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The Wire

Publié le 12 mars 2008 par Untel
Si The Wire (sur écoute) est la meilleure série télé de l'histoire de l'univers, ce n'est pas parce que des écrivains comme Denis Lehane, George Pelecanos ou Richard Price participent à son écriture. Ce n'est pas non plus parce que Method Man (du Wu-tang évidemment) joue un rôle (d'ailleurs pas un premier rôle) à partir de la deuxième saison. C'est pas non plus parce que c'est un série policière. Ce n'est pas la première, ça non, ni la dernière. Ce n'est sûrement pas parce qu'elle prend Baltimore pour décor. On n'a pas forcément envie d'y passer ses vacances. C'est sûrement parce qu'à chaque saison les auteurs prennent un point de vue particulier sur leur sujet, la ville, le trafic de drogue, son environnement, la corruption, la politique, l'éducation, les moyens accordés aux flics, les conditions de survie... C'est assurément pour son réalisme.
Ce réalisme passe par une forme narrative qui a dérouté plus d'un spectateur. On n'arrête pas les méchants (ou même un seul) à la fin de chaque épisode. On n'est pas dans The Shield quoi. Peut-être qu'on n'arrête même pas du tout les méchants, à la fin (je ne te dirai RIEN). Chaque saison est un tout composé de chapitres qu'il n'est pas possible de lire indépendamment. Chaque enquête met du temps à trouver un rythme : les flics se retrouvent face à une énigme qu'il leur faut d'abord décoder, lentement, malgré leur manque de moyen, malgré leurs problèmes personnels, malgré leur propre manque de courage ou celui de leur hiérarchie. Réaliste, il y a clairement la volonté de montrer comment ça marche : comment les enquêteurs piétinent, comment les dealers parviennent à éviter de se faire prendre sans cacher leur trafic. Pendant plusieurs épisodes il faut attendre. Attendre que l'autre fasse un faux pas.
OK, jusque là la série est intéressante grâce aux parallèles que se permettent les auteurs entre le mode de fonctionnement de la police, sa hiérarchie notamment, et celui des dealers. Comment ils jouent à un même jeu. Une série qui joue sur le suspense et l'attachement aux personnages : vont-ils tomber, se faire tuer, etc. Déjà de ce point de vue on est spectateur d'une œuvre très efficace et, trait le plus caractéristique : sobre jusque dans sa façon de filmer la violence.
Mais les intrigues vont au-delà. Première saison : on pose les personnages, on est dans l'enquête, dans les obstacles internes et externes que rencontrent les flics, et de la même façon on apprend comment fonctionne un gang. Deuxième saison: le port de Baltimore ; comment le syndicat des ouvriers portuaires essaie de maintenir en vie leur port. Comment la drogue, et autres, entrent aux Etats-Unis? Jusqu'où peut aller une enquête qui commence comme le traitement d'un fait divers mais dont on sait qu'on n'aperçoit pas encore toutes les ramifications? Qui n'est pas corrompu? Encore une fois, comment les flics peuvent-ils, s'ils le peuvent, rattraper des dealers qui semblent toujours s'adapter à leurs méthodes, et par conséquent avoir un pas d'avance sur eux?
La troisième saison est peut-être celle qui va le plus loin. En période électorale, les autorités souhaitent réduire la criminalité. Mais est-ce que la "légalisation" d'un crime (le trafic de drogue) peut être une bonne méthode pour faire baisser les stats de délinquance? On n'est plus là dans le documentaire, mais les auteurs essaient d'explorer une possibilité : est-il possible, étant données les conditions politiques, morales, sociales de la lutte contre la drogue aux Etats-Unis, d'agir efficacement et de rendre plus sûrs les quartiers pauvres de la ville? Que donnent les bonnes intentions ou les bonnes idées de certains? Certains mènent cette expérience pendant qu'une guerre des gangs se déclare, et que les flics sont par ailleurs débordés, et que, et que. Comment l'argent de la drogue est réinjecté dans l'économie "normale" et sert à enrichir d'autres acteurs de la Cité (les politiques), par exemple? Superbe.
La quatrième saison ajoute le thème de l'école et de l'éducation. Toujours une volonté de montrer comment ça se passe (Ed Simons, créateur de la série, est ancien flic et ancien prof), et de poursuivre ses hypothèses fictionnelles, ses personnages, en abordant des thèmes comme les multiples facettes d'une sorte de conditionnement social (de façon subtile, évidemment, tous ne finissent pas au trou -mais justement, qu'est-ce qui fait la différence entre eux?), les moyens de l'école. La façon dont se jouent les jeux de pouvoir entre les gangs. Comment faire quand le corps du délit est toujours dissimulé, invisible?
Le dernier épisode de l'ultime saison 5 vient d'être diffusé aux Etats-Unis. Comme dans la saison 3, les auteurs font une hypothèse fictionnelle hasardeuse. Les fonds accordés à un enquête portant sur les meurtres de 22 personnes sont supprimés pour des raisons politiques. Dégoûté, un flic va inventer un tueur en série pour émouvoir l'opinion et contraindre les politiques à fournir des fonds, qui ne seront pas utilisés comme ils le croient. Et quel est le rôle des médias dans cette histoire, et plus précisément d'un journal qui, voyant ses ventes baisser, est tenté, malgré son histoire et l'éthique professionnel de certains, est tenté par un traitement sensassionnel de l'info? Le risque pris par les flics est grand, et l'attente de chaque épisode (le téléchargement est interdit, je te le rappelle (non seulement c'est interdit, mais c'est mal), ne télécharge donc pas, où alors ne te fais pas prendre, ou joue pas les balances) est une torture.
Assurément les auteurs prennent des risques en abordant des sujets difficiles et complexes avec nuance. C'est violent, c'est sûr, mais ça ne l'est pas pour le show. Il faut de l'ambition pour faire ça, et ne pas avoir peur de heurter. Bref je ne suis pas sûr d'avoir correctement parlé de cette série, alors que j'ai dû voir 5 fois la saison 1, 4 fois la saison 2, 6 fois la saison 3, 3 fois la saison 4, bref une histoire qui m'accompagne depuis quelques années. A+

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