Magazine Insolite

Montre moi ton cabinet, je te dirai qui tu es...

Publié le 12 mars 2012 par Aurélien Boillot
Montre moi ton cabinet, je te dirai qui tu es...

The Tradescants and Elias Ashmole
Dans l’Angleterre du 17ème siècle, on pouvait dénombrer des curieux pas tentés digne de pouvoir rivaliser avec l’hégémonie curieuse de la France, de l’Italie ou de l’empire des Habsbourg. Ce riche passé en terme d’amasseurs de curiosités a été le creuset dans lequel a émergé, en prenant quelques raccourcis, le premier musée d’art au Monde ouvert au public à Oxford en 1683.

Aujourd’hui cet illustre ancêtre des musées s’appelle le Ashmolean museum du nom de l’un de ses plus anciens et célèbres donateurs, Elias Ashmole. Ce bien nommé fut célèbre dans sa vie par ses activités politiques et pour être l’une des figures franc-maçonnes emblématiques de l’époque. Très jeune, il fut attiré par les sciences et notamment l’astrologie. Mais ses intérêts se sont vite étendus à d’autres disciplines scientifiques comme la botanique, la médecine et la sténographie. Inévitablement, c’est une voie plus occulte, l'alchimie, qui allait le séduire.

Montre moi ton cabinet, je te dirai qui tu es...
Son projet a d’ailleurs connu un début prometteur avec la publication en 1653 de Brittanicum Theatrum Chemicum, une collection d'œuvres en vers alchimiques. Ashmole ne voyait en son temps aucune incompatibilité entre les sciences occultes et les sciences dogmatiques. Il était favorable à la philosophie expérimentale naturelle. Il les considérait comme des moyens complémentaires de découvrir les principes fondamentaux de la philosophie naturelle. Au cours des années, il amasse de nombreuses curiosités telles que des peintures dans des cadres triples et une quantité d’objets d’art tout aussi curieux que rares pour l’époque dont de nombreux fragments géologiques.Et c'est son intérêt pour la science qui le conduit à devenir un membre fondateur de la Royal Society en 1660.
Montre moi ton cabinet, je te dirai qui tu es...
Mais Ashmole n’est pas le seul à faire figure de grands collectionneurs dans cette Angleterre de Charles Ier. Dès le début du 17ème siècle, tout ce que comptait l’Europe comme têtes couronnées et autre noblesse en quête de curiosité, rendait visite à la remarquable collection rassemblée par John Tradescant l'ancien. Même s'il était un roturier, son cabinet de curiosités était un must pour les riches et puissants d’Europe. Toutefois, Tradescant l’ancien n’avait pas limité ses collections à la seule jouissance visuelle de l'élite couronnée. Pour une modiquesomme, il accueillait le public pour visiter sa wunderkammer qu'on baptisa par la suite en Musaeum Tradescantianum.
Montre moi ton cabinet, je te dirai qui tu es...

En tant que jardiner qualifié, John Tradescant l'ancien travaillait pour certaines des personnes les plus puissantes de l'Angleterre. Il était également réputé pour avoir rapporter de ses longs voyages des curiosités naturelles exotiques et géologiques. En 1638, l’année de la mort de John Tradescant l’ancien, une description de son cabinet a été enregistrée par un voyageur allemand du nom de Georg Christoph Stirn. Son récit est éloquent :

«Dans le musée de M. John Tradescant se trouvent les choses suivantes: d'abord dans la cour, il y a deux côtes d'une baleine, puis dans le jardin toutes sortes de plantes étrangères. Dans le musée, nous avons dénombré une salamandre, un caméléon, un pélican, un rémora, une perdrix blanche, un écureuil volant, un autre écureuil qui a une forme de poisson, toutes sortes d’oiseaux brillants et colorés provenant d'Inde, un certain nombre de choses qui semblent avoir été pétrifiées, un morceau de chair humaine sur un os, des gourdes, des olives, un morceau de bois, la tête d'un singe, un fromage, etc ; toutes sortes de coquillages, la main d'une sirène, la main d'une momie, une main de cire très naturelle sous verre, toutes sortes de pierres précieuses, des pièces de monnaie, une image forgée dans une plume, un petit morceau de bois de la croix du Christ, des photos en perspective d'Henri IV et Louis XIII de France, un perroquet de mer, un crapaud-poisson, un wapiti sabot avec trois griffes, une chauve-souris grande comme un pigeon…».


