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Romantisme

Publié le 04 janvier 2012 par Ladrevert

Ce matin en lisant La solution intérieure de Thierry Janssen : “trop de matérialisme et de réductionnisme ont désenchanté le monde” me disait Arnulfo le guérisseur mexicain. Cela me fit penser à l’article que je n’ai toujours pas écrit sur le romantisme noir, et un moyen de commencer cette année en parlant de littératur, histoire de marquer le début d’un nouveau cycle énergétique, cette année sera une année de réalisation.

“Toi, docteur, me dit alors le guérisseur, tu enlèves les tumeurs, tu tues les microbes,  et tu combats les virus. Moi, je chasse les démons, j’apaise les ancêtres courroucés et je parle aux esprits malins. Nous faisons le même métier docteur. Seuls les mots changent. Dans la tête de nos patients, il y a des images. Ce sont ces images qui guérissent le coeur et le corps des hommes”.

Quel lien me direz-vous ai-je vu avec le romantisme ?

Jean-Jacques Pauvert dans sa brillante introduction de l’Anthologie des lectures érotiques brosse ce portrait du romantisme :

c’est que le Romantisme dès qu’il prend forme, vers 1780/90 est un mouvement de réaction. Avant d’être pour il est contre, et il faut bien voir contre quoi. Dans toute l’Europe  – en France aussi – aux approches de la fin du XVIIIème siècle, on est est fatigué à la fois des trois unités, des jardins à la Lenôtre, du libertinage, des mots d’esprit et des Lumières. On cherche l’ombre (et même le noir), le mystère, le brouillard, la mélancholie. On retourne à la religion, on fuit le contact des des deux épidermes, la passion devient pure, les femmes cèdent devant une certaine idée de la Femme, créature idéale, éthérée, à la fois, soeur, amante et mère; on a reconnu l’image de Marie.

Du même coup c’est la France, qu’on a bien vue : l’hégémonie de sa langue, précise et sans échappatoire; la réputation, le règne de ses femmes  duchesses “libérées”, courtisanes raffinées – la tyrannie de sa mode, de son théâtre, de ses épigrammes, de sa civilisation. “Paris est l’école de l’Europe, écrira Taine. Une école d’urbanité où, de Russie, d’Allemagne, d’Angleterre, les jeunes gens viennent se dégrossir [...] En Allemagne et en Angleterre, le tempérament froid, lourd et rebelle à la culture retient l’homme, jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, dans les habitudes germaniques de solitude, d’ivrognerie et de brutalité“. Cependant les Barbares se lassent de prendre des leçons. Monte la révolte des sous-développés de l’intellect et du savoir-vivre contre une Athènes qui est aussi Babylone.

Une idée du romantisme, première vague (basé sur les Romantiques Allemands, éditions la Pléiade, ainsi que sur la préface de la maison aux 7 pignons de Hawthorne) :

Le terme romantique n’est pas allemand, il vient de l’anglais romance, genre littéraire en vogue au XVIIIème, où le fabuleux et le fantastique sont privilégiés au détriment du réalisme (l’autre genre étant la novel). Ce sont les fameux romans noirs (Anne Radcliffe, Matthew G. Lewis…) ou dits romans gothic (et non pas gothique, le terme gothique français étant souvent confondu et utilisé à tord avec son faux-ami anglais…), et parfois à la base de tout ceci un passé mythique imaginaire (Walter Scott). Les avatars de ce genre déboucheront sur le romantisme allemand. Ce romantisme est une réaction face aux idées des lumières, et remet en avant l’irrationnel. Goethe à 73 ans :“ la poésie est märchen” (les märchen ne sont pas nos contes de fée, la traduction serait plutôt conte mythologique/magique, cf les frères Grimm). La révolution française sera le catalyseur direct ou indirect à de nombreuses transformations dans le jeunesse d’autres pays. Le romantisme n’est ni allemand, ni français, il sera européen (de beaux exemples en Tchéquie, la bohême).

Le teuton Jean-Paul (qui est l’alpha du romantisme) verra dans un rêve la fleur bleue (la Loge invisible), héritage de la mythologie hindoue (fleur, amour et mort se mêlant et se confondant) : “son front brûlait comme un brasier. Il avait la sensation de se fondre en une rosée, que venait aspirer le calice d’une fleur bleue ; puis la fleur, en se balançant, l’élevait avec lui dans les airs et l’emporta vers une chambre haute”. Pour Jean Paul, le rêve est un moyen de communication avec l’univers visible et l’invisible :“Le véritable poète n’est, en écrivant, que l’auditeur, non pas le maître de ses caractères”… vraiment saisissant, sinon les romantiques croient à l’intervention du surnaturel dans leur vie, et contrairement à la vision noire et négative que nous avons de ces phénomènes, il faut bien comprendre que le surnaturel ajoute une dimension au réel, et que nombreux romantiques sont sereins et heureux de vivre…

Pour résumer ces deux points: ce courant artistique est un début de la communication avec la nature. Ceci est en fait un héritage du magnétiseur Mesmer disant que dans l’état de sommeil, l’homme sent ses rapports avec la nature. Cela sera magnifié par une secte occultiste autour de Ritter, qui sera le père de l’écriture automatique. D’autre part on cherche à accéder aux deux mondes, pour les cabalistes il s’agit des mondes individuels et universels, et dans l’interprétation usuelle il s’agit du réel et de ce sur-réel. Ce sur-réel chez les romantiques est à la fois onirique et mystique, chez les surréalistes avec Dali il deviendra méthode paranoïaque-critique et permettra à l’artiste de voir ce qu’on ne voit pas (comme le cercueil d’un enfant dans le tableau l’Angelus de Millet, le cercueil étant enseveli sous de la peinture).

