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Le rôle des banquiers centraux : petit rappel historique

Publié le 30 janvier 2012 par Copeau @Contrepoints

Donner le pouvoir régalien de battre monnaie à une personnalité non élue, sans que ce pouvoir soit bien délimité, c’était passer inévitablement de la Démocratie à la Technocratie, en infantilisant le pouvoir politique élu.

Par Charles Gave

Le rôle des banquiers centraux : petit rappel historique
Comme chacun le sait, à la fin des années 70, l’inflation faisait rage dans le monde entier. À l’origine de ces baisses de la valeur de la monnaie, une réalité toute simple qui était la suivante : dans un certain nombre de pays, tels que la France bien sûr, mais aussi la Grande Bretagne, les États-Unis, l’Italie, les élus pouvaient donner des ordres à la banque centrale pour que celle-ci finance les déficits budgétaires, faisant de ce fait marcher la fameuse « planche à billets »… Résultat : bien sûr, une forte hausse des dépenses étatiques bien souvent non productives financées par de l’argent créé ex nihilo. Ce qui correspondait parfaitement à la définition de l’inflation donnée par Rueff : « l’inflation, c’est de subventionner des dépenses qui ne rapportent rien avec de l’argent qui n’existe pas. »

Un certain nombre de pays cependant résistaient tant bien que mal à cette pression de légèreté visionnaire, en tête desquels on trouvait l’Allemagne et la Suisse. Or ces deux pays avaient une caractéristique commune : leur banque centrale était constitutionnellement indépendante des pouvoirs politiques. La liaison « indépendance de la banque centrale = absence d’inflation » fut donc considérée comme une évidence et la solution retenue fut de rendre les banques centrales indépendantes des pouvoirs politiques un peu partout, ce qui rassura les investisseurs. Taux d’intérêts et taux d’inflation commencèrent à s’écrouler au début des années 80, ce qui déclencha le grand marché haussier sur tous les actifs financiers, qui dura de 1982 à 2000.

À partir de 2000, les choses commencèrent à se gâter, et pour être parfaitement honnête, j’ai mis du temps à comprendre ce qui se passait, ce dont je ne suis pas particulièrement fier.

Donner le pouvoir RÉGALIEN de battre monnaie à une personnalité NON ÉLUE sans que ce pouvoir soit bien délimité par des textes extraordinairement précis, c’était prendre le risque que cette personne ne se prenne pour… le Souverain et n’essaie de mettre en œuvre ses propres idées politiques et économiques pour lesquelles personne n’a voté, sans qu’aucun contrôle ne puisse être effectué. En termes simples, cela nous faisait passer inévitablement de la Démocratie à la Technocratie, en infantilisant le pouvoir politique élu.

Prenons l’exemple des USA. Quand Volcker (l’exemple même de ce qu’un haut fonctionnaire devrait être) prend le pouvoir à la Fed, il a une seule entrée dans son cahier des charges : casser les reins à l’inflation, et il y est arrivé brillamment. Il est remplacé par Greenspan en 1987 et lors de ces deux premiers mandats, ce dernier fait un très bon travail. Au cours de son troisième mandat, le 11 septembre 2001, les États-Unis sont attaqués et Greenspan pense que les USA entrent en guerre. Or c’est une tradition bien établie aux USA que quand le pays est en guerre, les taux réels doivent devenir négatifs (inflation supérieure aux taux d’intérêts) pour que les épargnants et les consommateurs (baisse du dollar) financent la guerre, qui n’est pour ainsi dire jamais financée par des hausses des impôts. Ce qui fut fait. Conséquence inattendue de ce patriotisme de Greenspan : une bulle immobilière sans précédent qui met en danger l’ensemble du système financier, d’abord américain, puis mondial. Bernanke prend la suite et c’est certainement le banquier central le plus aventureux que l’histoire ait connu. Non seulement, il maintient les taux réels négatifs, mais il se lance dans une série d’expérimentations sans précédents, tant et si bien que nous n’avons plus de prix de marché ni pour les taux courts, ni pour les taux longs, ni même pour le taux de change du Dollar US. Comme il s’agit là des PRIX les plus importants dans le système des prix mondiaux, cela veut dire que tout les systèmes des prix sont irréels et déterminés in fine par un banquier central omniscient. Bienvenue en Union Soviétique.

En Europe, le but de nos technocrates non élus (si bien représentés par Monsieur Trichet) est de consolider leur tout nouveau pouvoir régalien et de le mettre à l’abri de l’électeur national en le passant à l’échelle Européenne, l’idée étant de créer une monnaie indépendante de ces pouvoirs élus et que seuls nos fonctionnaires non élus pourraient administrer et gérer, à l’abri des pressions des électorats. Chacun peut voir aujourd’hui que ce tout nouveau pouvoir a des tendances dictatoriales et entend bien soumettre les élus des Nations indépendantes à ses lois d’Airain, avec tous les dégâts collatéraux que chacun peut voir. Tous les gardes-fous qui avaient été mis par les Allemands pour éviter cette dérive sont bien sûr en train de sauter les uns après les autres et nous nous retrouvons là aussi avec une dictature technocratique.

Les années qui viennent vont donc être marquées par une lutte sans merci entre les banquiers centraux devenus fous de pouvoir, et les peuples. Il est de bon ton de condamner les élus et d’encenser les technocrates. Je me permets de ne pas être d’accord. Je peux me débarrasser par l’élection des élus qui m’indisposent alors que nul n’a pu nous débarrasser de Monsieur Trichet, responsable d’au moins 1 million de chômeurs en France depuis sa prise de contrôle d’abord de la politique monétaire en France, puis ayant échoué dans son pays, promu à la tête de la BCE…

Cette lutte va être longue et difficile, mais l’issue en est certaine. Comme toujours la Démocratie triomphera. Ce qui veut dire qu’en termes de placements, il faut éviter tous les secteurs qui risquent d’être touchés par ces batailles et je les mentionne pour mémoire à nouveau, comme je le fais depuis bientôt trois ans : les marchés obligataires de l’EuroLand, les financières, les valeurs domestiques et les valeurs de consommations surtout en EuroLand. Parallèlement, il faut concentrer ses avoirs dans des pays où la banque centrale, tout en étant autonome ou indépendante, gère au profit des intérêts du pays et non pas en fonction des foucades de quelque fonctionnaire se prenant pour Napoléon ou Charlemagne et ayant un projet politique de création d’Un État Européen dont personne ne veut. Parmi ces pays, on trouve la Suède, le Danemark, la Norvège, la Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie, Hong-Kong, Singapour et bien d’autres encore. En ce qui concerne les USA, j’avais très bon espoir, après la raclée que les Démocrates avaient prise en automne dernier, que monsieur Bernanke soit passé à nouveau sous le contrôle du Congrès. Hélas, il vient de faire des déclarations qui me perturbent beaucoup dans lesquelles il indique qu’il a bien l’intention de continuer à manipuler taux d’intérêts et taux de change pour les trois ans qui viennent. Voilà qui m’inquiète passablement sur toute position à venir en US Dollars.

Que le lecteur me donne un peu de temps pour comprendre ce que ces déclarations veulent dire. Je consacrerai donc mon prochain article aux USA, mais j’ai besoin d’une période de réflexion. D’ores et déjà, suspendre les achats à Wall Street me parait être une bonne chose, en attendant d’y voir plus clair.

Confirmation : Pourquoi voter ?

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