Montre moi ton cabinet, je te dirai qui tu es...

Fruit du hasard ou du grand oeuvre, une dizaine d'années après la mort de Tradescant l’ancien, en 1648, son fils, John Tradescant le jeune, va croiser le chemin de ce cher Elias Ashmole. Tradescant le jeune avait poursuivi depuis une décennie l’oeuvre de son défunt père en collectant à son tour des plantes du nouveau monde et tout autant de spécimens de minéraux et autres curiosités du monde entier. Ashmole, toujours avide de connaissance, va contribuer à l’élaboration du catalogue de cette collection et va financer en 1656 la publication de la Tradescantianum Musaeum. Dans ce catalogue, Tradescant le jeune emploie un principe d'organisation basé sur un système de classification qui distingue les merveilles de la nature, ou Naturalia, d'une part, et les œuvres de l'homme, ou Artificialia, de l'autre. Bien que cette dichotomie soit typique des cabinets du continent de l’époque, la nouvelle classification des objets est généralement dépendante de la volonté individuelle du propriétaire. Dans le cas de Tradescant le jeune, les objets placés dans la première catégorie, celle des Naturalia, ont ensuite été classés en sous-catégories constituées par les trois ordres principaux de la nature (animal, végétal et minéral). Quant aux objets placés dans la deuxième catégorie, celle des Artificialia, ils ont ensuite été classés par type, souvent mal définis.


Montre moi ton cabinet, je te dirai qui tu es...

Ce catalogue figure comme le premier catalogue recensant une collection à être publié en Angleterre. Au travers d’évènements un peu confus et probablement malhonnête, en 1659, Tradescant le jeune va céder légalement sa collection à Ashmole. Ce dernier en prendrait possession au moment du décès de Tradescant le jeune. Or sa mort survient peu de temps après, en 1662. Et la veuve de Tradescant le jeune contesta la volonté de son cher époux en affirmant que son mari avait signé un document sans en connaître le contenu. D’aucuns diront qu’il était en état d'ivresse lorsqu’il léga sa collection à Ashmole. La question fut finalement réglée par la chancellerie, non sans mal vu les relations et l’appartenance maçonnique d’Ashmole. Toutefois la veuve obtint la fiducie de la collection de son mari jusqu’à sa mort. Et attention c’est là que ça se corse. En Angleterre même derrière l’histoire apparemment banale des cabinets de curiosité peu se cacher une véritable tragédie shakespearienne car en dépit du verdict de la chancellerie, Ashmole était déterminé à obtenir la collection dont il avait financé à la faire découvrir au monde. L’histoire retiendra alors que peu de temps après ses faits, Mme Tradecant fut retrouvé noyée dans son bassin de jardin.

Montre moi ton cabinet, je te dirai qui tu es...

C’est alors cette collection diablement enrichie des passions d’une vie des Tradecants père et fils qu’Ashmole a cédé à Oxford en 1675.

En guise de conclusion, votre hôte ne cèdera pas ici à l’un de ses marronniers à savoir que peut être Ashmole, cet alchimiste franc maçon, a été le bras armé d’une puissante organisation pour récupérer un trésor rare à l’accomplissement du grand oeuvre et dissimulé dans la collection des Tradescants. Et non, je n’imagine pas une histoire parallèle à cette tragédie qui pourrait conduire à l’une des plus importantes révélation sur l’art hermétique de ces 300 dernières années Et je me contenterai de croire qu’Ashmole a cédé toute sa collection et qu’il ne demeure pas, cacher aux yeux du monde, dans une pièce secrète dans un sous sol secret de l’université d’Oxford, le trésor alchimique caché d’Elias Ashmole.

Sources : http://www.encyclopedia.com/topic/Elias_Ashmole.aspx /// http://www.allbestarticles.com/arts-and-entertainment/antiques/museums-and-cabinets-of-curiosities.html /// http://www.strangescience.net/tradash.htm


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Aurélien Boillot 59 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine