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(Le Tribunal Céleste) : une dépaysante comédie noire qui revisite le passage de la vie à la mort

Publié le 01 avril 2012 par Myteleisrich @myteleisrich


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Après l'Estonie dimanche dernier (avec la découverte de la très poignante Klass - Elu pärast), My Télé is Rich! met le cap encore un peu plus à l'Est, et franchit de nouvelles frontières, direction.... la Russie ! Avant aujourd'hui, l'image que j'avais des séries russes reposait principalement sur les descriptions pas forcément très attractives d'une de mes meilleures amies, russophone, qui a vécu plusieurs années en Russie et en Ukraine. Mais il y a quelques jours, sur Subfactory, un billet de Nao évoquait une comédie noire qui semblait des plus appropriées pour oublier mes préconceptions (et donc un grand merci à ce dernier). La curiosité piquée, les sous-titres français du pilote disponibles, c'est donc un nouveau pays que j'ai découvert ce week-end !

Небесный Суд (Nebesnyi Soud), qui peut se traduire en français par Le Tribunal Céleste, est une mini-série qui compte 4 épisodes de 45 minutes environ. Créée et réalisée par Alyona Zvantsova, elle a été diffusée durant le mois d'octobre 2011 en Ukraine, sur STB (et d'après imdb, dans le courant de l'été dernier en Russie). Série abordant des thèmes plutôt sombres avec une légèreté revendiquée, elle revisite la mort et ses suites, en prenant soin de créer une mythologie bien à elle, empruntant au legal drama comme au fantastique. Et je dois dire que ce pilote a été pour moi une jolie surprise.

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Lorsqu'un être humain meurt, son âme se dirige alors vers le Tribunal Céleste devant lequel elle va devoir comparaître. Composé d'un personnel de mortels ordinaires, qui ont été affectés après leur mort au fonctionnement de cette administration très particulière, c'est à cette institution qu'il appartient de juger l'âme du récent défunt, avant que ses funérailles n'aient été célébrées. Généralement, deux directions peuvent être prises : non pas ce que l'on désigne communément par le Paradis ou l'Enfer, mais ce qui s'appelle désormais le secteur du repos ou le secteur de la réflexion.

Pour prendre sa décision, le tribunal se prononce en étudiant quelle a été la dernière action de l'individu, laquelle est censée refléter la vie qu'il a menée. Un véritable "procès" a lieu, voyant s'affronter un procureur, qui va mettre l'accent sur les comportements moralement condamnables du défunt, tandis que ce dernier est représenté et défendu par un avocat. Pour les aider dans leurs tâches respectives, ces deux juristes d'un genre à  part ont accès aux souvenirs, et même aux rêves, de celui dont l'âme est placée dans la balance de la justice céleste. 

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Nebesnyi Soud se révèle être une comédie noire surprenante, qui va rapidement pleinement prendre la mesure de son étonnant concept de départ. Dotée d'une narration soutenue et sans temps mort, la série est rythmée par des dialogues ne manquant pas de réparties, où perce une pointe de désillusion teintée de détachement. Adoptant une tonalité plutôt légère pour traiter d'un sujet normalement grave, ce mélange provoque des passages vraiment réjouissants. De plus, la série marque également par le dépaysement occasionné. Faisant preuve d'une inventivité à saluer, elle séduit le téléspectateur par sa diffuse excentricité, par l'étrangeté rationalisée dans laquelle elle évolue. Elle dévoile en effet peu à peu un univers mythologique travaillé, autour de la mort - ou plus précisément, sur le point de passage vers l'au-delà. 

Faisant preuve d'un réel sens du détail, Nebesnyi Soud nous décrit le fonctionnement du Tribunal Céleste comme celui d'une véritable administration judiciaire classique, avec ses règles, mais aussi ses passe-droits. C'est tout un service ordonné, mais également très vivant, qui prend forme sous les yeux du téléspectateur. La série ne manque pas d'imagination pour crédibiliser ce milieu. C'est ainsi qu'on découvre avec curiosité les différents services qui s'y côtoient : il y a la salle de projection des souvenirs des âmes jugées, ou encore l'éventuel envoi d'un dernier message à un être cher proposé discrètement au défunt (... via un oiseau !). On a également un aperçu de toutes les procédures suivies pour mener à bien le "procès" : le possible emprunt d'une enveloppe corporelle par les avocats qui souhaitent se rendre sur le "terrain" (= dans le monde des vivants) pour enquêter de plus près sur certains évènements, ou bien la convocation de témoins encore en vie, comparaissant alors durant leur sommeil...

