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Regards croisés: Jan Fabre (By Cécile, Christelle, Justine et Stefania)

Publié le 30 mars 2012 par Lifeproof @CcilLifeproof

63967802Jan Fabre, Skull (ferret), 2001. Crâne synthétique, coléoptères, animal empaillé


Cécile

Attraction/ répulsion : voilà deux petits mots qui, à mon sens, résument assez bien Jan Fabre. Il est un artiste protéiforme, un créateur touche à tout qui est aussi bien un artiste plasticien, un metteur en scène et un chorégraphe. J'ai lu certains de ses écrits, vu au moins une de ses pièces (Parrots and Guinea Pigs en 2002 dans lequel les hommes sont comme des cobayes étudiés par des animaux en peluche) et vu certaines de ses œuvres plastiques. Chaque partie de sa création m'a, à un moment donné ou l'autre, interpellée, séduite, questionnée et heurtée.

Intéressé par les insectes, Jan Fabre les utilise dans ces œuvres: de loin, les couleurs sont chatoyantes, séduisantes mais quand on s'approche, il s'agit d'une masse grouillante d'insectes, c'est leurs carapaces qui luisaient, il en recouvre des crânes, épées, croix, sphères, il leur fait une jolie armure, protectrice et « enfermante.»

Tout est duel dans ses œuvres et c'est ça qui m'interpelle à chaque fois, il ne laisse pas indifférent, il choque souvent et c'est ça qui me semble être une bonne chose : en nous heurtant, il nous questionne et nous fait réfléchir à ce que nous sommes, comment nous vivons, comment nous consommons, etc. Ce qu'il crée devient alors acte de combat contre les idées consensuelles, l'endormissement intellectuel de nos sociétés et nos non-remises en question. Que demander de plus ?

 

Je me vide fabre
Jan Fabre, Je me vide de moi-meme, installation, 2008

Christelle

J’ai d’abord connu Jan Fabre comme un vilain provocateur qui pisse sur son public (Avignon Je suis sang, «faux accouchement, vrai forceps» ne réduisons peut-être pas trop vite ces spectacles-performances…quoiqu’il en soit ce fut le premier écho de Jan Fabre qui parvint jusqu’à moi.

De sang, il en sera pourtant encore question dans l’exposition que lui a consacrée le Louvre en 2008. Dès l’entrée, un personnage de cire à l’effigie de Jan Fabre s’est fracassé le nez sur la vitre recouvrant le portrait de Philippe le Bon par Van Der Weyden. Le spectateur peut suivre du regard le trajet du sang qui forme une flaque au pied du pantin de cire. Je me souviens avoir attendu un long moment devant cette scène dans l’espoir enfantin de le voir bouger.

Plus loin se trouvait un gisant doré constitué de milliers de punaises assemblées, toutes pointes vers l’extérieur. Un message sans doute adressé aux spectateurs par l’artiste : «Admirez-moi mais ne m’approchez pas », l’égocentrisme de Jan Fabre n’aurait-il pas de limite? Nous le retrouvons ensuite dans ce même habit prophétique mais cette fois suspendu au-dessus de nos têtes. Jan Fabre nous guette.

Les autres œuvres sont d’une esthétique remarquable, ainsi ces somptueuses sculptures composées de scarabées brillants et ces nombreux pigeons en verre recouverts d’encre bien ironiquement placés sur une bordure prêts à lâcher leur fiente sur l’intrépide touriste.

Jan Fabre, à voir et à admirer mais jamais de trop près.

Plafond bruxelles fabre
"The heaven of delight", le plafond de la salle des glaces du Palais Royal de Bruxelles décoré par Jan Fabre

Justine
Jan Fabre, il est capable du meilleur comme du pire. Visite d'une exposition personnelle en 2009 à Dubrovnik qui ne m'a laissé presque aucun souvenir, rencontre très amusée à la Fiac de ses bustes de cire noire, autoportraits hilares affublés de bois de cerf, oreilles d'âne, cornes de watusi, d'antilope ou encore de bélier...
Magnificence du plafond de la salle des Glaces du Palais Royal de Bruxelles, inauguré en octobre 2002 par les souverains, qu'il a recouvert de 1,4 million de carapaces de scarabées, décadence de ses pièces de théâtre scatologiques et lourdingues, huées par Avignon ( l'Orgie de la Tolérance).
Pas un brin écologiste, responsable du génocide des scarabées, papillons et autres insectes aux beautés volées pour en orner ses œuvres (et Dieu sait qu'elles sont nombreuses).
A la fois provocateur et acteur du système qu'il dénonce, Jan Fabre incarne l'artiste de son temps, dans la lignée d'un Damien Hirst ou Jeff Koons. Un parfait modèle de réussite, en somme.

 

Jan Fabre, L'Oisillon de Dieu, 2000
Jan Fabre, l'oisillon de Dieu, crâne, ailes de coléoptères, perruche empaillée, collection particulière, 2000

Stefania

Ma première rencontre avec Jan Fabre se fait en 2003, pendant ma première visite du MAMAC à Nice (c’était ma première année de vie à l’étranger ! Voilà, tout avait le goût de l’exception !). Pour moi l’art contemporain signifiait jusqu’à ce moment le Surréalisme! Face aux sculptures et aux installations composées d’insectes bariolés, je n’ai pas ressenti, étrangement, de la répulsion (je n’aime pas du tout les insectes, ça va sans dire). Ça m’a, au contraire, étonnée de voir avec quelle minutie l’artiste avait composé ses formes, une à une, en utilisant les insectes comme on utilise souvent d’autres matériaux plus spécifiques à l'art.

Jan Fabre incarne, et je suis tout à fait d’accord avec Justine, le sens baroque de l’art contemporain. C’est l’accumulation, la richesse, l’étonnement du public, le symbolisme fort qui l’intéressent, loin des années lumières du minimalisme froid et intellectuel d’un certain art contemporain actuel. Dans ce sens, son exposition au Louvre, que j’ai visité des années après la première, était particulièrement réussie grâce surtout, j’oserai dire, au cadre. Ce qui montre qu’une exposition ne se résume pas qu’aux œuvres, mais qu’il faut prendre toujours en compte son contexte.

 

Fabre détail
Détail d'une installation de Jan Fabre


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