Passez-moi l'expression: ne pas se moucher du pied

Pourquoi dit-on parfois, à l'ancienne (d'un pétentieux, qui se la joue grave) qu'il ne se mouche pas du pied? Ecoutons plutôt!

audio mp3 1'42 minute

Une production de l'atelier de Création Grand Est de Radio France. Texte/voix/réal.: Serge Fournel. Producteur: Max Charri. Fait à la maison et dans les studios de France Bleu Touraine.

Texte de la chronique (déposé SACD et protégé) en cliquant sur "Suite de la Note"

Non, mais je l’ crois pas ! Ce bouffon ! Avec ses lunettes d’aviateur, ses grosses montres, son 4X4 ! Et c’est rien, qu’il dit, ce frimeur, t’as pas vu ma femme ! Et c’est rien à côté de mon chien ! Non, j’ai pas vu sa femme ! Et je m’en fous, de son clébard ! Non, mais l’autre, eh ! Il se mouche pas du pied !
Mais qu’est-ce que ? Pardon ?  Ne pas se moucher ? du pied ? Alors, si on dit ça, à propos de gens prétentieux, qui comme on dit « se la pètent », qui se croient importants, cela signifie-t-il qu’à l’inverse, les gens normaux, humbles, se mouchent dans leurs chaussettes ? C’est un truc de dingues ! Tenez, c’est simple, je vais faire le test ! Bougez pas, j’en ai pour une seconde, je vais essayer (aïe ! gros bruit de chute !). Bon, ça doit être une image, en fait !
Mais oui, c’est ça ! Ca vient du grand pied ! Quelqu’un qui vit sur un grand pied est riche, pété de tunes, il mène grand train (comme on dit dans le TGV). Et il a un tellement grand pied qu’il lui est impossible de le lever pour se moucher d’dans ! Pour moi, y a pas ! C’est ça !
Eh bien non, vous commencez à me les casser, vous ! Suivez-moi !
Au XVIème siècle, moucher quelqu’un, c’est le tromper. Celui qu’on peut berner facilement, car il n’est pas très malin, on le mouche facilement du pied. Allusion à la chandelle qu’on mouchait afin de l’éteindre. Celui qu’on ne peut pas moucher est au contraire quelqu’un d’habile ou de rusé. Un siècle plus tard, On dit cela du prétentieux qui est riche ET sérieux, trop, en tout cas, pour imiter les saltimbanques, les acrobates ou les danseurs des rues, si souples qu’ils peuvent se saisir le pied à deux mains pour se le passer sous le nez. L’homme important ne se permet pas ce genre de fantaisies ! Mais il n’est pas non plus homme à se « moucher de la manche », comme on le disait alors des miséreux, malpropres comme des enfants, des morveux...ni « du coude », ce qui revient au même, et est tout aussi dégoûtant.
Or donc...moucher, sans mouchoir, ce fut éteindre les bougies, tromper les imbéciles, mais aussi remettre à sa place les prétentieux qui prenaient de grands airs. Ces gens imbus d’eux-mêmes qui ne se mouchent pas du pied, mais qui, sans contorsions douloureuses, peuvent aisément péter plus haut que leur derrière !
Voila ! En un mot comme en cent, c’est ça !