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SALLE 5 - VITRINE 4 ² : LES PEINTURES DU MASTABA DE METCHETCHI - 8. LE PROPRIÉTAIRE DE LA TOMBE (Seconde partie)

Publié le 10 décembre 2011 par Rl1948

   

   Sans doute sommes-nous constitués de nos admirations plus que de nos gènes.

Alexandre JARDIN,

Des gens très bien

Paris, Grasset, 2010

p. 218

   Aux fins de poursuivre la présentation de Metchetchi entamée ce mardi, je voudrais aujourd'hui plus spécifiquement épingler un autre fragment peint d'une figuration du défunt (E 25507)

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exposé dans la première moitié gauche de la vitrine 4 ² de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre. 

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   Comme déjà de tradition en ces temps premiers de la codification de l'art égyptien, - j'eus précédemment l'opportunité de le mentionner -, parce qu'il constitue le point véritablement nodal autour duquel ont été pensées, conçues et réalisées l'ensemble des scènes de sa demeure d'éternité, le propriétaire d'un mastaba se devait d'être représenté d'une taille supérieure à toutes les autres personnes de son entourage immédiat, quels qu'aient été les degrés de parenté ou d'amitié et, a fortiori, quand il s'agissait des membres du personnel de ses domaines. Sur la présente pièce, le texte encore déchiffrable dans la colonne de droite indique d'ailleurs qu'il est notamment en train de regarder les travaux des champs et tous les beaux divertissements.

   Comprenez-moi bien, amis lecteurs : l'iconographie ainsi que les textes que nous découvrons sur les parois des tombes, de quelque période de l'histoire égyptienne qu'ils fussent, - alors qu'ils ne nous étaient absolument pas destinés -, étaient pures conventions. Nous ne devons pas, vous ne devez jamais les prendre au pied de la lettre ! Ce ne sont pas des vérités premières. Feu le Professeur Roland Tefnin, de l'Université libre de Bruxelles, l'a suffisamment démontré : il ne s'agit nullement de donner à voir une quotidienneté de manière réaliste.

     Rappelez-vous à ce propos quand, au printemps 2010, dans ma rubrique "Décodage de l'image", j'avais avec vous évoqué les vêtements des notables, époux comme épouses, s'adonnant soit à la pêche, soit à la chasse dans les marais nilotiques ... 

   Il nous faut toujours avoir en mémoire que le propriétaire d'un tombeau se doit d'exprimer certaines valeurs sociales et idéologiques de l'élite dirigeante et, plus précisément, celles considérées comme pertinentes pour figurer dans un monument funéraire, écrit le Professeur Juan Carlos Moreno Garcia dans une très intéressante étude référencée ci-dessous (et que, parce que librement téléchargeable sur le Net, je vous conseille vivement de lire). 

   Que ce soit leur emplacement : à l'Ancien Empire, dans la nécropole memphite, vous le savez pour Metchetchi et bien d'autres, dans un périmètre proche de la pyramide royale ; que ce soit leur programme iconographique - comme vous le comprendrez au fur et à mesure que nous découvrirons les éclats pariétaux disposés dans le long meuble vitré devant lequel nous nous trouvons ; que ce soit le mobilier funéraire choisi pour accompagner les défunts, tout concourt à faire des sépultures d'une certaine élite un lieu de mémoire qui affiche ostensiblement pour l'Au-delà la fonction de haut serviteur de l'Etat embrassée ici-bas par leur propriétaire.

     C'est ce que J.-C. Moreno Garcia appelle l'expression d'un message idéologique.

   Après cette importante mise en garde, revenons voulez-vous, à notre fragment (E 25507). Entre le bâton court tenu dans la main gauche et le visage du défunt apparaît, hiéroglyphes encore quelque peu lisibles, son identité patronymique :  Metchetchi

   Pour ce qui concerne plus spécifiquement son identité vestimentaire, vous remarquerez, si vous voulez bien comparer avec le linteau de la précédente vitrine, qu'il porte le même pagne à devanteau triangulaire, le même large collier à sept rangs de perles et la même perruque courte.

   Permettez-moi pour l'heure d'ouvrir à nouveau une autre parenthèse, le temps de simplement indiquer que le pagne fut, à l'Ancien Empire, le vêtement le plus porté par les hommes : plutôt court et près du corps pour la majorité d'entre eux, élargi et descendant jusqu'aux genoux pour les notables.   

   Le temps également de mentionner qu'à la différence des coiffes féminines, nombreuses, il n'exista que deux types distincts de perruques masculines durant toute la civilisation pharaonique : une courte, présentant des rangées horizontalement réparties de mèches censées être bouclées, dégageant le bas de la nuque - comme celle qu'ici porte Métchetchi -, et une plus longue, tombant sur les épaules, aux mèches verticalement organisées, telle celle qu'il arbore notamment, rappellez-vous, sur le relief du jambage de porte exposé au Nelson-Atkins Museum de Kansas City, dans le Missouri.

   Toutefois, à l'intérieur de cette typologie bien définie, des variantes sont à distinguer : par exemple au niveau des oreilles. Il vous suffit de regarder ici Metchetchi (ou une de ses statues, également à Kansas City) : les siennes sont bien dégagées alors que la perruque recouvre entièrement celles de son fils, figuré plus petit devant lui, eu égard à la convention hiérarchique que je rappelais tout à l'heure au début de notre rencontre. 

  

   Indépendamment du pagne, de la perruque et du collier identiques à ceux de la vitrine de gauche donc, deux détails ont en outre été ajoutés : un vêtement cintré, moucheté, manifestement en peau de félin, qui le corsète et un bracelet à chaque poignet.

   Assis sur un siège noir - ce qui signifie, par convention, que vous devez le considérer comme étant en bois -, Metchetchi a devant lui, en taille réduite donc, son fils qu'il aime, Ptahhotep, soulevant la coupelle d'un encensoir aux fins de rituellement honorer son père.

     Souvenez-vous : nous avions déjà lu semblable déclaration gravée sur l'imposant bloc du linteau de la porte d'entrée de la sépulture. En voici une version similaire sur le présent fragment peint. Sur d'autres, bientôt, nous en rencontrerons à nouveau : son fils aimé ; son aimé ; son fils aîné chéri ; son fils aîné qu'il aime ... 

   Mais que diantre signifient exactement ces formulations qui, comme le prénom du défunt d'ailleurs, sont non seulement récurrentes dans les différents tombeaux égyptiens mais également reprises à l'envi sur les parois murale intérieures d'un même complexe funéraire ?

   C'est ce que je me propose de vous expliquer à partir du mardi 13 décembre prochain, si toutefois vous consentez à me retrouver ici, en salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre ...

(Cherpion : 1998, 103 ; Moreno Garcia : 2006, 215-42 ;  Ziegler : 1990, 127)


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