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Camille – Ilo Veyou

Publié le 07 décembre 2011 par Lcassetta

Camille, la plus inclassable, inventive et l’une des plus talentueuses des chanteuses françaises revient avec son quatrième opus Ilo Veyou, anagramme de “I Love You”. Enregistré dans un couvent et entièrement acoustique, cet album se veut organique, fantasque et polyphonique. La batterie laisse place à des instruments plus vivants, à l’instar des cordes, des contrebasses et des quatuors. Chronique !

Nul fil conducteur, si ce n’est celui tissant le nom de l’album sur la pochette. La petite Björk française saute du coq à l’âne avec une grande aisance : on passe des rires aux larmes, de l’amour à l’amertume, du français à l’anglais presque sans nous en apercevoir. On glisse, on se laisse aller comme sur un nuage, transportés par l’intensité religieuse de sa voix et par la multiplicité de ses univers magiques et indéchiffrables.

Ilo Veyou commence sur une voix troublante et tremblante avec Aujourd’hui, un amas de mots lancés en apnée et véritable ode à la grossesse. Mais le ton de l’album n’est donné qu’à partir du deuxième titre, L’Etourderie, déclaration amoureuse déchirante et mélancolique à souhait. On retrouve d’ailleurs cette fragilité débordante dans le titre aux sonorités médiévales Le Berger, ou encore dans Le Banquet, petit instant de grâce divine.

0 Camille   Ilo Veyou

On passe au surprenant Allez Allez Allez où un choeur d’enfants nous transporte dans une ambiance de colonie de vacances, ambiance qu’on retrouve d’ailleurs dans la courte comptine enfantine Message.

Place ensuite à la langue de Shakespeare, où Camille nous touche le plus. Wet Boy et She Was sont de petites merveilles de douceur et de beauté, poignantes, bouleversantes, et où l’émotion est à fleur de peau. Dans Mars Is No Fun, titre malicieux et jazzy à souhait qui nous rappellerait presque l’univers de Feist, Camille se fait plaisir et ça se sent… Idem que pour Bubble Lady où le son des gouttelettes d’eau accompagne tout naturellement la voix mélodieuse de la chanteuse. Passons au titre éponyme Ilo Veyou qui respire la sérénité absolue, et où Camille joue avec les silences et les maîtrise, et nous fait une fois de plus la démonstration de sa performance vocale.

0 Camille   Ilo Veyou

Vient ensuite l’objet musical non identifié de l’album, j’ai nommé La France. La chanteuse nous fait une imitation hilarante et agaçante par moment de Piaf sur un texte ironique à souhait, dénonçant le manque de créativité de la chanson française, la France des photocopies. Une petite chanson pop entraînante et drôle, My Man Is Married But Not To Me, nous invite ensuite à danser, avant de jubiler sur le bilingue Pleasure, un brin coquin où la voix nue de Camille se pose comme un déchirement dans un vide total. L’album se referme comme il a commencé sur un titre à cappella, Tout Dit. Ne dis pas tout, ou tu mourras d’ennui, nous sussure-t-elle avant de se taire.

Ilo Veyou est une pépite et une claque à la fois. La voix très poignante de l’artiste et l’émotion qui se dégage de chaque titre nous submerge jusqu’au petit orteil gelé par le froid. Il semble que la page où les bruits et les cris ont fait la renommée de Camille est définitivement tournée, faisant place à une émotion plutôt vocale où Camille fait de la voix une matière à part entière, la sculptant à sa guise. C’est sans doute l’album de la maturité, se voulant plus épuré, intimiste et moins joué. Néanmoins, l’artiste ne perd rien de son extravagance. On sent chez elle un besoin vital et toujours aussi ardent de créer, d’explorer le plus de thèmes possibles tout en restant dans son petit cocon de délire et d’absurdité déroutante. Camille est folle, et ce quatrième album n’en est qu’une preuve de plus. Espérons seulement qu’elle n’en guérisse jamais.

 Camille   Ilo Veyou
Narjiss Aissaoui (Narjiss Aissaoui)

Je suis un fœtus baignant dans un liquide amniotique fait de musique, littérature, art, films. Le jour où je serai née, vous serez les premiers à le savoir.


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