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L'épreuve de vérité de Nicolas Sarkozy. Laquelle ?

Publié le 07 mars 2012 par Juan
L'épreuve de vérité de Nicolas Sarkozy. Laquelle ? « C'est une épreuve... l'épreuve de vérité
Ainsi commenta-t-il cette drôle de campagne. Lundi, Nicolas Sarkozy était dans le fief de son proche Xavier Bertrand, à Saint Quentin. Mardi soir, il s'affrontait à Laurent Fabius. Un journaliste émérite, Michael Darmon, d'iTélé, commenta que c'était la première fois depuis 5 ans que le Monarque avait un autre contradicteur qu'un journaliste. Vraiment ?
Ses lieutenants stressaient ou masquaient à peine leur désarroi.
Le président sortant avait un bilan improbable. Le candidat sortant faisait une campagne improbable.
Le clivage
On disait qu'un président candidat à sa succession se devait rassembleur. Contre toute attente, Sarkozy continue de faire campagne à l'extrême droite, sur les plates-bandes de Marine Le Pen. Calée voici quelques semaines déjà, cette stratégie devait faire flores compte tenu du positionnement de la leader frontiste sur le terrain socio-économique. Pour Sarkozy, il voulait encore une fois trianguler l'adversaire, c'est-à-dire le prendre de haut et à revers, en lui chipant quelques thèmes, arguments ou référence pour mieux le déborder. En 2007, il s'était régalé d'abuser de références à Jean Jaurès ou Léon Blum. Mais en 2012, invoquer l'identité nationale et l'islamophobie n'a pas le même impact.
Sarkozy ne rassemble pas, il effraye jusqu'à son camp. Est-ce un hara-kiri politique ?
Pour cliver, il use donc d'artifices curieux. Il a ainsi porté aux nues la « question halal ». Samedi à Bordeaux en meeting, il a proposé l'étiquetage de la viande halal ou casher. Claude Guéant, son ministre de l'intérieur, avait assuré la pré-vente et l'après-vente de cette nouvelle sortie, en établissant un lien direct et quasi-immédiat entre le droit de vote des étrangers et l'introduction de rites musulmans dans les cantines scolaires. Lundi, son premier ministre Fillon en a remis une couche sur Europe 1, en déclarant qu' « on est dans un pays moderne, il y a des traditions ancestrales qui ne correspondent plus à grand-chose ». Et le candidat sortant, en campagne à Saint-Quentin, livre cette incroyable déclaration devant une nuée de micros: « Le premier sujet de préoccupation, de discussion des Français, je parle sous votre contrôle, c’est cette question de la viande hallal ».
Les sondages
Aurait-il pété un câble ? Les enquêtes d'opinion - ou tout du moins celles qui sont publiques - racontent une autre histoire. Les Français sondés s'en fichent. Ils considèrent au contraire que la campagne ne traite pas des vrais sujets: logement, chômage, retraites, justice, environnement.  Nicolas Sarkozy est hors sol, à agiter des faux débats lancés par la candidate d'extrême droite.
D'autres sondages sont encore plus inquiétants pour le candidat sortant. Le grand rebond n'a pas eu lieu, jour après jour, les enquêtes d'opinion le confirment. A l'UMP, certains masquent mal leur consternation. Nathalie Kosciusko-Morizet regretta ce débat halal, mardi 6 mars. Pensait-elle à Sarkozy ? Rappelons qu'elle est porte-parole de la campagne du candidat sortant depuis à peine 15 jours. Jeudi, Fillon ira faire pénitence devant les autorités religieuse musulmanes.
Les adieux
Sarkozy aurait pu glisser quelques commentaires sur les dernières lois de « son » Assemblée. Les députés clôturaient leurs travaux et leur mandat. Les 285 députés de l''UMP et le Nouveau Centre ont voté la loi sur la « protection de l'identité». Le titre est délicieux, cette loi autorise la création d'un « traitement de données à caractère personnel facilitant leur recueil et leur conservation » (article 5), c'est-à-dire un gigantesque « fichier des gens honnêtes ». Les députés ont aussi adopté la majoration des droits à construire, l'une des annonces de Nicolas Sarkozy en janvier dernier pour stimuler la construction.
Le mot de la fin est venu de François Fillon: « Mesdames et messieurs les députés de la majorité, si je peux me tourner un instant vers vous, je voudrais vous dire que depuis 2007 la confiance de la majorité fut ma plus belle récompense (...) Vous n'avez jamais fait défaut au gouvernement. »
Le défi
Ce mardi soir, c'était donc le grand débat. Nicolas Sarkozy allait enfin sortir du monologue médiatique auquel il nous avait habitué depuis 4 ans. Sur France 2, le candidat sortant acceptait de se rendre sur un plateau pour 2h40 de confrontation avec des journalistes et, finalement, un débat avec Laurent Fabius. « Sarkozy joue son va-tout » titrait le Point.fr. « Sarkozy doit convaincre » complétait le JDD.
Lundi, il était faussement rassurant: « Je pense vraiment que ce n'est pas fait. (...) En campagne électorale, il peut se passer des choses jusqu'au dernier moment.» Après une semaine dernière subie, il avait à réagir à une nouvelle polémique, lancée par le Spiegel en Allemagne. Le magazine accusait les quatre dirigeants conservateurs Merkel, Cameron, Roja, et Andreotti de s'être entendu pour ne pas rencontrer le candidat socialiste. Nicolas Sarkozy eut cette formule étonnante: « Le problème de Monsieur Hollande, c'est pas qu'il y a un pacte contre lui, (...), c'est qu'il a peu voyagé. » Peu voyagé ? C'était l'homme au nouvel Airbus qui s'exprimait ainsi...
L'émission
Ce mardi soir, sur France2, Nicolas Sarkozy semblait gêné par lui-même, comme un homme blessé, déçu de ne parvenir à convaincre l'auditoire.
Ses annonces du jour, dont il faut toujours dresser l'inventaire puisque le programme du candidat sortant n'est toujours pas connu et se dévoile jour après jour, étaient maigres:
1. « Si je suis réélu, je proposerai que le peuple parraine directement les candidats.» Ses communicants n'ont pas fait gaffe. « S'il était réélu » est un très mauvais argument. Il est élu depuis 2007.
2.  « Oui, je veux poursuivre l'ouverture. Notamment avec l'introduction de 10 à15% de proportionnelle aux législatives ». Le grand partisan du système majoritaire avait des scrupules. De dernière minute.
3. « 165 000 étrangers bénéficient du RSA. Nous allons imposer 10 ans de présence et 5 ans d'activité pour en bénéficier ». Le candidat court après Le Pen, encore une fois. « La question de l'immigration, ce n'est pas une question de droite ou de gauche » a-t-il expliqué. La question de virer Sarkozy, ce n'est pas une question de droite ou de gauche, était-on tenté d'ajouter.
4. La création d'un nouvel impôt pour les entreprises, un « impôt sur les bénéfices minimum pour les grands groupes »... Le Monarque se découvrait social ou presque. Pas vraiment. Il faut des symboles pour être réélu.
La conclusion fut presque contrainte: « c'est aux Français d'en tirer les conséquences ».
Depuis des mois, Nicolas Sarkozy redoute ce jugement dernier.
Il y eut quelques perles. Nous les conserverons:
« Je n'ai pas fait de cadeau aux riches »
Il n'aime pas le qualification de Président des Riches, une « imposture ». Pourquoi donc cette image lui a été collée ? Il n'avait pas d'explications. Tout juste confia-t-il que sa campagne de 2007 avait été difficile sur le plan personnel, alors alors que celle de 2012 était au contraire radieuse. Tant mieux pour lui, il avait presque dérapé dans cet auto-voyeurisme si caractéristique du personnage politique depuis 2002.
« Être soutenu par un homme de la qualité de Claude Allègre, ça compte ». Cette sentence était incroyable à plus d'un titre. Claude Allègre ne représente rien à gauche, afficher son soutien n'élargit pas sa majorité. Bien au contraire. Et à droite, tout le monde s'en fiche aussi.? A quoi bon ? 

« Entre 2011 et 2016, il faut faire 70 milliards d'économies et 40 milliards de recettes supplémentaires.» Reconnaissons-lui cette lucidité sur son propre bilan. L'homme a flingué l'avenir de nos enfants, rien que ça, avec des mesures anachroniques ou d'une incompétence rare, comme la loi TEPA. Le voici prêt à confesse.
« J'aurais pas du dire au salon de l'agriculture...J'aurais jamais du le faire » Le mea culpa était partiel. Un peu plus tard ou un peu plus loin, le Monarque tacla le physique de son principal opposant François Hollande. Il voulait enfoncer son rival. Il attaquait moins les idées que la personne: « C'est un homme qui n'a jamais exercé la moindre responsabilité au plus haut niveau de l'Etat (...). J'ai été étonné que le PS confie l'investiture à un homme qui n'a dirigé rien.» Nous étions surpris que Nicolas Sarkozy ait pu incarner la France depuis bientôt 5 ans.
Il eut d'autres propos définitifs et sans preuve («Hollande, l'homme qui ne sait pas dire non ‎»). Sarkozy ne voulait pas voir Marine Le Pen ni Jean-Luc Mélenchon.
Contre Fabius, il fut parfois hargneux. L'homme n'avait pas de hauteur. Le président-protecteur n'était pas là. Nous le savions, au vu des deux premières semaines de campagnes. Devant quelques millions de Français, nous en avions la confirmation en direct live.
Quelque part vers 23h, Laurent Fabius le fit sortir de ses gonds: « Votre bilan, c'est votre boulet ». Sarkozy glissa, en accusant: « on ne change jamais, Monsieur Fabius». « J'allais vous le dire » répondit l'ancien premier ministre. Sarkozy n'était même pas Chirac. Il s'agaça: « Sur la démocratie, je n'ai pas de leçons à recevoir de vous ! »
Ce mardi soir, pas un journaliste ne posa une question au candidat sortant sur l'affaire Karachi, les affres des scandales Takieddine, les ventes d'armes à la Libye de Kadhafi.
Nous étions gênés. Nous étions encore en Sarkofrance.


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