Magazine Culture

Retour sur Gorillaz, un groupe virtuel avec une forte identité graphique

Publié le 28 mars 2012 par Modandwa @modandwa
Retour sur Gorillaz, un groupe virtuel avec une forte identité graphique

Beatle's way: un mix entre les pochettes d'Abbey Road et de Let it be... ou pas!

Certains groupes misent sur une identité visuelle forte et n’hésitent pas à faire appel à des graphistes : on a vu précédemment les travaux d’Hervé et Geoffroy de Crécy pour leur frère, Etienne de Crécy.

D’autres vont encore plus loin, en se dérobant derrière des personnages de fiction, en les intégrant pleinement comme des membres du groupe ou encore en créant de toute pièce un groupe virtuel.

Hatsune Miku, chanteuse virtuelle vocaloïde, apparaissant en concert sous forme holographique, fait partie de ce phénomène. Revenons sur feu le groupe virtuel Gorillaz, qui, à la différence de l’ « artiste » japonaise, camouflait des musiciens de chaire et de sang… et surtout un vrai parti tant musical que graphique.

Derrière Gorillaz, la rencontre entre Jamie Hewlett, un graphiste et dessinateur accompli et Damon Albarn

Retour sur Gorillaz, un groupe virtuel avec une forte identité graphiqueRetour sur Gorillaz, un groupe virtuel avec une forte identité graphiqueDessinateur de la BD culte Tank Girl, Jamie Hewlett avait déjà participé à des projets musicaux; il est en outre bassiste studio sur certains titres de Gorillaz. Son magazine Deadline croisait déjà culture BD et musique ; il a également illustré en BD la chanson « Common people » du groupe Pulp.

Artiste complet, il a également participé à la création de décors pour des spots publicitaires, a habillé des plateaux TV et s’est même essayé au design. Pour Monkey, Journey to the West, opéra pop créé avec Damon Halbarn, il crée des scènes de dessin animé mais aussi les décors et costumes. Son trait, à la frontière entre comics et le manga, a également été Retour sur Gorillaz, un groupe virtuel avec une forte identité graphiquesollicité par la publicité ; récemment Absolute a fait appel à lui pour dessiner une bout

De son côté, le déjanté Damon Albarn et son groupe Blur avait déjà accordé de l’importance à l’utilisation d’une identité visuelle efficace. Ils ont ainsi fait appel à des artistes innovants à l’instar du célèbre (et bankable) Damien Hirst sur le clip « Country House » mais aussi Sophie Muller sur « Song 2 », Thomas Vinterberg (le réalisateur du génial Festen) pour « No distance Left to Run » ou encore l’artiste contemporain  Julian Opie pour la pochette du Best of.

Un groupe virtuel… pourquoi?

Gorillaz n’est pas la farce de deux artistes déjantés ; derrière ce concept de groupe virtuel, Damon Albarn fait passer un message clair dénonçant un monde de la musique surmédiatisée, pollué par le star system.

Beaucoup de musiciens s’intéressent davantage à leur célébrité qu’à leur musique. Ils ont le même physique, affichent le même sourire font les mêmes chansons, parlent des mêmes sujets. On n’est pas loin de Coca Cola ou de Mac Donald’s. Je veux perdre cette célébrité pour trouver davantage de magie dans la musique. Gorillaz me donne cette liberté

De le liberté, Damon Albarn en a bien obtenu avec Gorillaz. S’affranchissant des codes et limites des genres musicaux du punk rock à la pop, en passant par l’électro, osant des featuring audacieux avec des artistes de tous horizons (d’Ibrahim Ferrer de Buena Vista Social Club à André 3000 venu du hip hop en passant par le rap avec De La Soul et Snoop Dogg ou encore la soul avec Daley et le punk avec Simonon des Clash), Gorillaz est un joyeux bazar musical, où Damon Albarn semble s’amuser à mélanger les genres créant un nouveau son, pop rock et transgenre.

Gorillaz, un groupe fictif en évolution

Jamie Hewlett et Damon Albarn ont gardé le mystère pendant quelques mois, éludant les questions de la presse sur leur participation au groupe. Ils laissaient ainsi toute la place aux personnages fictifs, étranges, au look improbable, qui composent le groupe:Retour sur Gorillaz, un groupe virtuel avec une forte identité graphique

Murdoch : bassiste dissolu, ce loubard sataniste, pervers et alcoolique, avec une hygiène plus que douteuse, est complètement amoral et franchement instable. Il a rencontré 2D en emboutissant la vitrine de son magasin de disque avec sa voiture. Condamné en justice à rester aux côtés de 2D pendant sa convalescence, c’est en frappant ce dernier qu’il parvient à le sortir du mutisme et semi coma dans lequel il était enfermé depuis son accident.

