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Bibliothèque numérique de l'Institut de France

Par Alexm

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Je viens de prendre connaissance de la Bibliothèque numérique de l'Institut de France (Académie française, etc.) (lien).Curieux mélange, qui tient sur une page, entre des auteurs très connus (Balzac, Descartes, Galois) et d'illustres inconnus, pour moi en tout cas.


Je ne souhaite pas critiquer plus que nécessaire cette numérisation (d'autant que j'ai déjà critiqué certaines stratégies numériques de l'Institut, ). Elle correspond à un effort méritoire : comme l'indique l'Institut, "Les documents présentés ci-dessous constituent les premiers éléments d’une bibliothèque virtuelle qui montrera aux chercheurs comme au grand public quelques uns [sic] des trésors conservés à la Bibliothèque de l’Institut".

Acceptons-en l'augure, mais faisons néanmoins quelques remarques.

Ce n'est pas une bibliothèque numérique avec visualisation des documents en ligne, mais une page de téléchargement de fichiers PDF. Les fichiers sont lourds (30 Mo, premier fichier Balzac). Pour la plupart, ce sont des microfilms (d'avant l'époque du numérique) qui ont été numérisés (ex. Galois : microfilm de 1998 de la Société d'ingénierie et de microfilmage).

Ce mode de numérisation n'est pas du tout conçu pour une lecture sur Internet ou sur écran. Pour Balzac, je ne connais pas la taille des feuillets originaux : à la numérisation on a deux feuillets d'écriture par A4-PDF, on doit augmenter la taille à 175% pour lire, mais la lecture est difficile - non pas à cause de l'écriture manuscrite mais parce qu'on est en limite de résolution : échelle normale (100%) impossible à lire car caractères trop petits ; plus grande échelle (300%) impossible à lire car perte de résolution. Pour Galois, là non plus je ne connais pas la taille des feuillets originaux : mais la taille sur A4-PDF est plus petite encore, ce qui rend ces feuillets illisibles.

À titre de comparaison, on pourra voir des manuscrits avec visualisation en ligne grâce au logiciel ICEBERG du CNRS/CN2SV (auteur du logiciel Stéphane Pouyllau, par ailleurs auteur de blog, et concepteur du moteur de recherche ISIDORE). Ce sont là de véritables bibliothèques numériques de manuscrits :

- site des manuscrits de Gay-Lussac et Monge, SABIX (Société des amis de la bibliothèque et de l'histoire de l'Ecole polytechnique, que je préside) (numérisation et mise en ligne grâce au Plan National de Numérisation 2007 du ministère de la Culture).

- site consacré à Ampère (CNRS/ Centre Alexandre Koyré), et notamment ses manuscrits (numérisation et mise en ligne grâce au programme CORPUS - ANR).

Ce sont là de réelles bibliothèques numériques.

Encourageons donc l'Institut à une meilleure réflexion sur cette dernière notion. Le "Grand Emprunt" (volet numérisation), auquel l'Institut est candidat, l'y encouragera-t-il ? Il est à craindre que la manne de ce "Grand Emprunt" ne conduise plutôt à coûteux appels à sociétés de conseil et d'ingénierie, et autres web agencies, avec système propriétaires et maintenance associée. Alors que, justement, des logiciels comme ICEBERG développé pour la visualisation des manuscrits par le CNRS sont non seulement libres mais surtout gratuits (ou fort peu coûteux). Malgré le Grand Emprunt, qui n'encourage pas du tout aux stratégies de moindre coût, essayons de promouvoir ce type de stratégie.

Il est enfin un dernier point à souligner concernant les documents numériques de l'Institut, c'est leur coût de réutilisation (voir la page des tarifs). Réutiliser par exemple sur Internet une page de manuscrit coûte par exemple 120€ de droits (réduits de moitié pour une publication scientifique). Dans ce contexte je pose les questions suivantes à mes lecteurs :

- l'Institut, créé sous l'Ancien Régime (Richelieu puis Colbert), n'appartient pas au droit public : mais son patrimoine n'est-il pas néanmoins public ?

- ce qui serait inacceptable pour des imprimés (faire payer ses numérisations, ce que BnF/ Gallica a finalement renoncé à faire), le serait-il pour des manuscrits, documents uniques, à la conservation délicate ?

J'ai, pour ma part, tendance à répondre OUI aux deux questions - je suis favorable à une diffusion gratuite de ces oeuvres-là, aussi. Mais le débat est ouvert (commentaires).


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