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« La Mouche » de Cronenberg de retour au cinéma !

Par Klmchantrier
by Fanie

« La Mouche » de Cronenberg de retour au cinéma !

The Fly de David Cronenberg est de retour sur grand écran, à Paris, au Grand Action ! Que reste-t-il de « La Mouche »… 25 ans plus tard ? Un chef d’oeuvre en décomposition ou en fusion ?

Pour sa sortie, en 1987, j’étais une ado, et je ne l’ai d’ailleurs vu que bien après lors de sa première diffusion à la télé. Ce film a longtemps hanté mon imaginaire. La charge émotionnelle ne peut donc pas être plus forte, pour cette soirée revival, d’autant que je ne l’avais jamais revu. Moins traumatisant pour moi que la La malédiction de la Veuve noire (1977) (dont je ne suis toujours pas remise), Amityville, la maison du diable (1979) ou The Thing de Carpenter (82), les trois films qui ont sauvagement nourrit mes cauchemars pendant des années ! Mais c’est tout de même un monument de mon adolescence que je m’apprête à revoir, ou plutôt voir, puisque je ne l’avais jamais vu dans une salle obscure. Dire qu’il est culte pour moi, cela tient presque de l’euphémisme.

« La Mouche » de Cronenberg de retour au cinéma !
Seth Brundle: [typing] Assimilation? Did Brundle absorb fly?
Computer: Negative. Fusion of Brundle and fly at molecular-genetic level.

Ais-je besoin de rappeler l’histoire ? Seth Brundle, un scientifique de génie a mis au point une machine capable de téléporter et de reconstituer la matière d’un point à un autre. Tout va bien jusqu’au moment où il décide d’être le propre cobaye de son invention… malheureusement, une mouche s’introduit dans le télépod… Tout bascule. La Mouche, c’est ni plus ni moins le récit métaphysique et tragique de la lente et fatale décomposition d’un homme… et d’une poignante histoire d’amour. L’histoire d’un savant reclus dont le génie fut la cause de sa lente déchéance. Cronenberg met en scène, de façon brillante, la mutation dans ce qu’elle a de plus irréversible. Notre attachement pour ce génial ermite qui s’ouvre enfin à la vie, avec l’aboutissement de l’invention de toute sa vie, jusqu’à nous éblouir en quasi demi-dieu… rendent d’autant plus brutales les ignobles dégradations de sa chair jusqu’à sa fusion totale avec l’insecte… qui se finit dans une apothéose tragique à la fin du film, lorsque le Brundel qui sort du téléporteur n’est plus qu’une triste association entre l’homme, la mouche et la machine.

« La Mouche » de Cronenberg de retour au cinéma !

Pourquoi est-on tenu en suspens pendant tout le film ? On sait, très vite, que la métamorphose est inéluctable, comme leur histoire d’amour est sans issue. On espère rien, car il n’y a rien à espérer… donc finalement c’est le « comment » qui nous tient au tripes. Et quel « comment » ! Accrochez-vous bien, car le hors-champ, monsieur Cronenberg, connaît pas ; tout nous est montré, et de façon assez crue et cruelle. Pour moi, il s’agit d’une sorte de fascination qui est presque de l’ordre de la profanation… Si la mutation de Brundle reste absolument fascinante, (et disons-le carrément répugnante), même après tout ce temps, l’intérêt du film n’est pas là. Il réside dans l’effroi que peut représenter la condamnation à mort d’un homme… qui se l’est soi-même infligée… par orgueil, par cet espèce d’ « ubris », cette démesure qui sied si bien à Goldblum. Cet orgueil, c’est celui du scientifique qui se prend pour un dieu créateur et recréateur de toute chose… pour finir misérablement en insecte.
Et puis… dans le désespoir immense de cette femme qui le voit, impuissante et terriblement amoureuse, peu à peu se métamorphoser en autre chose que lui-même.

« La Mouche » de Cronenberg de retour au cinéma !

