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Années vingt : "Contre le maquillage ?"

Publié le 30 mars 2012 par Cameline

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Dans les années 1920 pour certains, le maquillage est très proche du vice. Mensonge, dissimulation, malhonnêteté, impureté, duplicité, ruse, débauche … tels sont les mots adoptés par ces critiques véhéments des femmes qui osent se farder.

Remarquons toutefois que la levée de boucliers est essentiellement celle des hommes, craignant sans doute là une émancipation trop prononcée des femmes de leur entourage, épouses, filles, soeurs.

Le véritable sacrilège n'est-il pas que les femmes se montrent, se distinguent, décident de ce qu'elles font de leur corps ? Elles manquent à leur devoir de rester discrète, de se faire petite et invisible, dans l'ombre de l'homme et à l'attente de ses désirs et de ses besoins.

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« Charleston, shimmy, fox-trot, one-stop, tango, rumba, biguine, pasodoble, valse : avec ces danses importées d'Amérique la tradition de la danse contrôlée, désincarnée, impliquant une rigoureuse maîtrise de soi est battue en brèche … Il n'est pas rare de voir des jeunes femmes s'enivrer avec des cocktails à la mode, rire trop fort, sangloter en public, offrant un spectacle jugé obscène et scandaleux ». (…) Pour les antiféministes, « la corruption des moeurs est le résultat de l'égalité des sexes ». (1)

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« La question du maquillage cache un des plus grands problèmes sociaux de l'heure présente, parce qu'on sent confusément qu'elle est soeur de ces questions-frontières, qui séparent les générations et les classes : une jeune fille peut-elle fumer ? Une jeune fille peut-elle flirter, danser le fox-trott et porter les cheveux à la garçonne ? 

Je me permets d'affirmer aux jeunes filles, aux amantes et aux épouses, qu'elles ne doivent pas, qu'elles ne peuvent pas se farder … Au surplus, le lyrisme des orages et les crescendos de la fièvre transposent autrement nos visages !

Que la jeune femme se demande, devant sa glace, avec anxiété : « vais-je encore me maquiller ? » Ah ! Que la glace lui renvoie en cet instant une image d'elle, accablée, flétrie, pour qu'elle prenne peur de ce qu'elle est devenue … Le fard vulgarise l'expression, le fard fane les visages les plus juvéniles.

Il nous apparaît que le fard, ainsi d'ailleurs que la danse, les cigarettes d'Orient, les petites aventures et les séductions médiocres, est incompatible avec la Pureté … oui, la Pureté avec une majuscule …

Le maquillage, malgré les apparences, n'est pas encore entré dans nos moeurs. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder autour de soi : le père en interdit l'emploi à sa fille ; le mari souvent à son épouse. Le maquillage rencontre sur son passage les rires et les huées.

Les politiciennes en herbe crieront : liberté, émancipation de la femme … nous leur répondrons par cette phrase d'une femme, l'écrivain Marcelle Tinayre : « La femme, je la veux appuyée au bras de l'époux, penchée sur le berceau de l'enfant, agenouillée devant Dieu ».

Ce rêve-là, d'un foyer sain, d'un foyer pur, d'un mari confiant, d'une famille, c'est le rêve de la plupart des femmes. »(2)

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« Toutes les innovations, actuellement, ne sont point également délectables. Il est des erreurs aimables, des fautes parfumées qui n'en sont pas moins regrettables.

Je trouve que la coquetterie s'égare : elle quitte son mystère essentiel et s'affiche trop ouvertement. Un secret ouaté lui convenait si parfaitement et quelque duplicité aussi.

Le fin du fin, n'est-ce pas de surprendre, d'étonner, de conquérir, mais sans que rien ne laisse soupçonner l'artifice employé, la ruse choisie ? Or les femmes d'aujourd'hui ne dissimulent plus le savant et délicat travail de leur coquetterie. La coquetterie n'est plus secrète, elle s'étale, elle envahit et c'est ce qui est navrant – et maladroit.

Les femmes – on le dirait – s'efforcent de perdre leur grâce inquiète et leur mystère profond.

Rien ne nous est épargné de ces révélations : féminisme, camaraderie, cigarettes, sports virils, politique et spéculation, droit de vote et diplômes, autant de déchéances sentimentales.

L'idole descend de son autel. La statue choit de son piédestal. »(3)

Sans commentaire …

Sources :

(1)« Les Garçonnes, Modes et fantasmes des Années Folles, par Christine Bard, Ed. Flammarion, 1998

(2)Raymond Millet, dans « La Femme de France », 1926

(3)Pierre de Trévières, dans « La Femme de France », 1923

Images :

Image 1 et 3 : La Femme de France, 1923

Image 4 : Publicité Cellucotton - 1924


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