Magazine Culture

Récapitulatif de l'exposition Modes anciennes

Par Richard Le Menn

undefinedRetrouvez ci-dessous toute l'exposition (en deux articles) s'étant déroulée près du Palais Royal du 23 au 29 février 2008, avec les photographies des objets présents au vernissage et les descriptions. La plupart ont déjà été présentés dans ce blog. Il y a donc beaucoup de redites.

Tout ne se joue pas sur l’apparence qu’on se donne mais sur ce qu’on est vraiment.
L’esprit de Merveilleuses et d’Incroyables étaient présents à l’exposition. Gageons que bientôt il se matérialisera en de nouvelles beautés qui nous éblouirons et qui nous ferons nous étonner « C’est incroyables ! C’est inconcevable ! ». Le merveilleux est à porté de main. Zelia, la créatrice de robes de rêve, nous le montre : Elle nous a ouvert ses portes pour le vernissage ce qui était vraiment sympathique. Il y a eu un éclair de magie au Palais-Royal. Pas de cette lumière qui nous éblouit mais de celle qui nous éclaire tous les matins ; celle qui nous laisse un délicieux arrière-goût de vivre qu’on ne retrouvera jamais ailleurs que dans son cœur mais dont les apparences peuvent être le reflet.
undefinedMes remerciements à :
-   L’Inc(r)oyable le restaurant qui a accueilli l’exposition et Manu, Edouard et Medhi ;
-   Zelia (créatrice de robes de rêve) qui nous a ouvert son cœur et sa boutique pour le vernissage et montré que la magie fait toujours tourner le monde ;
-   Mme et M. Schmitt les directeurs de l’IESA et Anisa ;
-   La baronne Feral qui a préparé le buffet et aidé ;
-   Milada et Jo qui ont aussi aidé ;
-   Gabrielle Geppert qui a une boutique vintage au Palais-Royal et qui a indirectement donné l’idée ;
-   Le café L’Ecrin qui a cru en ce projet ;
-   Les commerçants qui ont accepté de poser l’affiche dans leur vitrine ;
-   Et bien sûr, tous ceux qui sont venus.

Collectionneurs, comédiens, conservateurs, étudiants, marchands, passionnés, professeurs, professionnels de la mode, stylistes etc. nous ont fait l’honneur de leur présence.

JE SUIS MAINTENANT A LA RECHERCHE DE SPONSORS POUR CREER LES INCROYABLES GOUTERS OU NOUS POURRONS TOUS NOUS REVOIR OU NOUS RENCONTRER.

undefined
EXPOSITION MODES ANCIENNES FRANCAISES

Vous êtes ici dans le PASSAGE POTIER du 26 RUE DE RICHELIEU. Avant que n’y soit creusé ce passage au XIXe siècle, Antoine Beauvilliers, cuisinier du prince de Condé et officier de bouche du comte de Provence, y aurait ouvert vers 1782 la Grande Taverne de Londres : un restaurant réputé dans un cadre raffiné.  Si le premier restaurant, dans l'acception moderne du terme, est créé à Paris vers 1765 par Boulanger, c’est ici que selon certains historiens aurait été établi le premier véritable grand restaurant de Paris. On propose aux clients de pouvoir y manger comme à Versailles. Le service des vins est fait en bouteille, comme à Londres, à la mode à cette époque.
Certains prétendent que c’est à cet endroit (au 26 rue de Richelieu) que Rose Bertin (la marchande de modes de Marie-Antoinette ) ouvre une boutique ; d’autres disent qu’elle y habite ; d’autres que c’est la camériste (femme de chambre) de la Reine qui y loge. Il y aurait même dans la cave un faux puits, comblé par la suite, et qui serait un passage secret allant jusqu’au Palais-Royal.
Les assertions des historiens et les ouï-dire des habitants peuvent offrir des directions de recherches mais en aucun cas ne doivent être données comme des vérités. C’est pour cela que dans cette petite exposition nous vous présentons uniquement des documents d’époque.