L’horreur qui va croissante pendant le film est restée pour moi intacte. L’ami qui a eu la gentillesse de m’accompagner, m’a vu plonger plus d’une fois sous mon écharpe, et laisser échapper quelques cris. On était une dizaine tout au plus, éparpillés dans la salle panoramique du Grand Action… donc, on pouvait presque laisser éclater ses émotions. Un joli cadeau de ce cinéma, en version numérique, de toute beauté. Les effets spéciaux, pourtant vieux de 25 ans, sont toujours aussi impressionnants, d’un réalisme incroyable. La romance entre Jeff Goldblum (je n’ai jamais compris ce qu’il avait foutu après, pour se retrouver dans Jurassik Park celui-là !) et Genna Davis va crescendo avec l’horreur… au mileu des scènes de plus en plus gores et absolument vomissantes, il reste cette infinie tendresse, ce trouble qui ne veut pas disparaître. Faut quand le faire pour nous faire ressentir de l’amour entre une femme et une mouche, hi hi hi.

« La Mouche » de Cronenberg de retour au cinéma !

Les idées de Cronenberg qui prennent corps à chaque plan sont à faire peur, et sa fascination notamment pour la transformation de la chair, la transmutation, qu’il va continuer à décliner dans tous ses films, le concept de « la nouvelle chair » trouve ici son plus bel écrin. La force essentielle de ce film réside dans la puissance de son écriture. Et c’est pourquoi ce petit bijou restera une référence dans le cinéma fantastique, et une oeuvre intemporelle, malgré la fatigue de certains de ses effets. La lente transformation physique, psychologique et amoureuse se mêlent, faisant l’incroyable force de ce chef-d’oeuvre viscéralement organique, et pourtant pas dénué d’humour, même s’il est profondément noir. Et que dire de la musique de Howard Shore ? Elle est somptueuse (et file grave les chtons, essayez de l’écouter dans votre bureau, tout seul, dans la nuit, rien que pour voir !) .

Alors même pas un petit avis négatif ? J’avoue que j’ai trouvé le film trouvé un poil (MouahMouah) court. Et si vous avez le dvd, vous découvrirez notamment une scène coupée qui explique bien des choses. Car j’avais du mal à comprendre pourquoi on ne voyait pas davantage Seth se battre… Allez tiens, je vous laisse la découvrir, , mais soyez ferme les gars, ça va tanguer de trouille ! Cette scène a été supprimée au montage, car lors des tests, une personne a vomi dans la salle… et c’est vrai qu’elle rendait notre Seth beaucoup moins sympathique… Mais j’avoue que je l’aurais laissée, le film n’en aurait été que plus fort. Bon, je dis ça, je dis ça. Comme j’ai eu du mal à comprendre pourquoi Veronika ne sortait pas les griffes de lionne pour enrayer le processus, je la trouve un brin prostée. Je crois qu’à sa place, j’aurais réveillé tous les prix nobels de la terre ! Et puis il faut bien dire que la fin est brutale, mais finalement inévitable. Mais là, c’est vraiment pour raffiner.

Quelques répliques…

Certaines de ces scènes m’ont empêchée de dormir et le feront encore longtemps. J’avais cette impression affreuse que Brundle-Fly allait surgir à tout instant, et vomir sur moi son visqueux acide pour me mutiler ! Quand j’entends parler d’accouchement, les premières images qui me viennent à l’esprit, sont celles d’une larve atroce et dégoulinante ! J’ai également toujours très peur de me décoller les ongles, et ne parlons pas des bras de fer, qui me font tomber un oeil rien qu’en y pensant ! Je ne parlerai pas non plus, même sous la torture, de cette scène où Seth fait démonstration de sa nouvelle façon de manger « façon mouche »… et quand je pense à son « Brundle museum d’histoire naturelle », qui renferme les relicats de son humanité, j’en frémis encore. Quant aux répliques, elles font mouche à tous les coups (si, fallait que je la place celle-là) :

Seth Brundle :

« Ça ne marche pas avec la chair ça ne marche qu’avec les objets. Il faut que j’apprenne, il faut que j’en sache plus sur la chair. L’ordinateur doit devenir fou de chair ne pas rester froid à la retraduire mais la donner telle qu’elle est : la poésie du steak ou les vieilles femmes avec la peau des bébés. »