Les notions courantes et rationnelles de la réalité ont été bousculées, on a ouvert la porte au subconscient trop longtemps refoulé par une pensée consciente trop sûre d’elle même : la révolution était en marche, et comme le déclara Novalis :“Le monde doit être romantisé. En donnant une signification élevée à ce qui est commun, un aspect mystérieux à ce qui est banal, la dignité de l’inconnu à ce qui est connu, un halo d’infini à ce qui est fini je romantise.”

Romantisme noir

Pour répondre à la question de ma lectrice sur le recueil des cahiers de l’Herne sur le Romantisme noir, il s’agit d’une étude sur les romans noirs, le terme français pour roman gothique.

Introduction de Liliane Abensour et Françoise Charras :

Vous vous prenez la tête dans les mains, vous tâchez de voir et de savoir. Vous êtes la fenêtre dans l’inconnu… l’homme qui ne médite pas vit dans l’aveuglement, l’homme qui médite vit dans l’obscurité. Nous n’avons que le choix du noir… Victor Hugo

(…) Maurice Levy, met en évidence  les structures architecturales d’une littérature qui s’appuie sur l’”expérience verticale”. On dirait que le Gothique se retrouve circonscrit avant même d’exister, non par la référence à une théorie esthétique, mais à l’intérieur d’une proposition tautologique, énonciation quasi magique, mot de passe qui va permettre à la littérature de pénétrer les défenses de l’imaginaire, si bien contrôlées.
Presque contemporain du roman historique, le Gothique l’anticipe et le nie tout à la fois. La fiction s’empare ici aussi de l’histoire, mais pour la dévier, la détourner, comme pour mieux affirmer l’anachronique. de cette contradiction surgit le lieu gothique, espace historique qui, faisant éclater la dimension temporelle où il s’inscrit, affirme un présent immobile au lieu même du passé : le temps se fige, se dissout, s’abstrait, se fait espace clos. Vision d’un ailleurs construit, architecture d’un paysage pittoresque ou sublime, le Gothique est contenu à l’intérieur du cadre rassurant des règles de composition qui tentent de définir le genre, jardin anglais sauvage que s’aménage dans la littérature une société très policée. Sans cesse menacé de dissolution par sa nature même, le Gothique devient essence indéfinissable suggérée par le terme qui le nomme, émotion, mouvement, manière de saisir le monde et soi-même dans la jouissance équivoque de l’horreur et de l’effroi

Il y aurait probablement beaucoup à dire encore sur le sujet, mais il se fait tard, à mon avis c’est Jean-Baptiste Baronian qui soulève les bons points dans son panorama de la littérature fantastique, quand il s’interroge sur la littérature fantastique de la fin du XIXème siècle, décadente, et s’il ne s’agit pas d’un nouveau romantisme : littérature pas grand publique, et non cachée, elle attire de grands noms et est liée au renouveau de l’occultisme, l’ésotérisme, le diable, le symbolisme et le sur-réel. Les évènements de 1870 auront sans doute eu un impact sur cette littérature, et ces “décadents” cette fois sont en réaction aux réalistes, aux naturalistes et en même temps à contre courant de l’évolution de la société, cela représente la fin d’une certaine littérature et plus exactement de certains écrivains, d’une aristocratie intellectuelle. Cela mériterait de s’attarder sur Jean de Lorrain et Marcel Schwob, d’ailleurs je concluerai sur des mots de ce dernier in Coeur double, très justement repris dans La Chair la Mort le Diable (le romantisme noir) de Mario Praz :

Nous étions arrivés dans un temps extraordinaire où les romanciers nous avaient montré toutes les faces de la vie humaine et tous les dessous des pensées. On était lassé de bien des sentiments avant de les avoir éprouvés ; plusieurs se laissaient attirer vers un gouffre d’ombres mystiques et inconnues ; d’autres étaient possédés par la passion de l’étrange,  par la recherche du quintessencié de sensations nouvelles ; d’autres, enfin, se fondaient dans une large pitié qui s’étendait sur toutes choses… J’éprouvais le désir douloureux de m’aliéner à moi même, d’être souvent soldat, pauvre ou marchand, ou la femme que je voyais passer

Voilà, j’espère que vous aurez trouvé cette petite balade littéraire intéressante, c’était un délice que de se replonger dans cette littérature et m’a mis en appétit. La Baronne Trépassée de Ponson du Terrailm’attend, cela fait 15 ans que j’attends de lire ce livre, je crois qu’il est temps de se délecter de ce bon cru.



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