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John Cage (1912-1992)

Par Florence Trocmé


John Cage (1912 – 1992) est musicien et poète. Si l’on dépasse la polarité « gourou ou provocateur » on découvre une œuvre multifacettes. Cage influence d’abord la musique de notre époque par son travail sur la forme du son, le bruit, le chaos, l’aléatoire, la lenteur minimaliste en infimes variations (selon son collègue Morton Feldman), l’improvisation humaine (avec ses interprètes ou les danseurs de son ami Merce Cunningham). La complexité de son esprit répond à la prolifération du monde avec une anarchie douce et le sourire du bouddhisme (qu’il étudia avec le maître zen Daisetz Suzuki). Dans sa poésie une grande précision de construction (calcul des spatialisations de lignes, taille des lettres, typographies..) accompagne paradoxalement une ouverture à « l’indétermination » du sens. Dans le livre Silence ses conférences sur la musique se trouent de pauses jusqu’au « silence ».  Son journal intime fragmenté en vers catalogue les pensées des années 60 visant à « améliorer le monde » (par exemple celles de l’architecte postmoderne Buckminster Fuller), mais sous-titre le texte d’un « tu ne feras que le rendre pire », tout en restant un superbe réservoir d’utopies. Dans la perspective d’une « non-intentionalité » anti-lyrique, plusieurs de ses écrits utilisent ses techniques musicales de composition aléatoire, dans lesquelles il questionne le livre de divination chinois Yi-King tout en semblant conserver un choix esthétique sur l’emploi des réponses obtenues par un hasard « objectif » (modélisé plus tard sur ordinateurs). À partir du système des acrostiches où chaque première lettre d’un vers finit par assembler un mot lu verticalement au début du poème, il développe sa forme « mésostic » où une lettre du milieu de chaque ligne forme une colonne vertébrale dévoilant le nom d’un dédicataire : ainsi les Mesostics pour l’artiste Marcel Duchamp. Dans Mureau il tamise les méditations sur la nature du philosophe libertaire Thoreau afin que les phrases effrangées sonnent comme des chants d’oiseaux. Pour Empty Words les mots sont évidés peu à peu jusqu’à devenir des poussières de rares lettres éparpillées, miettes de pensée mêlées à quelques minuscules esquisses de feuilles ou graines dans un espace largement vide.  Qui retourne au silence (enceint).  
« Pourquoi serait-ce du non-sens ? Pour produire une multiplicité de sens. Afin que chacun y trouve son propre chemin » (John Cage) 
 
 
Bibliographie sélective : 
Silence , 1961 
A Year from Monday , 1968 
M , 1972 
Empty Words
, 1979 
X
, 1983 
I – VI
, 1997 
Anarchy
, 2001 
Composition in Retrospect
, 2008 
 
Traductions en français : 
John Cage, série « L’Oeil du Poète », Textuel 1998 (traduit par Christophe Marchand-Kiss) 
Entretiens avec Richard Kostelanetz, Editions des Syrtes 2000 (traduit par Marc Dachy) 
Silence, Heros-Limite 2003 (traduit par Vincent Barras) 
Une Année dès lundi, Textuel 2006 (traduit par Christophe Marchand-Kiss) 
 
à signaler aussi 
David Antin, John Cage sans cage, les Presses du Réel, 2011 
 
Sitographie : 
un poème visuel de John Cage mimant le corps dansant de Merce Cunningham, avec le nom de celui-ci en mesostic : 
vidéo d’une soprano chantant un aria de John Cage en jouant à la poupée : 
vidéo de John Cage parlant des sons et du silence (en anglais) : 
extrait du film Poetry in Motion de Ron Mann : John Cage âgé lit un poème affilié à sa série « Mureau » de sa belle voix frêle (en anglais) : 
[Jean-René Lassalle] 


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