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Amélie Nothomb: être écrivain signifie « chercher désespérément une porte de sortie »

Publié le 31 janvier 2012 par Donquichotte

Amélie Nothomb

« Une forme de vie »

Ce n’est sûrement pas son meilleur livre. Mais j’y ai trouvé quelques raisons de m’y intéresser. Je crois que l’énigme est assez simple, sinon simpliste ; je crois qu’elle a été un prétexte pour l’auteur de mettre les points sur les « i » en ce qui concerne ses échanges épistolaires avec ses fans. De toute façon, que ce soit cela, c'est une hypothèse, ou autre chose, cela n’a pas d’importance. Ce n’est pas à cela que je me suis arrêté.

Amélie pose le problème qu’elle a, ou nous tous avons, avec 100 % des êtres humains : celui de la frontière.

C’est intéressant puisqu’il s’agit de cette frontière qui existe, ou non, ou devrait exister, ou non, entre soi et toute personne que nous rencontrons. Y a-t-il une frontière, une limite à ne pas franchir, entre deux personnes qui se rencontrent, s’apprécient mutuellement, et nouent un contact sérieux ? Il y a souvent un intérêt partagé qui amène deux personnes à se rencontrer, à se connaître, à développer une amitié, ou un amour, à  s’aimer, et même à  devenir amants.

Il y a idylle, très souvent, quand il y a manifestement un contact sérieux. Et c’est là que ça se corse souvent. Idylle ne veut pas dire que l’on veut voir l’autre entrer dans son intimité, dans son chez-soi, dans sa vie, dans son âme. Ouf ! du balai ! s’il est possible encore de prendre de la distance. Or tous ne voient pas cela de la même façon. En fait chacun devrait savoir que, même dans le cas d’un compagnonnage étroit, ou d’un amour très très partagé, l’on ne peut transgresser certaine distance « éthique », même « esthétique », au delà de laquelle il devient indécent de s’aventurer. Sinon, une certaine hostilité peut apparaître. Ce qui peut être la suite n’est pas donnée dans les remarques de Amélie Nothomb, sinon cette hypothèse qu’il est toujours possible de « fuir » la relation. Ainsi, quand il y a idylle entre deux êtres, cela n’enlève pas une frontière qui existe aussi entre les deux êtres, aussi transparente puisse-t-elle être, aussi inexistante les deux être la voudraient-ils.

À propos du doute, AN est explicite. « Un artiste qui ne doute pas est un individu aussi accablant qu’un séducteur qui se croit en pays conquis. Derrière toute œuvre, se cache une prétention énorme, celle d’exposer sa vision du monde. Si une telle arrogance n’est pas contrebalancée par les affres du doute, on obtient un monstre qui est à l’art ce que le fanatique est à la foi ».

Or AN sait voir comme elle est, elle a peu de doute là-dessus, elle est « un être poreux à qui les gens font jouer un rôle écrasant dans leur vie ». Elle, la narratrice, (ne pas oublier, nous sommes dans le roman) ou elle, serait comme un terreau idéal pour quiconque voudrait y planter une graine, une graine d’amitié, une graine d’amour s’il y a lieu, ou une graine de sympathie tout simplement. Une missive, une lettre d’un fan, cela peut la réjouir, cela peut aussi la flatter, c’est très narcissique, mais cela peut aussi l’ennuyer au plus haut point. Surtout quand, on peut l’imaginer, l’épitre de l’envoyeur voit ou imagine ce qui ne peut être vu ou imaginé, ou encore, quand l’épitre réponse de AN est prise autrement qu’elle aurait dû l’être. C’est simple dans ce dernier cas: il n’y a pas de vrai contact, et alors, il ne peut y avoir échange. AN ne méprise personne à l’avance ; au contraire, elle accorde le bénéfice du doute à chacun. Mais le problème, se révèle-t-elle à elle-même, c’est qu’elle n’a jamais douté de son pouvoir mystérieux, de sa parole rationnelle, et surtout, de ce qui est en dessous et qui ne l’est pas, de sa capacité à omettre, de sa « prétérition » (là, j’ai appris un mot) de sa capacité à parler d’une chose, tout en attirant l’attention sur elle sous une forme négative. C’est-à-dire de sa capacité à parler d’une chose tout en déclarant qu’elle n’en parlera pas – tel le politicien parfois -.

En ce sens, AN se déclare ainsi :

« Je suis un être capable d’aller très loin au nom de ses convictions sémantiques. Le langage est pour moi le plus haut degré de réalité »

Et pourquoi écrit-elle comme une possédée, admet-elle ? Écrire est pour elle une issue de secours, et être écrivain signifie « chercher désespérément une porte de sortie ».


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