Magazine Culture

Poezibao a reçu n° 203, dimanche 26 février 2012

Par Florence Trocmé

Cette rubrique suit l’actualité éditoriale et présente les derniers ouvrages reçus par Poezibao. Il ne s’agit pas de fiches de lecture ou de notes critiques et les présentations font souvent appel aux informations fournies par les éditeurs.  
Devant l’afflux de livres, Poezibao n’est plus en mesure de présenter chaque livre reçu de façon détaillée. Tous les livres reçus seront donc cités mais une partie seulement d’entre eux fait l’objet d’une présentation plus complète, accessible en cliquant sur « lire la suite de… » - pour les autres livres, Poezibao s’efforce de trouver des informations en ligne et donne les liens correspondants 
  
○ Ossip Mandelstam, Le Bruit du temps, éditions Le Bruit du temps 
○ Valérie Rouzeau, Vrouz, La Table ronde 
○ Eric Sautou, Les Vacances, Flammarion 
○ Revue Europe, Henri Meschonnic 
○ Antoine Emaz, Dedans Dehors, Rougier V. éditions 
○ William Cliff, America, suivi de En Orient, Poésie/Gallimard 
○ Virginie Poitrasson, Il faut toujours garder en tête une formule magique, L’Attente 
○ Edith Azam, qui journal fait voyage, Atelier de l’Agneau 
○ Claude Favre et Fred Griot, Cargaison, Atelier de l’Agneau 
○ David Lespiau, Aluminium, Argol 
 
À propos de ces livres, lire une présentation détaillée en cliquant sur « lire la suite »
 
et aussi 
Constantin Kaïteris, Des pommes politiques, suivi de Encyclopédie portative des quartiers d’orange, Éditions Corps Puce, coll. Liberté sur parole, vol. 35, 9 € 
○ Rainer Maria Rilke, Sonnets à Orphée, édition bilingue, traduit de l’allemand par Charles Dobzynski, coll. Cardinales, Orizons, 12 €, en savoir plus
○ Marie-Florence Ehret, Jours sans, coll. Trait court, Passages d’encres, 5 €, site de l’auteur 
○ Laurent Margantin, Novalis, coll. Voix Allemandes, Belin, 17 €, en savoir plus 
○ Pierre Lartigue, Plumes et rafales, La passion au XVIème siècle, Les Billets de la Bibliothèque, éditions La Bibliothèque, 19 €, en savoir plus
○ Michel Wallon, Le Pénitent de Furnes, Apogée, 14 €, site de l’éditeur 
○ Christian Chavassieux, Anne-Laure Blanc, Les Chants plaintifs, La Petite Fabrique (Le Château d’Alières, 900 route du Château, 38760 Varces)
○ Jean-Louis Rambour et Pierre Tréfois, La vie crue, Edtions Corps Puce, coll. Liberté sur Parole, 11 € 
Poèmes pour émouvoir, anthologie de la poésie lyrique, Folio Plus classiques, en savoir plus 
○ Nicolas Gille, Un ciel simple, coll. Le Semainier, Éditions du Petit Pavé, 2011, 12 €, en savoir plus 
○ Nathalie Léger-Cresson, Encore et Angkor, Éditions des Femmes, 2012, 12 €, en savoir plus 
○ Albert Bensoussan, L’Immémorieuse, Apogée, 2012, 13 €, en savoir plus 
○ Alain Roussel, Chemin des équinoxes, Apogée, 2012, 15 €, en savoir plus 
○ Estelle Fromenteau, Recueil de paroles et autres histoires, Éditions Praelego, 2011, 9 €, en savoir plus 
○ Revue Les Hommes sans épaules, n° 33 

 

○ Ossip Mandelstam, Le Bruit du temps, éditions Le Bruit du temps, nouvelle traduction du russe et présentation par Jean-Claude Schneider  
120 pages, 13 euros 
 
« Je n’ai pas envie de parler de moi, mais d’épier les pas du siècle, le bruit et la germination du temps... » 
Même s’il s’en défend, avec Le Bruit du temps, publié en 1925 et rédigé en Crimée dès 1923, Mandelstam signe son livre le plus autobiographique et donc la meilleure introduction qui soit à son œuvre. 
Il y évoque le Pétersbourg d’avant la révolution et sa formation de poète – de la bibliothèque (russe et juive) de son enfance à l’étonnant professeur de lettres V. V. Hippius, qui lui a enseigné et transmis la « rage littéraire ». Mais le livre est aussi une éblouissante prose de poète, qui annonce Le Timbre égyptien. Une prose où le monde sonore du temps (concerts publics, mais aussi intonations d’acteurs, chuintements de la langue russe) constitue la base du récit, une prose qui jaillit d’un regard à travers lequel le monde semble vu pour la première fois, avec une étonnante intensité. Mandelstam compose ainsi une suite de tableaux d’une exposition sur la préhistoire de la révolution. Le livre s’achève au présent sous une chape d’hiver et de nuit (« le terrible édifice de l’État est comme un poêle d’où s’exhale de la glace »), face à quoi la littérature apparaît « parée d’un je ne sais quoi de seigneurial » dont Mandelstam affirme crânement, à contre-courant, qu’il n’y a aucune raison d’avoir honte ni de se sentir coupable. (lire la suite, notamment sur la nouvelle traduction) 
 
 
○ Valérie Rouzeau, Vrouz, La Table ronde, 2012, 129 pages, 16 € 
 
Propriétaire de rien
Employée de personne
Ma vie me l’improvise
Au fur et à mesure
Apple and pears
I go upstairs
Argot rimé ficelle
Je grimpe à mon échelle
Quand m’éprouvette grenouille
Devinette météo
Avec vieux scoubidou
M’entête et perd mes vers
C’est pépins pour ma pomme
Je coupe en deux cette poire.
 
 
 
○ Eric Sautou, Les Vacances, Flammarion, 2012, 180 pages, 16 €, lire dans Poezibao une note de lecture d’Ariane Dreyfus 
 
Le nouveau livre d'Eric Sautou se présente presque comme un cahier de vacances aux vignettes lointaines, estompées par le temps.
Une première section (les souvenirs) égrène une liste d'images et d'objets usuels, dressant un catalogue aléatoire des choses communes chères à Pérec: de la toupie au badminton en passant par les bataillons d'orage (les aléas du ciel rythment l'ensemble de ces pages). Le corps de l'ouvrage (simplement titré : les poèmes) revient à la manière désormais familière de l'auteur, déroulant un récit morcelé, entrecoupé d'incises et de vides (n'est-ce pas le sens caché de ces vacances?): ces strophes s'adressent à un être qui n'est jamais nommé (la lettre finale le confirme) mais qui focalise la mélancolie du souvenir, entre blessure et lumière.
Ce qui frappe avant tout, c'est ce souffle toujours retenu, cette manière de dépeindre l'éloignement du monde sans jamais hausser le ton, à travers une description minimale, presque atone parfois, qui oscille entre intérieur et extérieur pour mieux dire ce tourment secret: "poèmes choses brèves c'est ici que je reste". 
 
 
○ Revue Europe, Henri Meschonnic, numéro 995, mars 2012, 18,5 €, présentation complète du numéro 
 
Henri Meschonnic (1932-2009) fut indissociablement un poète, un théoricien du langage, un essayiste et un traducteur à qui l’on doit notamment une approche profondément renouvelée de la Bible et de la pratique de la traduction. Il a participé à la création du Centre universitaire expérimental de Vincennes aux côtés de François Châtelet, Gilles Deleuze, Jean-François Lyotard, Michel Foucault et quelques autres.
C’est à ces multiples aspects de son parcours — ainsi qu’à d’autres, moins connus — qu’est consacré ce numéro d’Europe.
Pour Meschonnic, la poésie, l’art, sont un constant passage de la réalité au réel. Non pas des mots aux choses, mais d’une image toute faite à une vision perpétuellement naissante, dans le présent toujours recommencé de chaque œuvre. « J’écris des poèmes, disait-il, et cela me fait réfléchir sur le langage.
En poète, pas en linguiste. Ce que je sais et ce que je cherche se mêlent.
Et je traduis, surtout des textes bibliques. Où il n’y a ni vers ni prose, mais un primat généralisé du rythme, à mon écoute. La conjonction de ces trois activités a donné lieu pour moi à une certaine forme de pensée critique, à partir d’une transformation de la pensée traditionnelle du rythme à laquelle ont mené nécessairement ces trois activités, justement par leur conjonction. De là une critique générale des représentations du langage, et d’une carence de la pensée du langage dans la pensée contemporaine. L’importance de la critique a relativement occulté les poèmes, surtout dans la mesure de la résistance que cette pensée a suscitée.
Vérification empirique que la pensée fait mal, et d’abord, socialement, à qui essaie de penser. Mais le poème, tel que je l’entends, transformation d’une forme de vie par une forme de langage et d’une forme de langage par une forme de vie, partage avec la réflexion le même inconnu, le même risque et le même plaisir, le même pied de nez aux idées reçues du contemporain. Puisqu’on n’écrit ni pour plaire ni pour déplaire, mais pour vivre et transformer la vie.»
sommaire complet, contributeurs et autres composantes de ce numéro ici
 
