Magazine Culture

La vie très privée de Mr Sim de Jonathan Coe

Par Mango
La vie très privée de Mr Sim de Jonathan CoeTout commence par un article de journal où on apprend qu’un VRP a été retrouvé nu dans sa voiture bloquée par la neige  sur une route au nord de l’Ecosse. A ses côtés on a trouvé deux bouteilles de whisky vides, deux cartons renfermant 400 brosses à dents et un grand sac-poubelle rempli de cartes postales d’Asie. Il s’agit de Mr Maxwell Sim, 48 ans,  domicilié à Watford, en Angleterre, spécialiste de produits d’hygiène bucco-dentaire écologiques pour une société mise en liquidation le jour même. 
C’est de  la vie intime de ce Max Sim, un type des plus banals,  dont il est question tout au long de ce roman que j’ai trouvé éblouissant et jubilatoire, un grand moment de lecture.Le héros n’est qu’un pauvre homme en pleine crise identitaire, frôlant la dépression et souffrant de solitude après l’éloignement de tous les siens. Sa femme l’a quitté avec sa fille, sa mère est décédée très jeune,  son père est la froideur même et son meilleur ami lui en veut pour avoir fait du mal à  son fils. Lui-même, bien sûr,  ne s’aime pas et il est en passe de perdre aussi son travail.Caricature du loser?  Sûrement! Il cumule tous les clichés: il échoue dans tout ce qu’il fait et son départ d’Australie où il devait se réconcilier avec son père en est l’exemple type. Malgré de belles rencontres dues au hasard généreux ce jour-là, les belles promesses s’envolent aussitôt avec la mort subite de son voisin à qui il racontait sa vie, avec le vol de son portable où était enregistré le numéro de la belle et généreuse, Poppy, la nièce de Clive. Très important Clive! Très!  Bon ce n’est que la goutte d’eau du début de l’action mais il y a tant d’épisodes romanesques à la fois fantasques et réalistes  dans ce roman… qu'il faudrait  copier le paragraphe final qui résume l’essentiel de l'intrigue, de l’avis même de l’écrivain,  celui  qui prenait l’avion pour la Russie, au tout début… Et des personnages tous plus ou moins drôles, ayant un lien avec le passé ou l'avenir de Mr Sim, ce n’est pas ce qui manque ici. Ils foisonnent. L’auteur a pris plaisir à les créer et à jouer avec eux. A l'origine comme à la fin , ce beau couple de la chinoise brune et de sa petite fille blonde qui semblent si heureuses en jouant aux cartes, au restaurant de la plage, le deuxième samedi de chaque mois.  Mais l'auteur  se voit aussi  en tueur en série: ne  fait-il pas  mourir  ses personnages quand il  le veut?     Cependant, il ne faut pas se tromper,  c’est le lecteur qui est au cœur de ce brillant récit satirique, dans un monde occidental très déstabilisé  par les nouvelles technologies et les bouleversements sociaux des années  2010.  Le romancier, de son propre aveu, est le marionnettiste qui  manipule et tire les ficelles. . Il rappelle cette évidence que c’est lui le maître, l’artiste qui crée ses propres acteurs et les fait disparaître  à volonté, d’un simple claquement de doigts. Il ne faut surtout pas rater la fin, pirouette inattendue mais logique  qui me satisfait pleinement puisqu'elle justifie  le triomphe de l'art en somme. Imagination débridée, drôleries, surprises, humour, tout m'a enchanté et surtout l'optimisme qui finalement se dégage  d'une histoire qui semblait devoir mal se terminer.     Billet aussi de Cathulu, Anne, Keisha, Cachou, Kathel, Voyelle et consonne
La vie très privée de Mr Sim de Jonathan CoeLa vie très privée de Mr Sim de Jonathan Coe(roman gallimard, traduit de l’anglais par Josée Kamoun, 2011,(The Terrible Privacy of Maxwell Sim, 2010, 452 p.)(Roman pour le challenge d'Anne: Angleterre)
Au cas où je n'aurais pas été assez claire,  j'ajoute le résumé  de l'éditeur.
"Max Sim, le protagoniste principal, est un antihéros par excellence, voué à l'échec dès sa naissance (qui ne fut pas désirée), poursuivi par l'échec à l'âge adulte (sa femme le quitte, sa fille ne le regarde guère, sinon pour rire sous cape), s'acceptant d'ailleurs en tant qu'échec et y trouvant même une certaine paix : l'absence de lutte, enfin.Savoir s'accepter devient l'un de ses mots d'ordre A force de solitude, il finit par converser avec son GPS au long de ses pérégrinations de commis-voyageur représentant en brosses à dents dernier cri. Il tombe amoureux de cette voix désincarnée, lui imaginant même une personnalité, et les dialogues engagés avec elle partagent le lecteur entre le rire et la compassion. Le drame essentiel réside pourtant dans la relation avec son père, dont il découvre en lisant son journal qu'il était homosexuel et l'a conçu, lui, Max, par accident pourrait-on dire.Mais il va tout de même essayer de se réconcilier avec ce père et même, de lui faire retrouver son ami de coeur, l'extraordinaire Roger S. Un échec là encore, mais l'échec est l'un des ressorts du comique. Jonathan Coe renoue ici avec la veine comique tout en gardant la même complexité, la même précision, la même habileté que dans ses livres précédents. Tout à la fois drôle, bien construit et situé à la pointe du contemporain, le roman procède par mélange de genres, suite d'échos, de souvenirs récurrents, de parallèles, de rappels, pour tenter de cerner la grand interrogation: jusqu'à quel point la vie peut être considérée comme une fiction?"

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Mango 1361 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines