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Témoignages de l’intérieur des centres de rétention français (janvier 2008)

Publié le 29 janvier 2008 par Agitlog
Informations envoyées sur la liste zpajol, principalement par l’adresse de contact [email protected] Refus d’entrer dans les chambres, refus d’être compté, refus de manger, chambres brûlées, altercation avec la police. Ces actes quotidiens de révoltes se construisent dans un rapport à l’organisation du centre et à tous les moments de contrôles et d’humiliations qui lui sont liés. Ils n’ont aucune fin, aucune limite. Ils sont repris par chaque nouveau arrivant. Seul l’isolement et la répression parviendra à arrêter la révolte de Vincennes. Mais elle durera si nous continons de téléphoner et de visiter régulièrement les détenus et d’ informer sur ce qu’il se passe à l’intérieur. Elle durera si nous continuons de manifester devant le centre. Elle durera si les intitiatives se multiplient provenant de différents groupes, collectifs, individus (actions, affiches, stickers, etc). Elle durera si la révolte s’étend aux autres centres, aux autres villes, à la société toute entière. Elle durera et s’étendra si nous nous révoltons avec eux. Nous continuons de téléphoner quotidiennement au centre de rétention de Vincennes. On nous a confirmé que la semaine dernière dans un pavillon, une vingtaine de personnes ont refusé de s’alimenter pendant au moins trois jours. Personne n’en a rien a su. Nous n’avons jamais réussi à prendre contact avec elles. Nous avons plusieurs fois appelé sur les cabines téléphoniques. Mais à chaque fois, nous sommes tombés sur les mêmes réponses : « Ici tout va bien. Tout le monde mange. La police est correcte avec nous. » Crainte de la police ou réponses dictées par elle ? Nous n’en sauront rien. Ce qui est sûr, c’est que les autorités du centre voudraient que rien ne sorte. Elles organisent des visites guidées aux médias pour nous faire croire que rien ne se passe à l’intérieur. Les grévistes de la faim s’arrêteront devant le silence qui les entoure. Mais la lutte ne s’arrête pas pour autant. Les médias ne portent attention qu’à des événements bien identifiés comme au mois de décembre ou 150 personnes à Vincennes et au Mesnil-Amelot se sont déclarés en grève de la faim. Mais la résistance est quotidienne dans les centres de rétention. Résister c’est se réunir pour discuter quand les flics et leurs caméras en permanence vous surveillent. C’est protester quand la bouffe est périmée. C’est porter plainte quand la police tabasse. C’est gueuler ensemble pour obtenir qu’une personne malade puisse voir un médecin. Et cette résistance a lieu tous les jours de l’année. Vendredi 11 janvier 2008 Vincennes Les détenus commencent par nous raconter, le passage des journalistes d’Envoyé spécial dans le centre de rétention de Vincennes. Les détenus voulaient leur dire la manière dont ils ont été arrêtés, les conditions dans lesquelles ils sont détenus et dénoncer la politique du chiffre dont ils sont victimes. Mais les « envoyés spéciaux » de TF1 ne semblaient pas s’intéresser à ce qu’ils disaient. Ils auraient dit aux détenus qu’ils ne sont pas là pour cela. Le commandant leur a fait visiter le centre, ils ont pris des images et sont partis. Ils continuent de se réunir. Ils dénoncent la manière dont la police leur attribue arbitrairement une nationalité, comment les détenus sub-sahariens sans passeport sont présentés aux ambassades de Guinée, du Mali ou du Sénégal qui délivrent des laissez-passer sans preuve de leur nationalité.Ils dénoncent les arrestations abusives devant les ambassades. Quand nous leur avons posé la question des soins, les détenus nous ont répondu que les médecins donnaient toujours le même cachet d’aspirine qu’il s’agisse d’un mal de ventre ou d’une irritation. À l’intérieur du centre, les fouilles répétées continuent. Avant-hier, on leur a servi de la nourriture périmée depuis le 25 décembre 2007. Dimanche 13 janvier 2008 Vincennes Les détenus nous racontent que la veille, deux personnes ont été transférées au CRA de Vincennes. Toutes les deux victimes d’un malaise, les pompiers sont intervenus et les ont emmenés. Lorsque les détenus ont demandé des nouvelles d’eux, le commandant n’a pas voulu leur répondre. Un détenu témoigne de ce à quoi peut ressembler une journée au centre de rétention de Vincennes. Tous les matins on nous fouille. On descend au réfectoire vers 9 h. Il n’y a pas d’eau chaude pour le café. Lorsqu’on le signale, les policiers nous répondent qu’ils ne sont pas là pour ça, qu’ils sont juste là pour nous surveiller. Ils ne veulent pas s’occuper de ça. Ce midi, on nous a servi des haricots blancs périmés depuis le 5 janvier. Quand on l’a signalé, on nous a répondu qu’ils n’étaient pas là pour regarder les dates. Qu’ils ne voulaient rien savoir. On l’a signalé à la CIMADE qui elle a écrit un texte pour en témoigner. Pendant la journée on peut circuler mais on doit rester dans les chambres. Quand on veut se reposer, les policiers veulent fouiller les chambres. La nuit, ils sont dans le couloir. Lorsque q’on doit se rendre aux toilettes, ils nous suivent et laissent la porte ouverte Ils nous provoquent. Ils nous dérangent la nuit en mettant l’alarme entre minuit 1 heures, pour qu’on ne dorme pas Malgré tout, on doit se réunir pour communiquer Il ne faut pas qu’on lâche. Il faut que tout le monde soit d’accord pour relancer la lutte. Dans nos discussions avec les détenus du centre de rétention de Vincennes, nous portons une attention particulière aux détails : deux par chambre, l’eau est froide, l’alarme sonne tous les soirs entre minuit et une heure, hier la nourriture était périmée, aujourd’hui, il n’y a pas de places dans le centre et deux personnes doivent dormir par terre, etc ... Notre volonté n’est pas de dénoncer les conditions de rétentions pour réclamer leurs améliorations. Il n’y a aucun aménagement possible de ces lieux sinon leur destruction. Les détails nous aident à comprendre la nature de ces lieux. Ils nous aident à comprendre que la volonté de l’administration va au-delà de la stricte application de la loi, que le système relatif aux étrangers a pour but de casser, d’humilier, de fragiliser moralement et physiquement des hommes et des femmes. Mardi 15 janvier 2008 Vincennes Je suis fatigué On n’a aucune communication à l’extérieur. Rien ne sort de ce qu’il se passe ici. Il n’y a pas d’eau chaude dans les douches. Le ballon d’eau n’est pas suffisant pour tout le monde. Si tu ne te laves pas ça ne va pas. On ne peut pas laver nos affaires. Il n’y a pas de chauffage dans certaines chambres. Mais le commandant s’en fout. On est 250 personnes dans le centre. On est écœuré. Les gens qui ne sont pas rentrés dans le centre ne savent pas ce qu’il s’y passe La police emmène les médias là où ils ont fait des travaux pour montrer aux Français à la télé, à la radio que tout va bien, que l’on est calme, tranquille et qu’ils s’occupent bien de nous. Mais c’est l’inverse Notre mouvement a été sans conséquences. On continue de discuter entre nous. On fait des réunions entre les deux pavillons : une personne se rend au grillage pour raconter aux autres ce qu’il se passe dans l’autre pavillon et vice-versa. Personne de la Cimade ne veut monter dans les chambres pour se rendre compte de la situation et de nos problèmes. Les recours qu’ils font ne changent rien. Parce que j’essaye d’organiser des choses, beaucoup de flics sont contre moi. Quand je parle avec les autres, ils interviennent et demandent de quoi je parle, qu’est ce que je trafique encore là. Mercredi 16 janvier 2008 Vincennes On a fait une réunion. On s’est parlé pour relancer le mouvement. Beaucoup de personnes n’ont pas le moral. Certains sont venus nous voir pour demander des avocats. Il ne faut pas baisser les bras. Il y a 40 personnes pour qui les ambassades n’ont pas donné de laissez-passer. Elles ne les ont pas reconnus. Ils doivent quand même rester 32 jours dans le centre. On proteste contre cela. Si on n’a pas de réponse vendredi, on reprend le mouvement. Hier, ils ont ramené deux gars. Il n’y avait plus de place, plus chambre, plus de matelas. Ils ont dû dormir par terre dans le couloir Le centre est plein, mais ils continuent à ramener des gens Ils envoient les nouveaux en disant : « Va voir tes collègues ! ils te trouveront une place ! » Si on proteste ils disent : « On verra demain » Je n’ai pas dormi. Je suis souffrant. J’ai été voir le médecin. Il m’a donné un médicament pour dormir. Quand un flic cherche un gars, il l’appelle par le haut-parleur au lieu de se déplacer. Tous les matins, le haut-parleur nous réveille. Ce matin, j’ai été réveillé