undefined
UN MUSCADIN.Merveilleuses, Muscadins, Incroyables, Inimaginables, Inconcevables, Petites-maîtresses, Petits-maîtres ... sont tous des jeunes gens à la mode. Leurs styles sont avant tout ceux de la jeunesse. A la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, les apparences des Incroyables, Muscadins, Inconcevables se confondent chez les adolescents. Cette gravure originale datée de l’an IX (pour 1800) et provenant du Journal des Dames et des Modes de Pierre de La Mésangère prouve cela. L’habit du modèle peut tout aussi bien être de l’un des trois. Mais l’estampe le présente seulement comme le Costume d’un Jeune Homme. Son port est particulièrement gracieux et son geste de la main est une manière de langage propre aux Incroyables et Merveilleuses qui avaient leur propre langage (gestuel, vestimentaire …) leurs expressions, accents, mots … Quant au terme de Muscadin il désigne d’après la première édition (1694) du Dictionnaire de l'Académie Français : une « Petite pastille de bouche composée de musc & d'ambre. » Par extension, on appelle alors ‘Muscadins’ certains élégants sentant le Musc et à l’apparence soignée. C'est aussi ainsi qu'on appelle sous la Révolution les royalistes qui se distinguent par leur élégance recherchée. En ce sens, ce mot est utilisé à cette époque au féminin et de façon péjorative : "muscadine". Louis-Sébastien (1740-1814) insiste sur cet aspect dans sa définition des Muscadins donnée au tome III de Le Nouveau Paris, Gênes, Impr. de la ″Gazette nationale″, An III, 1794 : «  Muscadins. Espèce d’hommes occupés d’une parure élégante ou ridicule, qu’un coup de tambour métamorphose en femmes. « Le fils du Czar Pierre I s’est brûlé les doigts, dit un de nos écrivains, pour n’être point forcé au travail que son père exigeait de lui ». Nous avons vu un Muscadin se résoudre à se faire couper l’index, pour éviter de porter les armes contre l’ennemi. Il aurait dû le conserver pour manier l’aiguille ou la quenouille. Ils formèrent l’opposé des sales Jacobins. On aurait cru qu’une jeunesse ardente allait embrasser les principes républicains ; mais cette jeunesse était riche, efféminée, et voulut se distinguer partout de ceux qu’elle appelait les habits bleus. Les muscadins furent moqués, rossés, battus, quand ils voulurent, avec leurs oreilles de chiens et leurs cadenettes, narguer les républicains. S’ils étaient les plus forts, c’était bien rarement, et quand ils se trouvaient quatre contre un. Ils font les royalistes à bas bruit ; mais les émigrés les méprisent encore plus qu’ils détestent les patriotes. » La coiffure en « oreilles de chien » consiste à faire tomber les cheveux sur les côtés, même à les tresser. La cadenette est une natte parfois retenue dans la nuque par un peigne.
LES PASSAGES COUVERTS. Estampe du XVIIIe siècle, provenant sans doute d’un livre, d’après H. Gravelot (1699-1773), gravée par Noël Le Mire (1724-1801) : « Ce visage vaut mieux que toutes vos chansons ». La scène se passe dans un passage couvert avec boutiques de modes telles qu’il y en avait dans le quartier.
undefined
undefined
LA MARCHANDE DE MODES. Gravure du XVIIIe siècle provenant du Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de l'Encyclopédie Diderot et d'Alembert, de la partie consacrée aux 'Arts de l’habillement’. Le titre est Marchande de Modes, avec une très belle gravure montrant une boutique de marchandes de modes et en dessous un patron.
GRAVURE DE MODE de la fin du XVIIIème siècle représentant la planche n°1 de la 13ème suite de 12 différentes coiffures (chapeaux, bonnets, charlottes) à la mode en 1785. Estampe de l’époque gravée par Dupin d'après Desrais et publiée « Chez Esnaults et Rapilly à la ville de Coutances, A Paris, Avec Privilège du Roi ». La date indiquée de 1785 est très proche de celle de l’édition (fin du XVIIIe siècle) comme le montrent divers éléments tels : les dates des auteurs Desrais et Dupin, la période où la maison d’édition indiquée sévit, le type de papier utilisé et son filigrane, le Privilège du Roi antérieur à 1794 ... Nicolas Dupin est un graveur actif à la fin du XVIIIe siècle et Claude-Louis Desrais (1746-1816) est un peintre à l’origine de nombreuses gravures de mode comme : Mode du jour, Le Serail en Boutique, Promenade du Boulevard des Italiens… de même que de diverses estampes répertoriant les modes de l’époque comme celles de la revue : Cahiers de Costume Français. Esnaults et Rapilly sont des vendeurs/éditeurs de la fin du XVIIIe siècle qui ont publié de nombreuses gravures récapitulant les modes de leur siècle, dont plusieurs sont d’après Desrais et gravées par Dupin. Texte de la gravure [orthographe remanié]: « 13 e Suite de Coiffures à la mode, en 1786. N°1 – Bonnet à la Chérubin, vu sur le côté – Bonnet à la Chérubin, vu par devant – Chapeau à la Saint Domingue – Le même chapeau vu sur le côté – Chapeau à la Minerve Bretonne – Coiffure de Mme Dugason dans le rôle de Babet, à la Comédie Italienne – Coiffure de Mlle S. Huberti de l’Académie Royale de Musique – Coiffure de Mlle Maillard dans le rôle d’Ariane, opéra – Nouveau Chapeau à la Figaro – Nouveau Chapeau à la Charlottembourg – Coiffure à la nouvelle Charlotte – Coiffure de la Beauté de St James – Desrais del. Dupin sculp. – A Paris chez Esnauts et Rapilly, rue S. Jacques, à la Ville de Coutances. Avec Privilège du Roi. » Les gravures sont un moyen parmi d’autres de divulguer la Mode au XVIIIe siècle. Elles offrent des exemples de coiffures ou d’habits à la mode du jour ou des années précédentes. Elles sont envoyées en province et dans le monde entier pour servir de référence aux marchandes de modes, coiffeurs et dames. Elles sont vendues sous la forme de suites (parfois reliées entre elles) ou au détail. Elles sont un témoignage capital de la divulgation des modes au XVIIIe siècle. Fréquentes à l’époque, ces estampes sont très rares aujourd’hui. Certaines recensent des modes vieilles de plusieurs siècles et prouvent qu’il y a alors une véritable culture de la Mode et de son histoire qui n’est pas si éloignée de la notre avec ses nouveautés portées par les fabricants (dont certains sont de véritables ateliers de haute-couture) et autres artisans-coiffeurs … ayant eux aussi leurs figures de proue.
undefined
LES ELEGANTS. Dans le chapitre CLVI de son livre Les Entretiens du Palais-Royal de Paris (Paris, Buisson, 1787), Louis-Sébastien Mercier (1740-1814), tente de définir ce qu’on entend alors par les élégants à la fin du XVIIIe siècle. En voici quelques passages : « Il n y a plus d'hommes à bonnes fortune, c'est-à-dire de ces hommes qui se faisaient une gloire d'alarmer un père, un mari, de porter le trouble dans une famille, de se faire bannir d'une maison avec grand bruit, d'être toujours mêlés dans les nouvelles des femmes : ce ridicule estpassé, nous n'avons plus même de petits-maîtres ; mais nous avons l'élégant. L'élégant n'exhale point l'ambre, son corps ne paraît pas dans un instant sous je ne sais combien d'attitudes ; son esprit ne s'évapore point dans des compliments à perte d'haleine ; sa fatuité est calme, tranquille, étudiée ; il sourit au lieu de répondre ; il ne se contemple point dans un miroir ; il a les yeux incessamment fixés sur lui-même, comme pour faire admirer les proportions de sa taille et la précision de son habillement. Il ne fait des visites que d'un quart d'heure. Il ne se dit plus l'ami des ducs, l'amant des duchesses, l'homme des soupers. Il parle de la retraite où il vit, de la chimie qu'il étudie, de l'ennui où il est du grand monde. Il laisse parler les autres ; la dérision imperceptible réside sur ses lèvres ; il a l'air de rêver, et il vous écoute : il ne sort pas brusquement, il s'évade ; il vous quitte, et vous écrit un quart d'heure après, pour jouer l'homme distrait… »
« JEUNE ELEGANT SE PROMENANT AUX PALAIS ROYAL POUR FIXER LES CAPRICES DE SA SOIREE ». Estampe gravée par Guyot (sans doute Laurent Guyot, 1756 - après 1806) d’après Walleau. Cette image représente un promeneur élégant du Palais Royal. Sa badine, sa cambrure, ses lunettes, son habit vert, les gros boutons … marquent une élégance de la fin du XVIIIe siècle ou du début XIXe.