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Le premier épisode de Nebesnyi Soud se révèle donc très efficace pour familariser le téléspectateur avec les enjeux et les coulisses de ce Tribunal Céleste, mais aussi pour faire connaissance avec les deux protagonistes principaux ; deux duettistes judiciaires qui s'affrontent pour - à proprement parler - le salut de l'âme du défunt. Opportunément, pour justement pousser chacun dans ses retranchements, le cas du jour a une saveur particulière : l'homme qui comparaît venait en effet de faire sa demande en mariage à la veuve... du procureur. Autant dire que ce dernier prend plutôt mal la chose, et entreprend de ressortir tous les souvenirs les plus incriminants du décédé, voulant lui faire gagner un aller simple pour le si bien nommé "secteur de la réflexion". La série emprunte ici sa dynamique au legal drama, qu'elle transpose dans un cadre fantastique, pour aboutir à un affrontement qui ne manque pas de piquant (et de discussions surprenantes !).

De plus, si on en sait encore assez peu sur eux, les personnages trouvent vite leurs marques. Même s'ils s'opposent "professionnellement" à l'audience, les représentants de la défense et de l'accusation sont aussi des amis. Le téléspectateur s'attache en premier lieu à l'avocat : il séduit instantanément par son sens de la formule et de l'argumentation dans des causes même désespérées, comme l'illustre sa première plaidoirie où il tente tant bien que mal d'expliquer en quoi la dernière action de son client - avoir tué un chat - n'a pas la gravité qu'on lui prête. De son côté, le procureur s'humanise vers la fin de l'épisode, la convocation de sa femme comme témoin à la barre lui faisant perdre ce masque d'intransigeance qu'il a porté obstinément durant tout l'épisode. De manière générale, c'est tout le personnel du tribunal qui trouve sa place, la femme en charge des projections des souvenirs ou celui qui prête les enveloppes corporelles s'imposent en quelques scènes. Ainsi, non seulement la série crée un service administratif cohérent, mais elle n'oublie pas de soigner la caractérisation de ceux qui y officient.

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Sur la forme, Nebesnyi Soud se révèle aussi relativement bien maîtrisée. Si mon fichier video n'avait pas une qualité permettant de pleinement l'apprécier, la réalisation use d'effets simples mais efficaces pour transposer à l'écran cet univers : des filtres de couleurs permettent de distinguer le Tribunal Céleste du monde des vivants dans lequel on fait quelques incursions. La Terre garde ainsi ses couleurs naturelles, tandis que c'est une dominante bleue froide qui est utilisée pour les scènes de cet entre-deux judiciaire et un filtre beige pour les souvenirs qui sont projetés sur un écran, sorte d'images de vieux films, dans ce qui s'apparente à une salle de cinéma. Quant à la bande-son, la musique y est entraînante et rythmée, sans être omniprésente : elle accompagne bien l'ambiance générale à la fois légère et sombre dans laquelle s'épanouit la série.

Enfin, Nebesnyi Soud bénéficie d'un casting globalement solide, surtout du côté de ses acteurs principaux. Pour interpréter les deux juristes d'un genre très particulier qui s'affrontent à l'audience, on retrouve d'une part Mikhail Porechenkov, qui joue un procureur froid et méthodique - qu'il est cependant possible de déstabiliser lorsque sa femme, qu'il a laissée derrière lui, est évoquée -, et d'autre part  Konstantin Khabenskiy, qui fait des merveilles dans un registre d'avocat sophiste qui propose les interprétations les plus surprenantes pour défendre les actions de ses clients.

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Bilan : Comédie noire qui se réapproprie avec aplomb la thématique du passage de la vie à la mort, dotée d'une diffuse excentricité, Nebesnyi Soud mêle habilement une dynamique propre aux legal dramas et des éléments de fantastique grâce auxquels elle se construit rapidement une mythologie cohérente et travaillée. Dépaysante et inventive, sa tonalité légère et ses dialogues rythmés, souvent cocasses, la rendent très plaisante à suivre. Le téléspectateur se laisse ainsi prendre au jeu ; et le visionnage de ce pilote a été pour moi une très intéressante découverte. J'espère que les trois épisodes suivant seront également sous-titrés (notez bien qu'il s'agit de sous-titres français, donc n'hésitez pas à être curieux) !
NOTE : 7,5/10 


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