette loi, nous avons d’ailleurs en matière de durée du travail un droit exemplaire dans la liberté contractuelle offerte aux partenaires sociaux et dans la primauté accordée au contrat d’entreprise. On peut même dire qu’en inversant la hiérarchie des normes cette loi préfigure une nécessaire refondation sociale (voir mon article : 35 heures, charges sociales, le vrai faux débat). Les dirigeants de l’UMP, en semblant privilégier dans leur propos l’accord de branche, font fausse route. Un tel accord serait une régression par rapport au droit actuel car s’il est vrai, comme l’a dit Jean-François Copé, que l’on « ne travaille pas de la même manière dans le BTP que dans le nucléaire », à l’intérieur de la branche BTP, on ne travaille pas de la même manière dans toutes les entreprises de ce secteur.

Peut être faut–il réformer et accommoder le dispositif législatif existant pour le simplifier ou le rendre plus efficace. Ce qui est sûr en tout cas c’est de faire comme s’il n’existait pas.

L’annonce de l’UMP sur les 35 heures semble de fait avoir une portée plus emblématique que réelle. La nécessaire reconquête du temps de travail exige mieux que cette annonce.

2) Alléger le coût du travail par une fiscalité anti-délocalisation.

L’UMP propose d’alléger le coût du travail en transférant sur 5 ans les 30 milliards de cotisations patronales de la branche famille sur un « bouquet de fiscalité » (dites le avec des fleurs !) incluant la TVA.

Là encore, les mots sont trompeurs. Présenter un tel transfert comme une opération « anti-délocalisation » relève de la mystification. Le mix fiscal annoncé est à base de TVA, de CSG, d’impôt sur les sociétés, voire de fiscalité environnementale.

30 milliards, c’est 4% du coût total du travail (salaires bruts plus charges patronales). Admettons une entreprise industrielle à 20% de main d’œuvre, la baisse du coût du travail représente moins de 1% du prix total. (Certes, il existe des secteurs comme les services ou le bâtiment où la part de main d’œuvre est plus élevée – 43% – dans le bâtiment. Mais ce sont des secteurs qui échappent pour l’essentiel aux délocalisations).

Cette baisse étalée sur 5 ans correspond dans l’exemple illustré un peu plus haut à une diminution annuelle de 0,2%. C’est trois fois moins que les actuelles variations quotidiennes de change euro–dollar (0,6% hier). C’est aussi l’équivalent de moins de deux mois de gains de productivité dans l’industrie (en prenant en compte un taux annuel sur la période 2000 – 2007 à 3,7%).

Avec un tel avantage compétitif, on ne voit guère les entrepreneurs, calculettes à la main, changer leurs plans en matière de délocalisation ou de relocalisation, face à des salaires tchèques ou tunisiens qui sont 2, 3 ou 4 fois inférieurs.

L’UMP fait fausse route en plaçant la question du coût du travail au cœur de notre problème de compétitivité. C’est par la qualité, la créativité, la qualification, l’innovation, et l’investissement que l’on dope la compétitivité (voir mon article : L’avenir est aux bons salaires, pas aux bas salaires).

3) Soutenir les PME.

Il s’agit de mettre les PME « en haut du podium » des priorités gouvernementales. D’abord en allégeant leur coût du travail (voir commentaire supra). Ensuite, en facilitant le financement des PME, proposition certes sympathique mais qui ne s’accompagne pas à ce stade des mesures décisives qui permettraient de faire beaucoup mieux que ce qui a été fait jusqu’à présent). Enfin, l’indéfectible marronnier des programmes électoraux, le Small Business Act à la française. Une proposition dont on s’étonne qu’elle n’ait pas déjà été mise en œuvre après avoir fait l’objet de tant de promesses. Au surplus, le principal est fait d’un Small Business Act, où aux États-Unis, 23% des marchés publics sont accordés aux PME. On ne voit guère les miracles que l’on pourrait avoir dans un pays qui comme la France voit déjà 32% de ses marchés publics attribués aux PME.

4) Une stratégie de filière industrielle.

