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Le NY Times et le dilemne démocrate

Publié le 10 février 2008 par Dlaufer

L’anarchiste américain Karl Hess raconte, en 1976, qu’il n’a aucune peur de l’invasion soviétique. En quelques mois, prédit-il, tous les soldats rouges auront quitté l’uniforme et ouvert des franchises McDonald’s. « Les Etats-Unis sont irrésistibles, » conclut-il avec autant de morgue que de raison. Trente ans plus tard, les Etats-Unis demeurent plus que jamais irrésistibles. La campagne présidentielle parvient une fois de plus à captiver le monde entier et nous rappelle que nous sommes tous bien citoyens de l’Empire Américain. Il est probable que les élections municipales de Vevey ont moins d’impact dans ma vie quotidienne que celle qui se joue actuellement au-delà de l’océan.

Les candidats partagent tous la rapidité d’esprit et la fraîcheur de ton que leur envient les politiciens du monde entier. La machine est remarquable. Même Mike Huckabee, qu’on a vite fait de classer en Europe comme un dangereux fanatique pour ses positions créationistes, pourrait donner des leçons de communication et de franchise à la plupart de nos parlementaires. Pourtant ses qualités évidentes n’en font pas un ami de Maureen Dowd. Miss Dowd tient un op-ed, ou open editorial, dans le New York Times. Avec son ton brillant, toujours acerbe, plein de moquerie et de coups vaches, elle n’hésite pas à faire feu sur son propre journal au besoin. En politique elle est naturellement démocrate, puisque femme, intellectuelle et new-yorkaise. Elle déteste donc allégrement Bush et sa cohorte de néo-cons, épinglant comme personne ce que le parti Républicain contient de dérives fascistes. Pourtant dans son dernier op-ed elle attaque non pas Huckabee ou McCain, mais Hillary Clinton. Et elle n’y va pas de main morte, affirmant que, dans cette élection et pour plein de raisons, la bête à abattre, c’est Hillary qui pourtant comme elle est une femme, intellectuelle, démocrate et new-yorkaise.

Le NY Times et le dilemne démocrate

Voilà un jeu aussi dangereux qu’universel lorsqu’il s’agit de la gauche de l’échiquier politique ces dernières années. Car il semble presque assuré que de tels propos ne feront pas l’affaire du démocrate Obama, que Maureen Dowd révère, mais du conservateur McCain. Son attitude est celle de beaucoup trop de Démocrates qui se déchireront jusqu’à la moëlle et jusqu’en août, tandis que les Républicains, disciplinés, fermeront très bientôt le rang derrière leur candidat, quel qu’il soit. Et là se révèle bien la ligne de faille entre gauche et droite, d’Amérique en Europe : la gauche, désorientée depuis 1989, se cherche de nouveaux leaders ainsi qu’une idéologie claire, sur le mode burlesque de l’auto goal ; la droite, décomplexée pour user les mots de notre malfaisant voisin, revendique tout ce qu’elle cacha pendant quarante ans, sa foi chrétienne, son goût de l’ordre, son sens de la communauté et sa soif immodérée pour le pouvoir.

Il y a dix ans, Tony Blair a fait la proposition tout d’abord extraordinaire de redonner un programme à la gauche, jusqu’au jour où on s’est rendu compte que ce n’était que le programme de la droite. Le gag a fait florès un peu partout et l’on a vu des leaders de gauche se vanter sur de vertes prairies de leur patriotisme, de leur amour de l’ordre, de leur foi chrétienne. Aujourd’hui, le procédé s’essouffle. Devant le challenge apparemment aisé de battre Bush en 2004 et de gagner en 2008, les Démocrates n’arrêtent pas de se prendre les pieds dans le tapis de la division interne en hurlant à la mort leur amour de la bannière étoilée. Comme dans la pub, on leur préfère l’original. Et celui-ci, aux Etats-Unis, n’a pas fini de nous surprendre par sa force et sa capacité à convaincre. Les conservateurs américains mènent ainsi le monde depuis plusieurs années et leurs convictions affichées, même les plus impensables pour nous, sont le plus sûr garant du succès de leur famille politique, en Amérique et dans le reste du monde. En attendant que ceux d’en face trouvent leur cohésion et leur cohérence. A observer, c’est irrésistible.


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