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Beauté, Morale et Volupté

Par Abigemuscas
Une chose surprend dans l’exposition Beauté, Morale etVolupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde : avec un titre pareil, je ne m’attendaispas à passer la moitié de mon temps à considérer des buffets et des théières. Pire :je crois que, pour ce qui est des tables basses et des échantillons de papierpeint, j’aime encore mieux aller chez Ikea. Cela dit, j’admets bien volontiersêtre passée entièrement à côté du sujet ; je n’ai pas réussi à pénétrer l’essencedu mouvement esthétique - l’amour de la beauté pour elle-même, que ce soit dansun tableau ou dans un pot à lait. Je n’ai pas été aidée par la mocheté des potsà lait, s’il faut me trouver une excuse.
Cette recherche de la beauté pure, d’une forme indépendantedu fond, n’est à aucun moment effleurée par l’idée de l’abstraction ; ellese concentre sur la plastique des corps, des fleurs, des ornements, sur le jeudes couleurs, sur des constructions et surtout des cadrages audacieux, tout enbrouillant volontairement la dimension narrative ou symbolique du tableau. Celadonne lieu à quelques fulgurances, comme l’Esther de John Everett Millais –quittant presque de dos un décor à l’antique assez sommairement construit, elleporte un magnifique, un émouvant manteau jaune qui concentre bizarrement tout l’affectde la scène – et à des œuvres fadement allégoriques ou d’une préciositégratuite inspirée par le Quattrocento ; trop souvent, la tentative de déjouer l’interprétationse traduit par une certaine froideur, une sorte de vacuité du tableau qui devientdécoratif.
On est de ce fait reconnaissant aux peintres qui choisissentla volupté, réintroduisant ainsi dans la peinture un sens qui se passe aisémentde récit ; l’Etude aux plumes de paon de George Watts, avec son étalagedirect et frontal de chair crémeuse, est sans doute l’une des œuvres les plusfrappantes de l’exposition.
 Le sommeil, cetteautre volupté, fait à plusieurs reprises le sujet d’un tableau ; chezAlbert Moore (Solstice d’été), John William Waterhouse (Sainte Cécile)  ou Simeon Solomon (The Sleepers and the OneWho Watcheth), les dormeurs entourés par les gardiens de leur sommeil offrent auspectateur l’impudeur de leurs visages sans regard et de leurs corps abandonnés,le rappelant, comme le fait la peau nue d’une femme offerte, à un présent quiécrase tout récit. Dans le Songe Eveillé de Dante Gabriel Rossetti, l’uniquepersonnage est à la fois veilleur et dormeur, conscience et inconscience, soiet autre. Le trouble que l’on ressent devant ces tableaux, comme devant lemanteau d’Esther, n’est de fait pas lié à un sens : comment ces dormeurs,ces rêveurs pourraient-ils porter un sens ?
A certains moments, devant certains tableaux, il m’a doncpresque semblé que je comprenais ces artistes, poursuivant l’incertainequiétude d’une beauté sans conscience. Hélas ! Pourquoi fallait-il ensuite, ànouveau, s’émerveiller devant un guéridon?
Beauté, Morale et Volupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde,Musée d’Orsay

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