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Un des derniers textes écrits par Bertolt BRECHT : Le poè...

Publié le 02 décembre 2011 par Magdala
Un des derniers textes écrits par Bertolt BRECHT : Le poè...
Un des derniers textes écrits par Bertolt BRECHT : Le poème aux jeunes.
Je vécus dans les villes au temps des désordres et de la famine Je vécus parmi les hommes au temps de la révolte Et je m'insurgeais avec eux Ainsi passa le temps qui me fut donné sur la Terre Je mangeais en pleine bataille Je me couchais parmi des assassins Négligemment je faisais l'amour et je dédaignais la nature Ainsi passa le temps qui me fut donné sur la Terre De mon temps les rues conduisaient aux marécages La parole me livra aux bourreaux J'étais bien faible mais je gênais les puissants Ou du moins je le crus Ainsi passa le temps qui me fut donné sur la Terre Les forces étaient comptées Le but se trouvait bien loin il était visible pourtant Mais je ne pouvais pas en approcher Ainsi passa le temps qui me fut donné sur la Terre Vous qui surgirez du torrent où nous nous sommes noyés Songez quand vous parlez de nos faiblesses A la sombre époque dont vous êtes sortis Nous traversions les luttes de classes Changeant de pays plus souvent que de souliers Désespérés que la révolte ne mît pas fin à l'injustice Nous le savons bien La haine de la misère creuse les rides La colère de l'injustice rend la voix rauque Ô nous qui voulions préparer le terrain de l'amitié Nous ne sûmes pas devenir des amis Mais vous quand l'heure viendra où l'homme aide l'homme Pensez à nous avec indulgence
Pour ceux qui souhaitent la version intégrale :
A ceux qui viendront après nous.I

Vraiment, je vis en de sombre temps ! Un langage sans malice est signe De sottise, un front lisse D’insensibilité. Celui qui rit N’a pas encore reçu la terrible nouvelle.
Que sont donc ces temps, où Parler des arbres est presque un crime Puisque c’est faire silence sur tant de forfaits ! Celui qui là-bas traverse tranquillement la rue N’est-il donc plus accessible à ses amis Qui sont dans la détresse ?
C’est vrai : je gagne encore de quoi vivre. Mais croyez-moi : c’est pur hasard. Manger à ma faim, Rien de ce que je fais ne m’en donne le droit. Par hasard je suis épargné. (Que ma chance me quitte et je suis perdu.)
On me dit : mange, toi, et bois ! Sois heureux d’avoir ce que tu as ! Mais comment puis-je manger et boire, alors Que j’enlève ce que je mange à l’affamé, Que mon verre d’eau manque à celui qui meurt de soif ? Et pourtant je mange et je bois.
J’aimerais aussi être un sage. Dans les livres anciens il est dit ce qu’est la sagesse : Se tenir à l’écart des querelles du monde Et sans crainte passer son peu de temps sur terre. Aller son chemin sans violence Rendre le bien pour le mal Ne pas satisfaire ses désirs mais les oublier Est aussi tenu pour sage. Tout cela m’est impossible : Vraiment, je vis en de sombre temps !


II
Je vins dans les villes au temps du désordre Quand la famine y régnait. Je vins parmi les hommes au temps de l’émeute Et je m’insurgeai avec eux. Ainsi se passa le temps Qui me fut donné sur terre.
Mon pain, je le mangeais entre les batailles, Pour dormir je m’étendais parmi les assassins. L’amour, je m’y adonnais sans plus d’égards Et devant la nature j’étais sans indulgence. Ainsi se passa le temps Qui me fut donné sur terre.
De mon temps, les rues menaient au marécage. Le langage me dénonçait au bourreau. Je n’avais que peu de pouvoir. Mais celui des maîtres Etait sans moi plus assuré, du moins je l’espérais. Ainsi se passa le temps Qui me fut donné sur terre.
Les forces étaient limitées. Le but Restait dans le lointain. Nettement visible, bien que pour moi Presque hors d’atteinte. Ainsi se passa le temps Qui me fut donné sur terre.


III
Vous, qui émergerez du flot Où nous avons sombré Pensez Quand vous parlez de nos faiblesses Au sombre temps aussi Dont vous êtes saufs.
Nous allions, changeant de pays plus souvent que de souliers, A travers les guerres de classes, désespérés Là où il n’y avait qu’injustice et pas de révolte.
Nous le savons : La haine contre la bassesse, elle aussi Tord les traits. La colère contre l’injustice Rend rauque la voix. Hélas, nous Qui voulions préparer le terrain à l’amitié Nous ne pouvions être nous-mêmes amicaux.
Mais vous, quand le temps sera venu Où l’homme aide l’homme, Pensez à nous Avec indulgence.

Publié par Claude Vlérick / http://jusquacetempleenruinesmais.blogspot.com/2009/05/le-poeme-aux-jeunes-bertolt-brecht.html

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