« L'ELEGANT AU RENDEZ-VOUS DU PALAIS ROYAL. » Gravure du XVIIIe siècle, rehaussée à l’aquarelle. La tenue de cet élégant du Palais-Royal est presque entièrement mouchetée, dans un goût « léopard » à la mode à cette époque.
ELEGANTE EN PROMENADE. Gravure du XVIIIe siècle rehaussée à l’aquarelle à l’époque présentant une Toilette Florentine avec l’Elégant Chapeau des Champs Elisée. Cette élégante est en promenade avec son petit chien et son chapeau rehaussé de plumes, de fleurs, de rubans et semble-t-il de gazes.
undefined

undefined
LA MODE. Le thème de cette exposition est la Mode. Dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie française de 1694 on donne une définition du mot ‘mode’ très proche de l’actuelle, voir identique : « MODE. s. f. La manière qui est, ou qui a été autrefois en vogue, sur de certaines choses qui dépendent de l'institution & du caprice des hommes. Nouvelle mode. Vieille mode. Mauvaise mode. Mode ridicule, extravagante. Cela était autrefois à la mode. La mode en est passée. La mode n'en est plus. Inventer des modes. Suivre la mode. Se mettre à la mode. Etre à la mode du pays où l'on est. Un habit à la mode. Une étoffe à la mode &c. On revient aux vieilles modes. C'est un mot qui est fort à la mode. Etre esclave de la mode. Les caprices, les bizarreries de la mode. On dit, qu'Un homme,une femme est fort à la mode, pour dire, qu'un homme, qu'une femme est fort au gré de la plupart du monde. On dit proverbialement que Les fous inventent les modes, & que les sages les suivent. On dit aussi proverbialement Chacun vit à sa mode, pour dire, que chacun en use comme il lui plaît dans ce qui le regarde. Il faut le laisser vivre à sa mode, le laisser faire à sa mode... »
undefined
HISTOIRES DE LA MODE. Dans cette définition du XVIIe siècle, on distingue très nettement les modes anciennes et nouvelles. Plusieurs ouvrages répertorient celles passées. C’est en particulier le cas au XVIIIe siècle comme le prouve ce livre parmi d’autres de Guillaume-François-Roger Molé, Histoire des Modes Françaises, ou Révolutions du costume en France, Depuis l’établissement de la Monarchie jusqu’à nos jours. Contenant tout ce qui concerne la tête des Français, avec des recherches sur l’usage des Chevelures artificielles chez les Anciens, Amsterdam et Paris, chez Costard, Libraire, rue Saint-Jean-de-Beauvais, 1773, in-12, 1ère édition.
LE PALAIS ROYAL ET LA MODE. Le sujet des modes anciennes françaises est vaste. Elles n’ont cessé de changer durant les siècles pas seulement de générations en générations mais aussi, comme au XVIIIe siècle, de semaines en semaines, aux rythmes des parutions de modes dont le siècle des Lumières est friand et des promenades parisiennes. Une des promenades à la mode est celle du Palais-Royal qui se trouve juste à côté de ce lieu d’exposition. On y trouve là les exemples de la mode du moment et du bon ton : « … ce Palais-Royal, qu’il faut au moins visiter une fois le jour, si l’on ne veut heurter ni la mode, ni le bon ton. » comme l’écrit Louis-Sébastien Mercier (1740-1814) dans Les Entretiens du Palais-Royal de Paris, 1787. Le tome II du livre Tableau de Paris (nouvelle édition, Amsterdam, 1783) a tout un chapitre consacré au ‘Palais-Royal’ dont voici un passage : « […] Là sont les filles, les courtisanes, les duchesses & les honnêtes femmes, & personne ne s’y trompe […] Là, on se regarde avec une intrépidité qui n'est en usage dans le monde entier qu'à Paris, et à Paris même que dans le Palais-Royal : on parle haut, on se coudoie, on s'appelle, on nomme les femmes qui passent, leurs maris, leurs amants ; on les caractérise d'un mot ; on se rit presqu'au nez, et tout cela se fait sans offenser, sans vouloir humilier personne. On roule dans le tourbillon, on se prodigue les regards avec un abandon qui laisse toujours aux femmes le dernier : un peintre aurait tout le temps de saisir une figure, et de l'exprimer à l'aide du crayon. Je ne me pique pas d'être physionomiste ; j’ai fait mon tour d'allée plusieurs fois ; je n’ai songé alors qu’à voir les beautés qui y circulaient : mon esprit d’observation s’est trouvé en défaut […] »
LES GENS A LA MODE. « Sur les gens à la mode. De tous les peuples, le Français est celui dont le caractère a dans tous les temps éprouvé le moins d’altération […] Cette nation a toujours été vive, gaie, généreuse, brave, sincère, présomptueuse, inconstante, avantageuse et inconsidérée. Ses vertus partent du cœur, ses vices ne tiennent qu’à l’esprit, et ses bonnes qualités corrigeant ou balançant les mauvaises, toutes concourent peut-être également à rendre le Français de tous les hommes le plus sociable. C’est-là son caractère propre, et c’en est un très-estimable ; mais je crains que depuis quelque temps on n’en ait abusé ; on ne s’est pas contenté d’être sociable, on a voulu être aimable, et je crois qu’on a pris l’abus pour la perfection. Ceci a besoin de preuves, c’est-à-dire d’explication. Les qualités propres à la société, sont la politesse sans fausseté, la franchise sans rudesse, la prévenance sans bassesse, la complaisance sans flatterie, les égards sans contrainte, et surtout le cœur porté à la bienfaisance ; ainsi l’homme sociable est le citoyen par excellence… Le bon ton dans ceux qui ont le plus d'esprit consiste à dire agréablement des riens, à ne se pas permettre le moindre propos sensé, si l'on ne le fait excuser par les grâces du discours, à voiler enfin la raison quand on est obligé de la produire, avec autant de soin que la pudeur en exigeait autrefois, quand il s' agissait d'exprimer quelque idée libre […] Soyons donc ce que nous sommes, n'ajoutons rien à notre caractère ; tâchons seulement d'en retrancher ce qui peut être incommode pour les autres, et dangereux pour nous-mêmes. Ayons le courage de nous soustraire à la servitude de la mode, sans passer les bornes de la raison. » Duclos, Charles (1704-1772), Considérations sur les moeurs de ce siècle, 1751.
undefined
DES PETITS MAITRES. Comme c’est souvent le cas concernant les élégants maniérés, les témoignages qui nous restent sont surtout des caricatures ou des critiques (voir les Précieuses ridicules de Molière ou les gravures caricaturant les Merveilleuses et les Incroyables à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe). Voici une de ces critiques sous la forme du chapitre IV (pp. 29-38) intitulé ‘Des Petits-Maîtres’ du livre de François-Antoine Chevrier (1721-1762) : Les Ridicules du siècle (Londres, 1752). Passages (l'orthographe a parfois été modifié mais pas la ponctuation) : " Un jeune homme avait jadis la réputation de Petit-maître, lorsque mis magnifiquement il savait se présenter avec aisance, ses discours, sans êtres solides, n’étaient qu’extraordinaires, & ses sentiments partagés entre le goût du public & la façon de penser, avaient un air de vérité sous le voile de la fausseté la mieux marquée ; d’ailleurs plus indiscret qu’indécent dans le propos, livré par goût & par usage à ce ton équivoque, qui annonce moins l’esprit que le désir d’en afficher, sa conversation était une rapsodie de jeux de mots usés, & de réflexions plus libres qu’ingénieuses ; tel était le Petit-maître du vieux temps […]. Le Petit-maître du siècle est un homme qui joint à une figure avantageuse, un goût varié pour les ajustements ; amateur de la parure, il doit marier agréablement l’agrément avec la magnificence ; esclave de la mode & des préjugés du jour, il n’est point asservi à ces mots usés, follement consacrés parmi nous, sous les noms de raison & de vertu ; copie exacte de la femme du grand monde, s’il diffère d’elle, ce n’est que par un supplément d’extravagances & de ridicules ; jaloux de plaire sans être amoureux, il cherche moins à être heureux que la gloire de le paraître ; constant dans ses écarts, léger dans ses goûts, ridicule par raison, frivole par usage, indolent à flatter, ardent à tout anéantir, ennemi du public qu’il voudrait cependant captiver rien à ses yeux n’est supportable que lui-même ; encore craint-il quelquefois de se voir sensé, dans l’appréhension de se trouver moins aimable. […] Il ne faut pas se persuader qu’avec toutes les qualités que je viens de détailler dans ce chapitre instructif, on soit en droit de s’annoncer comme Petits-Maîtres ; il y a encore deux attributs indispensables à désirer, la naissance & la jeunesse. […] Les Grâces, Petites-Maîtresses, ne sont pas de ces douairières pesantes, qui forcées de marcher avec symétrie, ne parlent que le compas à la main ; la vivacité, tranchons le mot, l’étourderie est leur apanage : aussi volubile dans le jargon, qu’inconsidéré dans le propos, un Petit-maître ne doit jamais réfléchir, & il faut qu’il déraisonne constamment plutôt qu’il s’expose à ennuyer une minute […]. Un Petit-maître qui dans les commencements de ses prospérités a vu deux ou trois femmes de réputation, de ces femmes nées pour donner de l’éclat à un personnage même ordinaire ; cet homme devient dès-lors possesseur de toutes les beautés […]. "
UNE PETITE-MAITRESSE. La mode française offre des surprises de taille. Voir passer rapidement devant ses yeux lors d'une vente une gravure peinte d'un Petit-maître représenté avec une grâce particulière laisse l'impression magique d’un monde à redécouvrir, pourtant proche de nous puisque faisant partie de notre patrimoine et si loin de ce que nous sommes aujourd’hui. La gravure de la Petite-maîtresse présentée ici est beaucoup plus anodine. Cette estampe est de la fin du XVIIIe siècle et est intitulée « Petite Maitresse en Robe à la Polonaise de toile peinte garnie de mousseline, lisant une lettre. » Mais qu’entendons-nous par petites-maîtresses et petits-maîtres ? Voici une définition de 1787-1788 du Dictionnaire critique de la langue française de: Petit-maître - " Jeune homme, qui se distingue par un air avantageux, par des manières libres et étourdies.  L'origine de ce mot est le temps de la Fronde. "On avait appelé la cabale du Duc de Beaufort, celle des Importants, on appelait celle du Prince de Condé, le parti des Petits-maîtres, parce qu'ils voulaient être les maîtres de l'État. Il n'est resté de tous ces troubles d'autres traces que ce nom de Petit-maître, qu'on applique aujourd'hui à la jeunesse avantageuse et mal élevée. Siècle de Louis XIV. Un Petit-maître, avec ses grimaces, est aussi loin du caractère d'un galant homme, qu'un faux dévot, avec son air sanctifié, est éloigné du caractère d'un homme véritablement religieux… Petite-maîtresse, femme, qui affecte les manières d'un Petit-maître.  Celui-ci est plus nouveau, parce que le ridicule qu'il représente est devenu depuis quelques années plus outré et plus commun. "
LES INCONCEVABLES. Cette gravure de la fin du XVIIIe – début XIXe explique d’où viennent les noms que l’on donne à certaines personnes à la mode au XVIIIe siècle comme les Merveilleuses, Incroyables, Inimaginables, Inconcevables etc. Il s’agit d’une expression de l’étonnement qui s’est métamorphosée en nom commun. La légende de la gravure est la suivante : « C’EST INCONCEVABLE Tu n'est point reconnaissable ». C’est une personne qui s’exclame cela en constatant combien a changé un jeune homme de ses connaissances. Il est habillé en Muscadin/Incroyable et est accompagné d’une Merveilleuse. Cette gravure semble être de J. P. Levilly actif à partir de 1792. Cette estampe montre que cette jeunesse là n’est pas coupée du populaire, n’est pas obligatoirement « dorée » comme on le dit souvent, mais qu’elle possède sans conteste une richesse qui lui est propre : celle que seul son âge peut offrir.
Des questions récurrentes sont posées sur les Merveilleuses, Incroyables et Muscadins. Une d’entre elle est de demander quelles sont les différences entre les trois. Tous sont des jeunes gens aux manières précieuses, habillés avec soin et originalité, usant d’un langage et d’un style recherchés parfois affectés. On les retrouve dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et au tout début du XIXe. Leurs habits et leurs tournures ne sont donc pas toujours les mêmes. Ce qui les définit comme étant l’un ou l’autre, c’est avant tout le regard que les autres portent sur eux. Un Sans-culotte les traitera de ‘Muscadins’, terme souvent usité de façon péjorative pour accentuer leur côté « cocotte » (se parfumant exagérément au musc). ‘Petit-maître’ est plus employé de façon affectueuse, et le nom d’’Incroyable’ marque l’étonnement, voir l’enchantement. Une autre question posée régulièrement regarde les convictions politiques de ceux-ci pendant la période révolutionnaire. Cette jeunesse là rechigne à s’engager dans les armées de l’époque et à suivre les couleurs imposées. Elle a les siennes propres, comme le noir ou le vert, et leurs collets portant ces teintes sont l’objet de rixes avec les sans-culottes qui veulent les leur arracher. Avec la fin des Sans-culottes, l’ordre est représenté par les Muscadins. Leurs habits deviennent même ceux des militaires. Sous l’Empire, Napoléon lui-même porte des habits d’Incroyable, ainsi que certains de ses officiers et de son armée comme les immenses chapeaux « bicornes », les cravates hautes, les manteaux caractéristiques … La mode masculine des couvre-chefs gigantesques et très originaux du Premier Empire n’a aucun équivalent dans l’histoire de la mode des hommes ; même les hauts-de-forme du XIXe siècle font très pâle figure en comparaison. En résumé, avant 1789, les Incroyables et autres Muscadins n’affichent pas de couleurs politiques précises mais simplement leur différence. A la Révolution, acculés dans un monde violent et politisé ils cherchent soit à s’y soustraire, soit prennent une cause. Le fait est que beaucoup perdent des gens de leur famille dans cette tuerie. Leur collet noir est en signe de deuil et il leur est impossible de prendre partie pour ceux qui sont à l’origine de ces meurtres ou qui les soutiennent. Mais cela ne les empêche pas de savourer pleinement leur jeunesse et de s’amuser. A la fin de la Révolution, on organise des ‘Bals des victimes’ ouverts à ceux ayant perdu au moins un de leurs proches à la guillotine. Comme toujours en France, la Joie reprend le dessus avec des fêtes organisées jusque dans l’ancienne résidence parisienne de la marquise de Pompadour (l’actuel Palais de l’Elysée), achetée par la duchesse de Bourbon qui en 1797 loue le rez-de-chaussée à un négociant, qui pour à peu près une année (jusqu’à l’exil de la duchesse) le consacre à la danse et aux jeux. C’est à cette époque semble-t-il que l'hôtel prend le nom d'"Elysée" du lieu de promenade voisin.
undefined
undefined
LA MODE AUXVIIE SIECLE
GRAVURE DE MODE D'ABRAHAM BOSSE (1604 -1676). COURTISAN A SA TOILETTE. Les français du XVIIe siècle aiment s’habiller très élégamment, avec de nombreuses fioritures (dentelles, rubans …). Louis XIII publie plusieurs édits tentant d’imposer plus de sobriété dans les vêtements ; comme celui de 1633 qui défend aux sujets "de porter sur leur chemise, coulets, manchettes, coiffe et sur autre linge aucune découpure et broderie de fil d'or et d'argent, passements, dentelles, points coupés, manufacturés, tant de dedans que dehors le royaume". Abraham Bosse a illustré ce thème par une suite de trois estampes montrant combien ces édits sont impopulaires, et dont deux d’entres elles présentent une femme et un homme à leur toilette. Ici c’est "Le courtisan suivant l'Edit de l’année 1633" qui abandonne ses anciens vêtements, il constate en se regardant dans la glace : « Que ce m’est une chose étrange de remarquer combien me change cet habillement réformé ! Que j’ai de mal à m’en défendre, et qu’il me fâche de le prendre pour ne l’avoir accoutumé ! Je violente ma nature, me voyant en cette posture, et demeure tout interdit. Mais à quoi me sert cette plainte, si par raison ou par contrainte il faut obéir à l’édit ! Il est juste qu’on s’accommode au temps, au pays, à la mode, suivant le saint décret des lois, sans chercher de preuve plus ample que celle qui luit dans l’exemple de Louis le plus grand des Rois. » L’intérêt de cette estampe originale du XVIIe siècle se situe aussi dans la représentation d’un homme à sa toilette. De plus Abraham Bosse est à l’origine de nombreuses gravures ‘de mode’ de cette époque.
DAME A SA TOILETTE DU XVIIE SIECLE. "La Dame suivant l'Edit" « Quoique j’ai assez de beauté pour assurer sans vanité qu’il n’est point de femme plus belle ; il semble pourtant à mes yeux qu’avec l’or et la dentelle je m’ajuste encore bien mieux. J’aime à porter tous les jours, ou le satin, ou le velours ; et ne connais point l’estime ; car je sais véritablement que l’on a toujours meilleure mine, quand on s’habille richement. Il me faut tourner néanmoins mon esprit à de nouveaux soins, en quittant la galanterie ; et désormais ne porter ni ‘poinct’ coupé ni broderie, ni tels ouvrages superflus. ». On remarque l’agencement de la table de toilette ; avec la toilette elle-même en dentelle sur laquelle sont posés un miroir et un sachet de senteur sur lequel la Dame pose sa main gauche. Cette estampe est d'Abraham Bosse (1604 -1676) et d’époque.
undefined
LA MODE DANS LE MERCURE GALANT. Mercure galant, Octobre 1678, Lyon, Thomas Amaulry. Les deux estampes de mode présentent dans cet ouvrage font partie des premières véritables gravures de mode dans une revue française. La mode du temps est décrite des pages 237 à 253, avec deux gravures : l’une avec un cavalier et une autre avec une dame, tous deux dans un « Habit d’Hiver » avec l’inscription de l’année en toutes lettres. Elles illustrent le texte qui comme d’habitude dans ce périodique est sous la forme d’une lettre adressée à une dame. On y parle de la mode qui sera dans le prochain hiver 1678. On en profite pour faire un peu de publicité pour des fabricants et marchands comme « Monsieur Gaultier de la Couronne Rue des Bourdonnois » ou « le Sieur Charlier » qui a « son Magasin à Paris Rue de la Coutellerie, au Cerceau d’or ». On décrit ensuite les gravures. Il s’agit là d’un document de premier ordre dans l’histoire des gravures et revues de modes. De plus, le Mercure galant (dont la première parution date de 1672) est le périodique des Modernes (Charles Perrault, Fontenelle …).
CAVALIER EN ECHARPE. Il est galant déterminé. Jetant ses cheveux en arrière. Et prêt à fournir la Carrière dans un bal après le dîner. Chez I Bonnart, au Coq. Avec privilège du Roi. Gravure originale du XVIIe siècle. Jean-François Féraud

undefined


Retour à La Une de Logo Paperblog