 
○ Antoine Emaz, Dedans Dehors, Aquarelles de Martine Salavize, Rougier V. éditions, 2012, collection Plis urgents, 13 €, site de l’éditeur
 
le rythme de la marche calme doucement berce on va le plus loin possible dans ce paysage de dunes face à la mer on respire la mer le ciel clair défait on se laisse défaire par l’avancée régulière le mouvement de l’eau des dunes ce balancement simple du corps et du paysage sans heurt sans personne devant
 
 
○ William Cliff, America, suivi de En Orient, Poésie/Gallimard
 
Avec Jean-Claude Pirotte et Jean-Pierre Verheggen, William Cliff (né à Gembloux en 1940) est l’un des poètes les plus singuliers de l’actuel champ poétique belge.
Usant d’une forme ostensiblement classique, il réussit, par les situations et les thèmes abordés, à créer de parfaits objets de scandale. Il a le verbe violent et voyou, l’inspiration à l’affût des désirs quotidiens, en tous lieux et en tous pays. Ce dont témoignent à l’évidence les deux recueils initialement parus en Blanche repris dans ce volume de Poésie/Gallimard : America et En Orient, respectivement publiés en 1983 et 1986, et qui assurèrent d’emblée à leur auteur audience publique et reconnaissance critique. Les voyages, avec leur part d’errances et de rencontres imprévues, donnent le mouvement et le cadre de ce livre double qui vagabonde et passe du continent américain aux contrées d’Asie. Ainsi America est composé de poèmes inspirés par deux longs séjours en Amérique du Sud et deux voyages aux États-Unis. « Tavalera » décrit en alexandrins la traversée vers l'Amérique du Sud à bord d'un cargo allemand qui porte ce nom.
Puis viennent « Montevideo » et « Cône Sud ». William Cliff évoque les plages, les bidonvilles, ses brèves aventures homosexuelles. Dans les deux dernières parties, « Philadelphie » et « Cape Cod », il raconte les étapes de son périple aux États-Unis. Dans cette déambulation de poète voyageur, William Cliff est à son meilleur. Le Nouveau Monde lui inspire des images aussi désolées que l'Ancien. Il est désespéré, grinçant, funèbre et malgré tout drôle. Dès les premières pages, on reconnaît un ton, une allure, une désinvolture révoltée qui n’appartiennent qu’à celui qui avoue pratiquer l’alexandrin « comme on gratte dans son nez pour s’occuper ». William Cliff : un dynamiteur de pensées molles et de comportements convenus, un maître du langage impeccablement dévoyé.
 
 
○ Virginie Poitrasson, Il faut toujours garder en tête une formule magique, L’Attente, 14€, sur le site de l’auteur
 
« Quand l’écriture essaie à la fois d’être évènement, retranscription, décryptage et réflexion. En travaillant avec des bribes d’enfance, des amorces de contes, des figures féminines traversantes, des clichés désamorcés, des strates de fables contemporaines j'ai construit un livre aux structures narratives polymorphes qui interrogent et requestionnent notre subjectivité. Ce sont ces couches de texte où la formule magique - formule toujours informulée - est ce qui fait lien entre chaque page. Cette formule se déploie entre les signes, dans l’interstice des phrases, naît et se forme dans l’entre-deux du texte. Elle est ce lien puissant tout à la fois de violence et de douceur qui nous anime et nous rattachent les uns aux autres.
 
 
○ Edith Azam, qui journal fait voyage, coll. Architextes, n° 14, Atelier de l’Agneau, 2012, 80 pages, 14 €
 
Parler en poète de notre société quand elle n’est pas facile à vivre. Ici, un humour superbe secoue les difficultés. C’est un combat avec le corps et le langage (Prière d’insérer)
 
 
○ Claude Favre et Fred Griot, Cargaison, Atelier de l’Agneau, 2012, 6_ pages, 12€
 
Chacun amenait un bloc de texte, l’autre écrivant en rebond, en reprise, en bousculement ; cela fait une histoire de marins, de tempête, de naufrage… et d’espoirs quand même. Puis apparaissent les nouveaux arrivants, par bateau à leurs risques et périls. Une épopée poétique et un travail formel unissent les deux auteurs (prière d’insérer)
 
 
○ David Lespiau, Aluminium, Argol, 2012, 118 pages, 18 €, sur le site de l’éditeur
 
« Pendant quelques années, je suis resté debout devant un mur d'images, parce que ce mur écrivait pour moi. Il n'écrivait pas des images. Il écrivait des lignes d'un poème que j'essayais de saisir. »
 


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