2-D : chanteur, innocent et naïf, à la santé fragile et un peu mollasson, il idolâtre complètement son bourreau, Murdoch ; il croit en effet que ce dernier lui a sauvé la vie.

Russel Hobbs : cet américain obèse était possédé dans son enfance. Membre d’un gang, il assiste au massacre de tous ses amis et est hanté par les âmes de ceux-ci. Il est le rappeur et batteur  de Gorillaz avant d’être remplacé pour le troisième album, par une boîte à rythme. Transformé en géant après avoir nagé dans des produits polluants, il revient sur le dernier clip du groupe.

Noodle : la guitariste chinoise de 10 ans du groupe est envoyée à Murdoch et 2D dans un carton Fedex avec une Les Paul. Partie à la recherche de ses origines, elle apprend qu’elle a été créée pour devenir un super-soldat. C’est elle qui compose l’intégralité du second album. Décédée en 2006, elle est remplacée par une version robotisée d’elle-même.

Chaque personnage a son histoire (et sa propre page wikipédia!) alors que le groupe évolue dans le temps ; les clips mettent en image les aventures du groupe.

« El mañana », par exemple, raconte la mort de Noodle alors qu’avec tout dernier clip du groupe « Melancholy Hill », (attention… ascenseur émotionnel) Noodle revient!

Il aura fallu, entre les deux vidéos, soit lire l’ « autobiographie » du groupe, Rise of Ogre, pour comprendre cet imbroglio scénaristique, soit avoir joué au jeu flash sur le site du groupe qui permettait de visiter les Kong Studios, instillant un indice. On perçoit bien une stratégie marketing Retour sur Gorillaz, un groupe virtuel avec une forte identité graphiqueefficace autour du groupe, avec son lot de produits dérivés jouant sur cette identité forte et l’univers créé par Jamie Hewlett: les éditions collectors des albums contiennent de nombreuses illustrations, il existe plusieurs jeux vidéo flash permettant de pénétrer l’univers du groupe… Plus récemment, Converse s’est associé avec le groupe pour créer une collection à partir des dessins et Gorillaz a écrit une chanson « Doya Thing » téléchargeable librement sur le site de la marque (no comment).

Clips et concerts… Rendre réel un groupe virtuel

Les clips de Gorillaz sont de vrais petits bijoux d’animation; utilisant la 3D et la technique du cel-shading, le trait de Jamie Hewlett donne vie au groupe. Le dernier clip de Gorillaz « Stylo » sur Plastic Beach est différent, en allant encore plus loin visuellement : les membres du groupe sont modélisés en 3D et intégrés dans des plans séquences filmés. Le résultat, une (quasi) parfaite illusion de réalité; pour chicaner, comme dans beaucoup d’intégrations 3D, il y a, à certains endroits seulement, un léger problème de réflexion, soit d’interaction visuelle entre virtuel et réel… Le fait d’avoir attribué aux personnages 3D une voiture mat serait-il une astuce pour pallier à ce problème? Je vous l’accorde, on ergote (déformation professionnelle), jugez en par vous même

Si l’on peut faire illusion avec des clips, qu’en est-il en concert? La première tournée du groupe suscita la déception des fans: bien que tout le monde avait déjà reconnu la voix du chanteur de Blur, on ne voyait apparaître le groupe qu’en ombre chinoise derrière un drap tendu. Projetant des vidéos inédites, des extraits de clips, utilisant des techniques de simulation d’hologrammes, il aura fallu attendre leur dernière tournée mondiale en 2010 pour voir les minois du groupe sur scène.

   Associer à la création musicale une création visuelle et un univers graphique permet de créer une identité forte pour un groupe (avec tout ce que ça entraîne de stratégie marketing). C’est le cas de Gorillaz et de nombreux autres groupes, à l’instar de Louise Attaque, dont nous avons déjà étudié l’identité visuelle, recourent à ce stratagème. Néanmoins on est obligé de remarquer que Gorillaz a poussé plus loin le procédé en créant un groupe virtuel avec son propre univers, son histoire parallèle, ceci fonctionne d’autant mieux que le groupe a su utiliser différents supports (du livre au film 3D, au dessin animé…) pour rendre crédible l’illusion et donner vie à un groupe fictif.


Retour à La Une de Logo Paperblog