Seth Brundle:

You’re afraid to dive into the plasma pool, aren’t you ? You’re afraid to be destroyed and recreated, aren’t you ? I’ll bet you think that you woke me up about the flesh, don’t you ? But you only know society’s straight line about the flesh. You can’t penetrate beyond society’s sick, gray, fear of the flesh. Drink deep, or taste not, the plasma spring! Y’see what I’m saying? And I’m not just talking about sex and penetration. I’m talking about penetration beyond the veil of the flesh ! A deep penetrating dive into the plasma pool !
 » Tu as peur de te baigner dans le bain de plasma ? Tu as peur d’être détruite, et reconstituée ? Tu crois m’avoir révélé à la chair. Tu me parles de chair, mais tu n’as pas la moindre idée de ce qu’est la chair. La société ne t’as pas enseigné ce qu’est la chair et tu ne peux te débarrasser de cette peur primitive et maladive qu’est la peur de la chair. Bois profondément, ou ne goûte pas à la fontaine de plasma. Tu comprends ce que je veux dire ? Je ne parle pas de sexe ou de pénétration. La pénétration, c’est le grand plongeon au fond du bain de plasma ! La téléportation est devenue un accouplement génétique !  »

Seth Brundle :
« Vous (les dents) sont des reliques. Il est impossible de nier. Ce sont des vestiges archéologiques redondants. Des restes d’une époque passée qui gardent de l’intérêt historique (quand il ouvre l’armoire il est possible de voir les oreilles et d’autres partis de son corps). »

Seth Brundle :

My teeth have begun to fall out. The medicine cabinet is now the Brundle Museum of Natural History. You wanna see what else is in it ?
- Mes dents ont commencé à tomber. Ma pharmacie est devenue le Brundle museum d’histoire naturelle. Tu veux voir ce qu’il y a d’autre à l’intérieur ?

Seth Brundle :

Am I becoming a hundred-and-eighty-five-pound fly ? No, I’m becoming something that never existed before. I’m becoming… Brundlefly. Don’t you think that’s worth a Nobel Prize or two ?
Et je deviendrai une mouche de 80 kilos ? Non, je deviens quelque chose d’inédit. je deviens BrundleMouche. Tu ne penses pas que ça vaut un prix nobel ça ?

Seth Brundle :

Have you ever heard of insect politics? Neither have I. Insects… don’t have politics. They’re very… brutal. No compassion, no compromise. We can’t trust the insect. I’d like to become the first… insect politician. Y’see, I’d like to, but… I’m afraid, uh…
Ronnie: I don’t know what you’re trying to say.
Seth Brundle: I’m saying… I’m saying I – I’m an insect who dreamt he was a man and loved it. But now the dream is over… and the insect is awake.
Ronnie: No. no, Seth…
Seth Brundle: I’m saying… I’ll hurt you if you stay.
- Tu as déjà entendu parler de politique chez l’insecte ? Moi non plus. L’insecte n’a pas de politique, il est très brutal, sans compassion ni compromis. On ne peut pas faire confiance à l’insecte. Je voudrais pouvoir devenir le premier insecte politicien. J’aimerais tant, mais… J’ai peur…
- Je ne comprends pas ce que tu essayes de me dire.
- Je dis… Je dis que je suis un insecte qui a rêvé qu’il était un homme et qu’il a aimé cela. Mais maintenant… le rêve est terminé. L’insecte est réveillé.
- Non, Seth, non…
- Je dis… que je te ferai du mal si tu restes.

Seth Brundle :

« - Nous formerions une famille idéale ! Trois personnes dans un même corps… Plus humaine, plus humaine que je ne l’ai jamais été « 

La Mouche, de David Cronenberg, ressort sur le grand écran du Grand Action, 5 rue des écoles (métro Jussieu). Courez-vite le voir, c’est jusqu’à mardi ! Et si décidément, La Mouche, ça ne vous fait pas monter au plafond (ouh oh oh), il y a aussi Faux semblants (1988) avec le(s) excellent(s) Jeremie Irons et History of violence (2004) pour continuer le cycle Cronenberg.

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