L’UMP propose une reconquête de la production industrielle au travers d’une stratégie de filière. Et d’énumérer « l’agroalimentaire, le numérique, le BTP, l’automobile, les services, …»

L’intention est louable, mais on ne voit guère, là encore, concrètement, ce que les mêmes demain pourraient faire de mieux que ce qu’ils ont fait hier pour l’agroalimentaire ou l’automobile.

5) Préserver un modèle social généreux en luttant contre les dérives de l’assistanat.

La préservation de notre modèle social est assurément un problème. Et sans doute vaudrait-il mieux parler de la préservation de notre « niveau » de protection sociale plutôt que de celle de notre « modèle social », car financé aujourd’hui à crédit, il est aujourd’hui dans l’impasse.

Un haut niveau de protection, à l’instar des sociales-démocraties nordiques, réformées par des politiques libérales, exige aujourd’hui une refondation de notre modèle social. Or, côté réforme structurelle, il n’y a rien dans les propositions de l’UMP.

Côté retraites, circulez il n’y a rien à voir ! Elles ont été sauvées dit-on. Tout le monde sait qu’une réforme structurelle, (celle qui consisterait à transformer un système de faux droits à la retraite en vrais droits dans un système par points) reste à faire (voir mon article : Retraite : vivement l’autre reforme). Assurance maladie… Ils n’en n’ont pas parlé. Tout se passe comme si l’UMP pensait pouvoir résoudre la question de nos déficits sociaux et répondre aux défis du vieillissement par la chasse aux fraudeurs et la lutte contre les dérives de l’assistanat.

Si indiscutablement ces thèmes ont un écho dans les milieux populaires, il s’agit de sujets à manier avec précaution car il concerne la détresse humaine et le devoir de solidarité nationale. Sans doute faut-il réformer le RSA, pour l’inclure dans une perspective plus large, comme la majorité aurait dû le faire, incluant la prime pour l’emploi et d’autres formes de solidarité sociale. Il faut prendre garde à ne pas opposer salariés et « assistés ».

L’UMP, à la recherche d’idées neuves ferait mieux d’explorer de vraies pistes de rénovation de l’État Providence, tant celles mises en œuvre dans les pays scandinaves, que celle de la Grande Bretagne avec la Big Society de David Cameron (voir mon article : après l’État providence, l’État social 2.0). Ou encore, l’idée d’un revenu minimum garanti pour tous (voir mon article : un revenu minimum garanti pour tous ? )

À juste titre, l’UMP parle d’un nouveau modèle de croissance. Mais rien n’est dit sur les privatisations, sur l’ouverture à la concurrence des secteurs protégés, sur la confiance des libertés économiques, sur l’exigence d’une rénovation profonde du marché du travail, sur la fiscalité de la créativité et de l’investissement non plus.

La nouvelle croissance dans la société mondiale du savoir est aujourd’hui tirée par la combinaison intelligente du capital humain créatif et du capital financier mobilisé dans l’investissement et l’innovation.

Or notre capital humain créatif, cette vraie source de richesse qu’est la matière grise, est aujourd’hui frappé d’une imposition marginale totale, impôts et cotisations déplafonnées (que l’on appelle le coin fiscalo-social marginal) qui frôle le record du monde.

Quant à la fiscalité du capital productif nous ne sommes pas compétitifs par rapport à nos voisins et ce que l’on entend dire sur un nécessaire rapprochement de la fiscalité du travail et du capital ne peut qu’accentuer notre handicap de la préparation de l’avenir (voir mon article : un même impôt pour les revenus du capital et du travail ? Absurde).

Esquiver le rôle de la fiscalité dans la croissance et dans le nécessaire rétablissement du taux de marge de nos entreprises, au profit d’une dérisoire « fiscalité anti-délocalisation », c’est faire l’impasse d’un moteur essentiel pour retrouver la forte croissance dont nous avons impérativement besoin pour payer nos dettes, maintenir notre pouvoir d’achat et créer des emplois.

Il reste un espoir cependant. Tout le monde dit que le programme de l’UMP ne sera pas le moment venu celui du Président Sarkozy. Voire même que si ce programme est si indigent, c’est pour mieux faire ressortir le moment venu, la richesse des propositions du Président candidat, espérons-le.

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