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Salman Rushdie : prophète en son pays ?

Publié le 27 janvier 2012 par Wtfru @romain_wtfru

Salman Rushdie : prophète en son pays ?

Si vous n’êtes pas né avant 1988, pas anglais, et en aucune façon adepte de littérature étrangère, il y a peu de chances que vous connaissiez ce cher Monsieur. Salman Rushdie est un écrivain anglais d’origine indienne, spécialiste du style dit « réalisme magique », c’est à dire un roman mêlant réalité reconnaissable et éléments surnaturels. Au demeurant rien d’extraordinaire, un écrivain connu de plus dans l’excellent cercle littéraire anglo-indien. Seulement, en 1988, Salman Rushdie écrit un livre qui va bouleverser sa vie. Il s’agit du roman  » Les Versets Sataniques «  dont voici un bref résumé : 

« À l’aube d’un matin d’hiver, un jumbo-jet explose au-dessus de la Manche. Au milieu de membres éparpillés et d’objets non identifiés, deux silhouettes improbables tombent du ciel : Gibreel Farishta, le légendaire acteur indien, et Saladin Chamcha, l’homme des Mille Voix, self-made man et anglophile devant l’Éternel. Agrippés l’un à l’autre, chantant à qui mieux mieux, ils atterrissent sains et saufs, ô miracle, sur une plage anglaise enneigée… Gibreel et Saladin ont été choisis pour être les protagonistes de la lutte éternelle entre le Bien et le Mal. « 

Choc immédiat pour la communauté musulmane, la publication du dit ouvrage plonge Salman Rushdie dans une tempête médiatique.  Le livre décrit un prophète de Dieu nommé « Mahound » qui mélange des « vers sataniques avec le divin », et est vu  comme une description irrévérencieuse du prophète de l’islam Mahomet. La liste des évènements qui ont suivis l’ouvrage sont nombreux et tous d’une violence inouïe. Pour être bref, de nombreux pays l’ont tout simplement interdit de publication comme l’Inde (son pays d’origine), l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Bangladesh…Des manifestations et des autodafés ont eu lieu jusqu’en Angleterre, entrainant presque systématiquement la mort de certains participants. En 1989, une fatwa réclamant l’exécution de S. Rushdie est émise par l’ayatollah Khomeini, guide de la révolution de l’Iran. Il précise alors que c’est désormais la responsabilité de tout musulman d’exécuter Rushdie et ses éditeurs. 

Aujourd’hui Salman Rushdie est toujours en vie, mais entre temps certains de ses traducteurs étrangers ont été assassinés, des attentats ont été commis dans diverses librairies…On ne parle donc pas ici de n’importe quel écrivain ou n’importe quel livre. Il est devenu un des symboles de la liberté d’expression dans le monde, argument qu’on ne peut lui retirer. 

Ce qui nous amène à parler de lui en cette fin de semaine, c’est l’affaire du Salon du livre de Jaipur, l’équivalent indien du Salon de Paris. Invité d’honneur pour parler d’une autre de ses oeuvres « Les  enfants de minuit », Salman Rushdie déclare vendredi dernier via son twitter officiel ne pouvoir se rendre au Salon, ayant reçu diverses menaces de mort et la police indienne l’ayant assuré du risque grandissant d’un attentat. Jusque là rien de surprenant, si ce n’est que les menaces invoquées par la police étaient fausses. Aucun risque assuré ne planer sur l’écrivain. 

Les raisons d’un tel mensonge ? On présume des élections à venir dans des régions à forte densité musulmane d’Inde et un gouvernement ayant besoin de voix. Rapidement démasqué, les autorités ont refusé tout commentaires. Furieux, Rushdie s’est exprimé sur Twitter. « J’ai enquêté et je crois que j’ai été trompé. Je me sens insulté et suis vraiment en colère. » 

Aujourd’hui, l’espoir demeurait de pouvoir faire intervenir l’écrivain via une vidéo-conférence. A l’heure qu’il est le projet est à l’eau. Non seulement la police s’y oppose prétextant une mise en danger des autres personnalités présentes mais de nombreux groupes anti-Rushdie se sont rassemblés pour s’opposer à la moindre tentative. 

Bon nombres d’écrivains du Salon, horrifiés, ont tentés de mener des actions : pétitions et lectures d’extraits des « Versets Sataniques ». Rien que pour cela, ils risquent une amende. 

En annonçant l’abandon de la conférence, l’organisateur du Salon Sanjay Roy n’a pu s’empêcher de verser des larmes. On en aurait fait autant. 


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