Magazine Culture

un brin de texte - Hubert Voignier - Les Hautes Herbes (Cheyne, 2012) par Antonio Werli

Par Fric Frac Club
un brin de texte - Hubert Voignier - Les Hautes Herbes (Cheyne, 2012) par Antonio Werli un brin de texte - Hubert Voignier - Les Hautes Herbes (Cheyne, 2012) par Antonio Werli La grande Touffe d'Herbe d'Albrecht Dürer (1503) La déambulation par ces Hautes Herbes est ce qui peut arriver de plus joyeux, de plus réconfortant et de plus revivifiant après cet âpre et glacial hiver. En même temps que sourd l'évocation d'une nature parcimonieuse et multiple, dont la représentation herbacée après un dégel est la part humble et minuscule du cycle cosmique, il y a le développement rampant et minutieux d'une langue qui essaime autant de grains fertiles sur le champ de la feuille que les graminées dans l'espace de la terre. Et le pli s'ouvre aux sensations d'odeurs, de touchers, aux bruissements minuscules et aux froissements et tintements de toute forme d'herbes pour faire naître depuis la langue les images piochées dans la profonde mémoire de la jeunesse ou de la vacance champêtre, lorsqu'on voulait bien encore être attentif à un brin, un seul brin qui arrêtait le temps des villes et des hommes ou celui, inhumain, qui tourne à vide de l'amalgame illusoire d'une multitude de pixels. Bref. Les Hautes Herbes fondent une parenthèse lyrique et magnifique, élaborée et érudite (la liste des plantes du « deuxième mouvement » propose comme chez les grands maîtres tels que Rabelais ou Hugo une vision fantastique de la nature) dans le cours souvent trop cinétique du lecteur éternellement pressé. Hubert Voignier, dans ce texte court d'une cinquantaine de pages, rappelle au lecteur comment une chose aussi simple qu'une touffe au bord d'une route équivaut la vision d'une immense prairie sauvage ou la sensation d'une bataille capillaire hirsute. Et le brin de texte est cerclé du carcan typographique illustré et endossé d'une élégantissime jaquette sorti des ateliers de Cheyne éditeur, dont le travail inlassablement depuis plus de trente ans croît dans la lenteur d'un brin qui s'est fait forêt.
Et l'on se voit convié à une autre forme de déplacement que dans l'espace, à un autre voyage, non plus au loin mais en profondeur, dans le champ ouvert des multitudes colorées d'herbes et de fleurs, ces mêlées de branches et de feuilles virides, une immersion au sein de la couleur verte dont l'assombrissement progressif et la déclinaison de tous les tons intermédiaires, jusqu'à l'exténuation finale sous l'effet conjugué de la sève et de la chaleur, nous relient encore plus étroitement à la terre, et nous rappelle à un ordre antérieur du monde.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Fric Frac Club 4760 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines