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François Hollande invité de France Info

Publié le 19 mars 2012 par Letombe

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François Hollande invité de France Info par FranceInfo

Retrouvez l'intégralité de son interview 

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Ils sont candidats à l’élection présidentielle, et ils vont se succéder chaque matin sur FRANCE INFO pour vous dire quelle France ils veulent bâtir dans les 5 ans à venir. Ce lundi, c’est le candidat socialiste qui ouvre le bal de ces interviews avant Nicolas SARKOZY demain, suivront François BAYROU mercredi, Marine le PEN jeudi, Eva JOLY clôturera la semaine vendredi. Jean-Luc MELENCHON, lui, sera là jeudi prochain. François HOLLANDE, merci d’être avec nous ce matin. A mes côtés pour vous interroger, Marie-Eve MALOUINES, chef du service politique de FRANCE INFO, bonjour Marie-Eve.

MARIE-EVE MALOUINES

Bonjour.

FRANÇOIS HOLLANDE

Bonjour.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

L’événement politique de cette semaine, de ce week-end François HOLLANDE, c’est manifestement le succès incontesté du rassemblement du Front de Gauche hier à la Bastille. Jean-Luc MELENCHON commente en disant : c’est normal, c’est parce que je ne fais pas de la politique à la Papa. Vous avez le sentiment de faire une campagne à la Papa ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Moi je veux gagner l’élection présidentielle, je ne suis pas dans un jeu de rôle, je ne suis pas dans une catégorie d’âge, je veux que les Français – après l’élection présidentielle – se disent : ça y est, nous avons franchi une étape, nous nous sommes rassemblés autour d’une grande cause, celle du redressement de notre pays dans la justice, et dans l’espérance que la jeunesse vivra mieux qu’aujourd’hui. Donc une campagne présidentielle, il y a des concurrents, il y a des alliés, chacun va avec ses propres couleurs. Mais vous voyez bien que j’ai une responsabilité particulière, je ne peux pas me laisser aller, je ne peux pas me laisser entraîner sur une route qui ne serait pas la mienne, je ne peux pas être dans la surenchère. Je dois être dans la responsabilité qui m’a été confiée, de faire gagner la gauche et de faire avancer la France.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Est-ce que justement dans la formule de Jean-Luc MELENCHON, il y a aussi l’idée que lui il va loin, il fait des propositions radicales et il dit que le politique peut agir sur les choses. Et que vous, par ce côté responsable, je dis vous au sens large, c'est-à-dire tous les autres candidats, vous êtes un peu contraints par l’économie avec l’idée que la politique ne peut plus grand-chose quand on est dans une telle crise.

FRANÇOIS HOLLANDE

Mais pas du tout. Moi j’avance des propositions qui sont d’ailleurs ou saluées ou critiquées, j’évoque le contrat de génération, j’y reviendrai pour que les jeunes et les seniors puissent être dans l’emploi. J’évoque les propositions pour les jeunes, et notamment les postes dans l’Education nationale, les 60.000 qui sont attendus, qui sont espérés. Je veux faire, avec une banque publique d’investissement, une politique en faveur de l’industrie, de l’emploi, des PME. Bref ! Je me mets dans la situation de pouvoir diriger la France demain, pas de faire un charivari.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Et vous n’êtes pas contraint par les marchés, par la mondialisation…

FRANÇOIS HOLLANDE

Nous sommes tous devant cette réalité, personne ne peut dire que les marchés n’existent pas. Nous devons les combattre, nous devons les dominer, nous ne pouvons pas les ignorer. Je ne peux pas considérer qu’au lendemain d’une victoire, comme disait un candidat en 2007, tout deviendrait possible. Vous avez vu ce qu’il a fait de la France en 5 ans, ce candidat-là qui avait tant promis ? Donc je fais en sorte que les Français qui m’entendent se disent : quand il nous fait une promesse, elle sera tenue.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Mais François HOLLANDE, est-ce que Jean-Luc MELENCHON aujourd’hui – compte tenu des scores qu’il réalise dans les différentes enquêtes d’opinion – n’est pas en train d’en partie siphonner votre électorat, de grignoter en tout cas sur votre gauche ? Et est-ce que ça n’est pas pour ça que vous appelez aussi au vote utile ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Je n’appelle pas au vote utile, nous sommes à 5 semaines de l’élection. Je dirai à chaque fois que le vote doit être efficace : qu’est-ce que nous voulons ? Qu’est-ce que les Français qui veulent changer doivent prendre comme décision au moment du premier tour, et puis a fortiori au second tour ? Le premier tour, ce n’est pas simplement un vote où on donne sa colère, son exaspération, simplement une préférence sympathique. C’est la condition qui va créer la dynamique pour le second tour. Donc chacun doit prendre conscience aussi de sa propre responsabilité dans un scrutin. On ne peut pas faire d’une élection présidentielle simplement un moment de colère. Nous devons en faire aussi… la colère, elle est respectable, elle est digne, elle est même légitime quand il y a tant de difficultés pour nos concitoyens : vie chère, chômage, logements inaccessibles, mais la colère elle doit être traduite dans une volonté de changement. C’est celle que je porte.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Alors venons-en aux propositions de cette campagne, il y en a quand même et Nicolas SARKOZY a proposé hier soir que pour tout chômeur de plus de 55 ans, embauché que ce soit en CDI ou en CDD à partir de 6 mois, il n’y ait plus de charges pour les entreprises. Est-ce que ce n’est pas une bonne idée ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Nicolas SARKOZY, il est dans un moment de sa campagne – parce qu’il ne peut pas présenter son bilan, parce qu’il n’a toujours pas montré aux Français quel serait son projet – il en est arrivé à une forme d’improvisation permanente, d’acte de contrition et presque de Concours Lépine.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Oui mais là, c’est une proposition…

FRANÇOIS HOLLANDE

Chaque jour…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

C’en est une.

FRANÇOIS HOLLANDE

Il sort une proposition, alors on va prendre celle que vous indiquez. Dans la loi sur la réforme des retraites, il était prévu l’exonération de cotisations sociales pour l’embauche de seniors qui, justement, se trouvent dans une situation impossible : trop jeune pour partir à la retraire mais trop vieux pour être dans l’emploi. Donc la loi dite « Sarkozy » « Fillon » prévoit l’exonération de cotisations sociales. Vous savez ce qu’elle est devenue cette mesure ? Elle n’a jamais été appliquée, jamais. Elle a été même remplacée par une prime qui vise à prendre la moitié du coût du travail du seniors qui n’a eu aucune efficacité. J’ai donc une autre proposition qui est celle du contrat de génération. Et je l’ai évoquée depuis des mois et des mois, et elle suscite un vrai intérêt, un vrai engagement de la part des Français. Qu’est-ce que…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

On va rappeler ce que c’est, un jeune qui est embauché avec le maintien d’un senior dans l’entreprise pour pouvoir permettre la formation.

FRANÇOIS HOLLANDE

Voilà, l’employeur… vous avez parfaitement résumé. L’employeur qui garde le senior dans l’emploi et qui embauche un jeune avec un contrat à durée indéterminée, cet employeur-là qui fait donc un double effort, garder le senior, embaucher un jeune avec un contrat à durée indéterminée, eh bien ! Lui, il ne paiera pas de cotisations sociales sur les 2 emplois. Vous voyez que c’est une mesure beaucoup plus puissante, une mesure qui en plus réconcilie les âges, qui transmet des expériences aux jeunes et les jeunes donnant leur vitalité à l’entreprise. Eh bien ! Voilà une bonne mesure plutôt que ce bricolage permanent auquel nous sommes trop habitués depuis 5 ans avec Nicolas SARKOZY.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Vous parlez de bricolage, vous avez le sentiment que c’est un catalogue de mesures qu’il propose aujourd’hui ? Est-ce que finalement malgré tout aujourd’hui, ça n’est pas de ses propositions qu’on est en train de parler plutôt que des vôtres ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Mais là, il ne parle pas de propositions, il nous parle de ce qu’il n’a pas fait, de ce qu’il avait même fait voter. Rendez-vous compte, c’est quand même un comble de voir un candidat sortant, avec le bilan que l’on sait, nous faire l’article (si je puis dire) d’une proposition qui était dans une loi qu’il n’a pas appliquée. Est-ce que je peux vous donner un autre exemple ? Il nous a parlé de l’inflation des normes pour les entreprises, pour les particuliers…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

J’allais y venir.

FRANÇOIS HOLLANDE

N’en pouvant plus, jamais, jamais depuis 5 ans il n’y a eu autant de lois de votées, 264 lois, il y a des décrets qui ne sont même pas appliqués.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Avec des progrès quand même, Bernard ACCOYER a dit « il y a plus de décrets maintenant d’application qu’avant ».

FRANÇOIS HOLLANDE

Mais si peu qui rentrent en œuvre, et quand ils rentrent en œuvre ils sont immédiatement annulés parce qu’il y a une nouvelle loi. Jamais il n’y a eu autant de normes, autant de décrets, autant de lois et voilà que le candidat sortant, toujours l’acte de contrition, vient nous dire : écoutez, ce n’est plus possible, il faudrait en supprimer 2 lorsqu’on en créé 1, ce qui n’a jamais été fait. Je vais juste prendre un exemple, il y a eu sur le photovoltaïque des dispositions qui avaient été prises pour encourager les particuliers, les entreprises à investir dans le photovoltaïque avec des avantages fiscaux, avec des prix de rachat. Que se passe-t-il d’un seul coup ? Le gouvernement et le président de la République reviennent là-dessus. Donc il y a cette instabilité qu’il a créée et qu’il continue de créer d’ailleurs par des annonces qui sont sans conséquences et sans contenu…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Mais ça veut dire que…

FRANÇOIS HOLLANDE

Je vais prendre une troisième…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Attendez avant, ça veut dire cette campagne, chaque fois que Nicolas SARKOZY va faire une proposition, vous direz « ce n’est pas crédible parce qu’il a un mauvais bilan » ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Mais ce n’est pas que cela, d’ailleurs le mauvais bilan déjà impute largement la crédibilité de ses engagements…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Non mais il peut proposer quand même…

MARIE-EVE MALOUINES

Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

FRANÇOIS HOLLANDE

On peut lui faire cet acte de charité, mais lui il est dans l’acte de contrition : j’aurai dû faire ce que je n’ai pas fait. Et lorsqu’il met une proposition sur la table, et c’est bien légitime qu’il la mette un peu en ordre, vous vous rendez compte, on est à 5 semaines du premier tour, toujours pas présenté de projet chiffré. Je vais prendre un autre exemple, on parle des droits de mutation pour les biens immobiliers, il dit « il faut diminuer de moitié », c’est une recette qui n’est pas celle de l’Etat mais celle des collectivités locales, donc il fait une promesse qui engage les collectivités locales. Dois-je rappeler qu’il n’est pas candidat à la mairie de Neuilly, à la présidence du Conseil général des Hauts-de-Seine, il est candidat pour être (si je puis dire) encore président de la République. Mais enfin, il y a un moment où ce type de proclamation, d’incantation qui révèle aussi beaucoup de contradictions autant de contritions ne peut pas convaincre. Parce que quand on a été un président qui n’a pas tenu ses engagements en 2007, on ne peut pas être un candidat qui fait des propositions qui puissent obtenir la confiance des Français.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Vous l’attaquez sur son bilan François HOLLANDE, Nicolas SARKOZY lui vous reproche de changer d’avis tout le temps. Vous avez proposé de taxer à 75 % les revenus au-dessus de 1 million par an, maintenant vous dites que ce sera plafonné. Quelle est finalement la différence entre un plafond et un bouclier fiscal ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Non, soyons clair. 75 % c’est le taux marginal d’imposition pour les revenus qui seront supérieurs à 1 million d’euros.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Oui.

FRANÇOIS HOLLANDE

Donc de ce point de vue-là, tous ceux qui se rémunèreront à cette hauteur-là dans les entreprises, il s’agit essentiellement des plus hauts dirigeants de certaines entreprises du CAC 40, si les actionnaires acceptent de rémunérer au-delà de 1 million d’euros, les dirigeants paieront l’impôt au-dessus de 1 million d’euros 75 %. Mais il y a eu il y a quelques mois la réduction de l’impôt sur la fortune qui a considérablement allégé – ce qui est quand même un comble au moment où nous vivons – la contribution des plus grandes fortunes. Et donc comme j’ai proposé de rétablir l’impôt sur la fortune, il existait un plafonnement pour l’impôt sur la fortune qui faisait qu’on ne pouvait pas aller jusqu’à 85 % du prélèvement sur la somme impôt sur la fortune, impôt sur le revenu. Dès lors que je rétablis l’impôt sur la fortune, je rétablis le plafonnement qui lui était lié.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Oui mais ce que disait Nicolas SARKOZY, c’est qu’on ne pouvait pas être imposé au-delà d’un seuil de 50 % de ses revenus, ça revient à la même chose…

FRANÇOIS HOLLANDE

Non…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Entre le plafond et le bouclier fiscal, c’est la même chose !

FRANÇOIS HOLLANDE

Il n’y a plus de bouclier, c’est terminé…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Oui, c’est un plafond, ça revient au même !

FRANÇOIS HOLLANDE

Mais ça existait dans l’impôt sur la fortune, alors même qu’il y avait un bouclier fiscal, c’était en 2011 que cette mesure a été supprimée, c’était supprimé par Nicolas SARKOZY et la droite. Je rétablis l’impôt sur la fortune, je rétablis le plafonnement qui lui est lié, qui avait été d’ailleurs introduit par Michel ROCARD dès l’origine.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Et qui concerne l’ensemble des revenus et là…

FRANÇOIS HOLLANDE

Qui concerne… non, non… le fait qu’aucun contribuable ne peut payer 85 % de son revenu quand on ajoute impôt sur le revenu et impôt sur les grandes fortunes.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Vous avez François HOLLANDE réuni les leaders socialistes européens, c’était ce week-end. Vous dites que vous ne serez pas seul pour renégocier le traité. Qu’allez-vous négocier précisément ? Est-ce que c’est un complément du traité actuel ou une remise à plat de tout le traité ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Ce traité, il n’est qu’une discipline et qu’une sanction, il prévoit des objectifs qui ne seront pas atteints s’il n’y a pas la croissance. Donc je vais demander la renégociation de l’ensemble du traité…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Et vous avez les soutiens…

FRANÇOIS HOLLANDE

Pour que la dimension de croissance…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Sur ce plan-là des autres européens ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Alors il y a des gouvernements conservateurs qui espèrent, attendent la victoire de Nicolas SARKOZY, avec un peu d’angoisse, j’en conviens, qui s’étaient même mobilisés pour aller lui porter soutien et solidarité. Mais j’ai la volonté de renégocier ce traité, et je demande aux Français qui m’accorderont leur confiance au mois de mai de me donner mandat pour le faire. Je ne le dis pas simplement parce que c’est Nicolas SARKOZY qui l’aurait signé, ce serait à courte vue et sans conséquence de ma part. Non, je le fais parce que si ce traité est ratifié, c’en sera terminé des possibilités de croissance pour 5 ans dans notre pays et en Europe. Et donc, c’est tellement grave que je ne peux pas me mettre dans cette situation ou, plus exactement, mettre la France dans cette situation. Donc nous aurons une renégociation qui permettra de retrouver les marges de croissance, ça prendra du temps, et d’atteindre nos objectifs nécessaires de réduction des déficits publics et de maîtrise de la dette parce que nous aurons un supplément de croissance. Sans croissance, pas de réduction des déficits ; et pas de réduction des déficits, à ce moment-là ça veut dire crise financière qui reviendra. Pour lutter contre la crise financière, pour lutter contre la crise économique, il doit y avoir de la croissance et, donc, ça passe par une renégociation du traité. Est-ce que j’aurai des alliés ? Oui parce que bien des gouvernements aujourd’hui, même conservateurs, se disent : espérons, espérons…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

On a vu qu’il y avait des hésitations…

FRANÇOIS HOLLANDE

Que François HOLLANDE…

MARIE-EVE MALOUINES

Comment vous le savez, ils vous le font savoir ça ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Va passer président de la République parce que ça nous permettra d’avoir un rapport de force différent avec Madame MERKEL.

MARIE-EVE MALOUINES

Est-ce que vous avez reçu des…

FRANÇOIS HOLLANDE

Vous voyez, ce n’est pas toujours les sensibilités politiques…

MARIE-EVE MALOUINES

Des messages ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Qui expliquent un certain nombre de choix.

MARIE-EVE MALOUINES

Qu’est-ce qui vous fait dire ça, vous avez reçu des messages indirectement, officieusement ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Parce que quand les Espagnols, au lendemain de la signature du traité, gouvernement conservateur, disent déjà qu’ils ne pourront pas atteindre leurs objectifs de réduction des déficits ; quand les Pays-Bas, gouvernement conservateur, disent « nous demanderons nous aussi un certain nombre d’accommodements » ; quand Mario MONTI, qui sans rien dire sur les objectifs dit « il nous faut de la croissance », je comprends que beaucoup de gouvernements attendent qu’autour de la table, nous nous remettions au travail pour mettre cette dimension de croissance, d’emplois, d’activité, de perspectives pour l’Europe, je le dis en tant qu’Européen, je le dis aussi en tant que Français : nous avons besoin de reprendre confiance en nous-mêmes, nous sommes la première puissance (l’Europe) économique du monde, nous méritons mieux que cette gestion d’austérité.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Justement, parce que comme vous demandez un mandat des Français, il faut être bien précis. La règle d’or, la discipline budgétaire, est-ce que vous acceptez qu’elle soit inscrite dans un traité si, par ailleurs, il y a un volet initiative de croissance ?

FRANÇOIS HOLLANDE

J’ai toujours dit que je respectais les disciplines budgétaires, parce que nous devons…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Mais est-ce qu’elles peuvent être dans un traité sous conditions ?

FRANÇOIS HOLLANDE

J’ai dit que lorsque nous aurons pris la responsabilité du pays, nous ferons voter une loi de programmation des finances publiques permettant le retour à l’équilibre en 2017, je ne peux pas être plus clair.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Au niveau européen, vous pouvez…

FRANÇOIS HOLLANDE

Mais au niveau européen, j’ai…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Pas le mettre dans le traité ?

FRANÇOIS HOLLANDE

J’ai pris des engagements pour retourner vers l’équilibre, mais je ne prendrai ces engagements que s’il y a un volet de croissance. Sinon ce traité, je vous l’annonce, ne sera pas ratifié par le prochain Parlement.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Il est 8 h 25. François HOLLANDE, vous recevez des représentants des salariés de Fessenheim aujourd’hui. Qu’est-ce que vous allez leur dire pour les rassurer ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Je vais leur dire la réalité, c'est-à-dire qu’il nous revient de diminuer la part du nucléaire dans la production d’électricité sur 20 ans. Je vais dire…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Vous êtes toujours à 50 % ?

FRANÇOIS HOLLANDE

50 % en 2025, nous sommes à 75 % de production d’électricité de source nucléaire, nous devons réduire cette part. Que Fessenheim, c’est une centrale qui a eu des travaux importants, c’est vrai, mais qui est la plus vieille de France, qui est sur une zone sismique qui créé à chaque fois un certain nombre de débats. Et donc nous aurons à faire la fermeture de cette centrale durant le prochain quinquennat, et avec un démantèlement qui prendra du temps. Il n’y aura…

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Et que vont devenir les salariés que vous allez…

FRANÇOIS HOLLANDE

Aucune suppression d’emplois… il n’y aura aucune suppression d’emploi sur le site, sur les salariés d’EDF et puis un certain nombre de prestataires, mais c’est notre devoir d’engager ce processus. Lorsque les centrales atteignent la fin de leur vie parce que c’était prévu pour 40 ans, il est assez légitime que nous prévoyions justement la mutation, la transition. Ma responsabilité comme prochain président de la République, si les Français en décident, c’est d’assurer la transition écologique et énergétique.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Cela veut dire que ces salariés du nucléaire et ces gens qui ont des compétences et des qualifications importantes, ils pourraient être convertis vers une filière sur le démantèlement des centrales ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Oui, démantèlement et énergies renouvelables, bref ! Rester sur place. Ce sont des salariés d’EDF, dont l’emploi n’est pas menacé, mais il est légitime de leur permettre de vivre sur place et donc de travailler sur place.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Est-ce que vous prenez l’engagement qu’avec l’accord que vous avez passé avec les Verts, les salariés qui sont actuellement dans le nucléaire avec 24 réacteurs qui vont fermer ne perdront pas leur emploi, ce sera emploi constat partout dans toute la filière ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Les fameux réacteurs, les 24 que la droite brandit à force de cartes qui sont là pour faire peur aux Français, non. Il y aura des fermetures qui s’étaleront jusqu’en 2025, c'est-à-dire très loin au moment où les centrales seront en fin de vie. L’Autorité de sûreté nucléaire, comme la COUR DES COMPTES, ont d’ailleurs dit que si nous voulions prolonger les vieilles centrales, ce qui est aussi un choix, il nous faudrait engager des investissements très importants. Donc les vieilles centrales qui n’exigent pas d’investissements importants pourront être prolongées, mais les autres devront être progressivement fermées et remplacées. Et c’est la raison pour laquelle, j’ai donné également la confiance pour terminer l’EPR de Flamanville qui connaît pourtant des difficultés de construction, j’ai dit : nous devons persévérer parce que nous avons besoin de réacteurs de nouvelle génération.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Ségolène ROYAL a déclaré ce week-end sur FRANCE 5 que Nicolas SARKOZY avait peur de perdre son immunité présidentielle, en citant notamment l’affaire « Woerth Bettencourt » et les affaires en général. Vous dites un peu comme elle, que finalement un Etat UMP empêche la justice d’agir aujourd’hui ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Je ne sais pas si Nicolas SARKOZY a peur, en tout cas a sans doute peur de perdre l’élection présidentielle, c’est possible. Je sais en revanche que les interventions sur la justice ont été constantes durant son quinquennat : nomination de membres du parquet décidée par la Chancellerie et donc par l’Elysée ; intervention même directe dans un certain nombre d’affaires, nous avons un procureur qui est aujourd’hui mis en examen, qui est un proche de Nicolas SARKOZY pour l’affaire des fadettes qui concerne des journalistes. Donc il y a eu cette volonté à chaque étape d’intervenir dans les affaires individuelles. Donc je prends l’engagement, moi je ne fais pas de procès d’intention, je prends l’engagement – si je suis demain le prochain président de la République – que l’indépendance de la justice sera garantie, qu’aucun magistrat du parquet ne sera nommé s’il n’y a pas un avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature, et qu’il n’y aura aucune intervention individuelle du chef de l’Etat – et surtout de la Chancellerie – sur les affaires en cours.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Dernière question, vous serez demain en meeting justement avec Ségolène ROYAL, quel est le message politique dans cet affichage : au PS tout le monde s’aime, c’est l’apaisement, la grande réconciliation ?

FRANÇOIS HOLLANDE

Oui, c’est le rassemblement, c’est l’unité, c’est la conscience que nous avons un enjeu qui dépasse tout ce qui a pu à un moment nous séparer. C'est-à-dire que nous avons le besoin de nous retrouver, non pas pour nous-mêmes, mais pour faire gagner la gauche et faire avancer la France. Vous savez, il y a un moment où nous devons prendre conscience de nos propres responsabilités. Notre pays vit une situation très difficile, il y a beaucoup de divisions qui ont été entretenues, beaucoup de colères, on les a entendues, parfois beaucoup de désespoir ou de résignation, mais aussi beaucoup d’attente. Donc il y a un devoir de victoire, je suis le candidat qui doit permettre la victoire.

RAPHAËLLE DUCHEMIN

Merci François HOLLANDE d’avoir été…

FRANÇOIS HOLLANDE

Merci à vous de m’avoir invité.


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