à cinq heure. Jeudi 17 janvier 2008 Vincennes À minuit nous recevons un coup de téléphone d’une personne avec qui nous sommes en communication depuis le début des événements au centre de rétention de Vincennes. La police est venue me voir pour me dire que demain matin à sept heure, ils m’emmenaient devant le juge. Quel juge ? Je suis là depuis 28 jours et je n’ai aucun juge à aller voir. Ils veulent m’expulser sans rien me dire. J’en suis sûr. Ils n’ont même pas mis mon nom sur le tableau des départs. Vendredi 18 janvier 2008 À six heures, elle nous rappelle. Je suis à Roissy. Ils sont venus me chercher à cinq heure ce matin. Ils m’ont menti sur la destination et sur l’heure. Elle refusera d’embarquer. Elle sera placée en garde-à-vue. Elle passera en comparution immédiate le lendemain. Son avocat soulèvera une nullité. Son procès sera renvoyé. Elle sera finalement libérée sous contrôle judiciaire en attendant son prochain jugement. Elle risque 3 mois ferme et 3 ans d’interdiction de territoire. Samedi 19 janvier Vincennes Pendant la manifestation les détenus sont sortis dehors. Ils ont accroché des draps aux barbelés. Le soir même, la police est entrée dans les chambres pour fouiller et retourner les matelas. mardi 22 janvier -  Grève de la faim au Centre de Rétention de Palaiseau Depuis ce matin 22 janvier 2008, 20 sans-papiers (sur les 30 présents)retenus au CRA de Palaiseau sont en grève de la faim pour obtenir leur libération. -  Vincennes Pendant la grande manifestation de samedi, la police filmait ceux qui étaient sur la grille. J’ai sorti un drap que nous avons accroché à la grille. Les CRS sont rentrés à l’intérieur du centre. Ils ont fouillés les chambres, ensuite ils nous ont obligés à rentrer à l’intérieur. Il y a un Tunisien qui refuse de manger. Le médecin lui a dit qu’il ne le soignerait tant qu’il refuse de manger. On ne dort pas. On est constamment réveillé par le haut-parleur. Ils appellent pour le comptage, les visites, les expulsions, quand on passe devant le juge. Cela ne s’arrête jamais. Il n’y a pas d’accès directe à la Cimade. Il faut passer deux portes contrôlées par la police. mercredi 23 janvier -  Nantes Des personnes en grève de la faim au centre de rétention de Nantes Leur sort dépend aussi de notre solidarité ! Rassemblement mercredi 23 janvier à 17h30 devant le centre de rétention (Commissariat central place Waldeck Rousseau à Nantes) -  Vincennes Hier soir, à minuit, on a refusé d’être comptés et de rentrer dans les chambres. On a essayé de dormir dehors. Tout le monde criait L-I-B-E-R-T-É. On a essayé de parler avec le chef de la police, mais il a appelé les CRS. La police disait : « Dégagez ! on ne veut pas de vous ici ! » Un policier m’a dit : « Je suis chez moi ici ! » Ils nous ont dit : « Si vous ne rentrez pas, on vous fait rentrer de force » Ils nous ont obligés à rentrer dans les chambres en nous poussant avec les casques. On discute ensemble. Mais c’est difficile. Ils nous contrôlent tout le temps avec les caméras. Ils nous contrôlent la nuit et le jour. Il faut faire des manifestations à l’extérieure. Cela nous fait du bien. On sort. On crie. Si on manifeste une, deux, trois fois par semaine, ils vont comprendre. Ce soir, des gars ont mis le feu à leur chambre en brûlant des papiers. Les pompiers sont intervenus pour éteindre le feu. La police n’a pris personne. Ils veulent peut-être brûler le centre. Jeudi 24 janvier Aujourd’hui, nous avons refusé de manger. Nous avons jeté la nourriture par terre dans le réfectoire. La police filme ceux qui se révoltent. Ils les séparent et les mettent dans l’autre bâtiment. Aujourd’hui, ils ont pris deux personnes. Parmis eux, il y a un tunisien qui n’a pas mangé depuis plus de dix jours. Il a perdu 9 kg Aujourd’hui ils ont expulsé un algérien, demain ils expulseront des chinois. Le soir, ils inscrivent sur un tableau le nom, la destination, l’horaire de départ et l’aéroport des gens qui vont être expulsé le lendemain. Il arrive que des gens soient expulsés sans que leur nom ne soient inscrits sur le tableau. C’est souvent le cas pour ceux qui foutent le bordel. Le matin, la gendarmerie vient les chercher et les emmène à l’aéroport. Hier soir, ils ont fermés les cabines téléphoniques à minuit juste après l’agitation. Ils ne les ont ouvertes que ce matin. Nous parvenons à joindre la personne en grève de la faim qui a été transférée dans la journée. Hier, 4 policiers m’ont sauté dessus. Ils m’ont déchiré ma veste. Ils m’ont dit que je ne saurais pas soigné tant que je ne mangerai pas. Ils m’ont changé de bâtiment. Ça fait 18 jours que je ne mange pas. J’ai perdu 10 kg. Je ne mange parce que la nourriture n’est pas hallal. De toute façon, je ne veux pas m’alimenter. Je ne bois que de l’eau et du café. Aujourd’hui, encore le médecin a refusé de me donner des médicaments si je ne mangeais pas. Je veux sortir du centre. Je veux être libre. La Cimade a refusé de faire mon recours. Ils ont dit que les 24 h étaient passées alors que c’est faux. vendredi 25 janvier Vincennes -  18h30 Un détenu nous informe qu’ils ont brûlé une chambre, que les pompiers sont intervenus et que la majorité des détenus ont refusé de manger. -  21h Un détenu nous raconte que Brard (député-maire de Montreuil) est venu dans le centre de rétention. Il a promis aux détenus de leur apporter des stylos et du papier pour décrire leurs situations. « Il nous a dit qu’il fallait respecter les policiers. Il nous a dit qu’ils n’étaient pas responsables et que les décisions venaient de plus haut. Les gens lui ont répondu qu’ils ne cherchaient pas améliorer leurs conditions de détention, ils veulent la liberté. » Samedi 26 janvier Vincennes -  Midi Un premier feu a pris dans les toilettes. Ensuite, deux chambres ont brûlé. » « On a refusé de manger. On a empêché l’accès au réfectoire en bloquant les portes. La police nous a demandé de laisser passer ceux qui voulaient manger. Ils ont fini par nous dégager. Mais seulement une minorité est allé manger. -  Pendant le rassemblement (15h) La police nous empêche l’accès à la passerelle depuis laquelle nous pouvons vous voir. Mais nous pouvons vous entendre. -  18h Une soixantaine de CRS sont entrés dans le centre. Ils ont fouillé toutes les chambres. Ils nous ont fouillé. Ils ont trouvé un briquet. Ils ont transféré deux personnes dans l’autre bâtiment. dimanche 27 janvier Vincennes 15h Aujourd’hui, dans le bâtiment deux, le feu a pris dans une chambre de quatre personnes. Les pompiers sont entrés pour éteindre le feu. Ils nous ont enfermé dans le réfectoire. 20 policiers sont venues chercher 4 personnes violement. Ils sont en garde-à-vue pour avoir mis le feu au centre. mardi 29 janvier -  Vincennes liste zpajol un retenu tunisien s’est ouvert les veines, il a été transporté à l’Hôtel Dieu 4 retenus sont en isolement : motif , ils parlent trop avec les "agitateurs " de l’extérieur ! Celui qui est en isolement, s’était mis en colère car il attendait ma visite, lorsque les flics lui ont annoncé que ma visite était supprimée : Il s’est mis en colère, direction "l’isolement" , son portable supprimé, effectivement j’ai attendu 4h dehors pour le visiter et sans pouvoir rentrer. il a été menotté , il a reçu une forte claque en prime. Comme il y a des caméras, ce retenu a dit qu’il allait porter plainte. Le commandant (seul interlocuteur avec les medias et députés) est venu le voir, en lui disant que tout cela n’était pas grave," qu’il fallait qu’il comprenne etc etc que lui "l’intello" devait etre protégé des agitateurs et retenus en révolte. Il ne peut plus rentrer en contact avec les autres retenus., pas de distributeur de café. 4 retenus passeraient en comparution immediate, et seraient transférés en GAV. Considérés comme meneurs, et mise à feu des chambres. -  Commissariat Waldeck à Nantes Un des grèvistes de la faim a été libéré vendredi 25/1 ; un autre considéré comme un des meneurs a été envoyé sur Rennes ; un camarade turc, Mohammed Aslan continue courageusement la grève de la faim entamée le 20 janvier. Plus que jamais le soutien est nécessaire et contrairement à ce qui a été dit, les détenus nous entendent. quand nous lançons des slogans au rythme des tôles ondulées du chantier. Ce lundi soir 28/1, nous étions une vingtaine présents seulement ; n’hésitez pas à nous rejoindre, de Nantes bien sûr mais aussi de St Nazaire ou d’Angers comme nous ! TouTEs à partir de 17h30, TOUS LES SOIRS, devant le CRA au commissariat Waldeck-Rousseau -  Rennes Au CRA de St Jacques de la Lande une grève de la faim a débuté ; nos amis sans papiers ripostent avec les seules armes dont ils disposent.

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