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Afghanistan: tolérance zéro et zéro perte

Publié le 24 janvier 2012 par Metamag

 

 

Afghanistan: tolérance zéro et zéro perte - Il ne faut pas faire la guerre quand on refuse de mourir

Il ne faut pas faire la guerre quand on refuse de mourir


Posté par: Jean Bonnevey   

Il y a une leçon historique générale à tirer de ce qui se passe en Afghanistan. Une leçon qui confirme que certains pays sortent, en fait, de l’histoire, car ils n’ont plus ni la volonté d’en assumer les risques, ni la capacité morale de faire face aux horreurs de la guerre. Il ne s’agit donc pas, ici, d’approuver ou de désapprouver les raisons de l’engagement Français contre les Talibans. On peut d'ailleurs totalement désapprouver, tout en étant solidaires de nos militaires sur le terrain et admiratifs de leur courage.

Faire la guerre implique l’acceptation de pertes humaines. On estime, que c’est le prix à payer pour défendre des valeurs ou atteindre des objectifs. Encore une fois, il ne s’agit pas de débattre des raisons d’un engagement. –défense de la démocratie, de la liberté des femmes, lutte contre le terrorisme, suivisme des Américains, volonté de participer au partage des  réserves énergétiques etc...
Peu importe que les nobles objectifs affichés soient des leurres. Une chose est sûre: quand on fait la guerre il faut s’attendre à souffrir. On  ne peut s’engager qu’avec une détermination politique claire et un fort soutien dans l’opinion publique. On soulignera également que dans ce conflit afghan, c’est l’armée de métier qui est engagée et pas des jeunes du contingent. Cela aurait été politiquement impossible. Ce qui souligne, encore, les limites très restrictives des guerres d’aujourd’hui.

Il faut se rendre à l’évidence: notre pays n’a plus la capacité politique et morale de faire une guerre qui entraîne des pertes, même très limitées, même de professionnels. On veut bien faire la guerre, mais avec zéro mort. Quand on bombarde la Serbie, sans s’engager au sol, c’est peut être possible, mais le tout aérien n’est pas exportable partout. Quand en s’engage dans le bourbier afghan c’est impossible.
Les pertes sont cependant très minimes si on les compare à d’autres conflits. Elles n’en demeurent pas moins insupportables. Les familles des militaires tués se mobilisent devant les médias et mettent en cause les décisions stratégiques prises. On organise des déplacements sur les lieux des drames et des cérémonies d'hommage, mais aussi de lamentations et de compassion. 
Une stratégie flageolante
La valeur de nos soldats n'est pas en cause, ni leur détermination personnelle. C’e qui l'est, c'est l'état moral de notre pays, sorti de l’histoire, car devenu incapable de souffrir pour ses idéaux et même, qui sait un jour, sa liberté. On sent bien qu’une "Guerre 14-18" est inconcevable avec la disparition d’une race paysanne française solide et prête au sacrifice par patriotisme. 
Pas de tranchées pour les bobos. Même un conflit de type algérien ne serait pas supporté et en plus il y avait l'envoi du contingent, inenvisageable surtout qu’il n existe plus. En Afghanistan, 4 morts par ci et 3 par là ont mis le président à genoux et lui font troquer son discours de fermeté contre une justification de repli, qui est un abandon d’objectif. 
La mort de nos soldats, abattus par un militaire afghan, c’est-à-dire un «frère d’arme » qu’ils avaient pour mission de former, risque fort de provoquer le retrait anticipé des 3 600 Français (sur 130 000 soldats alliés, dont 90 000 GI).

Nicolas Sarkozy l’a envisagé samedi et a, d’ores et déjà, ordonné la suspension de toute action de formation et de combat. Un peu plus de dix ans après le déploiement de ses troupes en 2001, et en avance de deux ans, Paris mettrait donc fin à une intervention de plus en plus impopulaire dans l’opinion, aux objectifs mal compris, voire mal définis, et au bilan plus que mitigé, si l’on excepte... la mort de Ben Laden, exécuté par les Américains. 
Au début, à l’automne 2001, l’affaire était claire. Il s’agissait pour la France, en alliée fidèle, de prêter main-forte aux Américains engagés dans une opération militaire destinée à chasser de Kaboul le régime taliban qui abritait Oussama ben Laden, le chef terroriste du 11 Septembre. En pleine cohabitation, Jacques Chirac force un peu son Premier ministre, Lionel Jospin. Mais, dans l’émotion planétaire qui suit les attentats, l’expédition bénéficie d’un large soutien. 82 militaires tués, avec des années toujours plus meurtrières depuis 2008 (Sarkozy avait presque doublé les effectifs à son accession à l’Elysée).
Aujourd’hui, les Talibans grignotent chaque jour du terrain. Le trafic de drogue explose. La condition des femmes reste désastreuse. Bien des parents de soldats tués déplorent du coup des « morts pour rien ». Et, en Kapisa, la situation est si dégradée que les Français, dont les bases sont cernées par les insurgés, ont réduit leurs opérations depuis plusieurs mois. Cela rendra d’ailleurs très délicat, et donc long, un retrait : entre le déminage et la sécurisation des routes, le rapatriement du matériel, la manœuvre pourrait prendre près d’un an. 
Quoi qu’il en soit, en tuant quelques soldats français, les Talibans ont découragé la France… La leçon sera retenue, soyons en sûrs. En refusant de souffrir, un peu là bas, nous prenons le risque de souffrir beaucoup ici. Même quand vous vous résignez à sortir de l’histoire, l’histoire peut vous rattraper.

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