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AUX CHAMPS, d'après Guy de Maupassant.

Publié le 12 février 2012 par Dubruel

La voiture stoppa devant une chaumière.

Une jeune femme, Mme d’Hubières,

Était au volant :

-Oh ! regarde, Edmond,

Ces enfants 

Sont-ils mignons

À grouiller comme ça

Dans la poussière !

L’homme ne répondit pas,

Habitué à ces éclats qui étaient un calvaire

Et un reproche pour lui.

La jeune femme reprit :

-Il faut que je les embrasse ! Oh !

Comme je voudrais en avoir, un petiot.

Elle courut aux enfants,

Prit un des deux derniers,

Celui des Tuvier,

Et l’enlevant

Dans ses bras,

Elle lui baisa

Les joues, les cheveux,

Les menottes qu’il agitait

Pour écourter

Ces mamours ennuyeux.

Elle revint une semaine plus tard,

Prit dans ses bras le moutard,

Bourra de douceurs,

Ses frères et sœurs

Et joua avec eux comme une gamine,

Tandis que son mari patientait

Dans le cabriolet.

Enfin

Elle revint,

Le sac rempli d’argent

Pour parler aux parents :

-Nous n’avons pas d’enfants.

On voudrait adopter votre petit dernier.

On vous servira des mensualités

De cent francs.

Et nous lui donnerons à sa majorité

Vingt mille francs.

-Vous voulez que j’vous l’vendions ?

Ah ! non. Ce s’rait une abomination.

-Il n’est pas à vous, cet autre petit ?

Le père Tuvier répondit :

-Il est aux voisins ; vous pouvez y aller

Si vous voulez.

Les d’Humières se rendirent alors

Chez les voisins, les Vallor.

Ils recommencèrent leurs propositions

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Mais avec plus de précautions.

Les deux ruraux, très ébranlés, hésitèrent,

Se considérèrent,

Mais apprenant

Qu’ils auront cent francs,

Tous les mois, le paysan s’enquit :

-C’te rente, c’est du promis ?

M. d’Humières répondit :

-Mais certainement.

La fermière reprit :

-Cent francs,

C’est point suffisant.

Ça travaillera dans quéqu’z’ans, c’t’éfant.

I nous faut cent vingt francs.

Les d’Humières emportèrent Jean, le marmot

Comme on prend chez l’antiquaire un bibelot.

De leur porte alors,

Les Tuvier regardèrent

Les Vallor,

Et les agonisèrent d’ignominies,

Répétant que c’était

Une horreur, une saleté,

Une corromperie

De vendre son enfant :

-J’t’ai pas vendu, mé !

J’t’ai pas vendu, mon p’tiot, mé !

J’vends pas m’s éfants,

J’sieus pas riche, mais vends pas m’s’éfants !

Grâce aux mensualités

Les Vallor, eux, vivaient correctement

Tandis que les Tuvier restaient dans la pauvreté.

Le fils Tuvier prenait ses vingt ans

Quand il vit une après-midi

Un élégant dandy

Avec sa chaîne de montre en or

Entrer chez les Vallor.

Il harangua ses parents :

-Faut-il

Qu’vous ayez été imbéciles

Pour laisser prendre le p’tit aux Vallor.

-Nous voulions point abandonner not’ éfant

Pour de l’or.

-Des parents comme vous,

Ça fait l’malheur des éfants.

-Tuez-vous

Pour élever d’s éfants !

Le fils Tuvier reprit rudement :

-J’aimerais mieux n’être point né

Que d’être c’ que j’ suis, mé !


Quand tantôt j’ai vu Jean,

J’ m’ suis dit :

-V’là c’que j’ serais aujourd’hui.

 

Signé du pseudo : Lazard de Lavi

Déjà parus aux éditions Edifree :

Tome 1 (34 contes)

Tome 2 (40 contes)

Ce texte est un extrait du tome 3 (à paraitre prochainement)

Ce troisième volume aura pour titre : « 46 bonnes histoires d’après Maupassant »


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