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Pour Sarkozy, la France silencieuse n'est pas à Florange

Publié le 03 avril 2012 par Juan
Pour Sarkozy, la France silencieuse n'est pas à Florange Mise en scène, le mot est lâché. Quand Nicolas Sarkozy fustige les syndicalistes de Florange, personne n'est dupe, pas même Reuters.
Lundi, le candidat sortant tenait meeting à Nancy, en Lorraine. Le matin même, il s'était confié au quotidien local Le Républicain Lorrain. Ses propos furent violents. Le président n'était plus rassembleur. La France silencieuse qu'il invoquait à longueur de journées ne passait par Florange.
Candidat des Riches
La photo, signée Alexandre Marchi, qui accompagnait l'interview le montrait assis dans un palais royal, à l'Elysée, avec moult babioles luxueuses sur son bureau en acajou: un petit éléphant en bois d'ébène avec cornes en ivoire, deux gros cigares, une boîte en argent, un stylo Montblanc. Quels symboles ! Le candidat du peuple s'adressait aux Lorrains !
Il rechignait toujours à parler de la crise.
Républicain Lorrain: « De nouveau, les thèmes régaliens occupent l’agenda de la campagne. Mais les Français veulent que l’on parle d’emploi, de pouvoir d’achat…»
Nicolas Sarkozy: « Excusez-moi ! Pendant une semaine, les médias n’ont parlé que de l’affaire de Toulouse et on me reproche d’avoir instrumentalisé ces événements ? Pour François Hollande, on aurait ainsi le droit d’évoquer des thèmes, et pas d’autres… Prenez l’immigration... »
Et il embraya sur l'immigration. Un journaliste insista, les Français semblaient quand même préférer qu'on leur parle emploi et pouvoir d'achat. Sarkozy dévia sur le déficit budgétaire « meilleur que prévu » (en oubliant la révision à la baisse des perspectives de croissance pour l'an prochain et le franchissement historique et symbolique du seuil des 1.700 milliards d'euros de dette publique).
Guerre aux syndicats
Un journaliste insista encore, et tendit la perche sur Florange, un exemple bien concret, bien local de la crise économique qui frappe le pays.
RL: « A Florange, la colère monte…»
NS: « Ne mélangeons pas les ouvriers, inquiets et pour qui j’ai obtenu 17 millions d’euros d’investissement, et les permanents de la CGT ou de la CFDT : 2 millions d’euros de travaux sur la phase liquide réalisés immédiatement – ces travaux ont démarré –, 7 pour la cokerie, 8 millions pour l’usine de fabrication de produits pour l’automobile. C’est de l’investissement pour Florange ! Et il est décidé. Si ces travaux n’avaient pas été engagés, c’était la certitude que les hauts fourneaux ne reprenaient pas. Quant aux permanents de la CFDT, ils trahissent la confiance des salariés. Ils sont venus m’insulter et essayer de casser mon siège de campagne. Ne confondons donc pas les salariés d’ArcelorMittal, que je ne laisserai pas tomber, et des syndicalistes qui trompent leurs adhérents en faisant de la politique au lieu de défendre l’intérêt des salariés. »
Vous avez bien lu les propos de cet entretien écrit et relu: les « permanents de la CFDT (...) sont venus m’insulter et essayer de casser mon siège de campagne.  » Quelques heures plus tard, Emmanuel Jary de l'agence Reuters pouvait titrer sa dépêche: « Sarkozy met en scène un divorce électoral avec les syndicats ». Où était l'éthique ?
Pour masquer son échec, le candidat du peuple préférait l'outrance et le mensonge. Car il mentit doublement:
(1) Non, la décision d'investir 17 millions d'euros dans la fonderie de Florange par ArcelorMittal n'est pas ferme. C'est le groupe sidérurgiste lui-même qui a prévenu que cela dépendrait de la situation économique dans 6 mois.
(2) Non, les représentants de Florange n'étaient pas venu « casser le QG de campagne » de Sarkozy à Paris. Le candidat sortant n'avait aucune preuve de ce qu'il avançait. Il y a 4 jours, 10 jeunes du collectif Génération Précaire qui venaient remettre un rapport au même QG connurent la même déconvenue: 7 camionnettes de CRS en guise de comité d'accueil.
Néo-libéral ?
Et pour le reste, Nicolas Sarkozy avait-il quelque chose de nouveau à proposer pour la réindustrialisation ? Non, il rappela sa baisse promise des cotisations familiales en échange d’une augmentation de la TVA de 1,6 point, sa promesse d'accords compétitivité-emploi qui « rendront la liberté aux salariés et aux chefs d’entreprise pour parler aménagement du temps de travail, salaires, et emploi » et... c'était tout. La même antienne depuis des mois.
Au passage, il livra une énormité. Au journaliste qui rappelait que notre modèle social avait « amorti le choc de la crise », Sarkozy répondit: « Non, ce qui a amorti le choc, c’est la réforme des retraites de 2010 – elle rapporte 5 milliards dès cette année, 16 milliards en 2016 – et le choix fait de travailler plus longtemps plutôt que d’augmenter les impôts .» A notre connaissance, c'était la première fois qu'il niait dans ces termes le rôle d'amortisseur au système français.
Même les économistes les plus libéraux le reconnaissent: retraites, rémunérations de la fonction publique, indemnités chômage et allocations diverses ont été autant de revenus protégés au pire moment de la crise qui ont permis à l'économie français de compter toujours sur un minimum de consommation intérieure. Nicolas Sarkozy lui-même le reconnaissait jusqu'à maintenant, comme le rappela Thomas Bronnec de l'Express. La réforme des retraites de Nicolas Sarkozy n'a servi absolument à rien pour passer le cap 2008-2010.
Meeting étouffant
En fin d'après midi, à Nancy et devant 4.500 militants et autant de drapeaux, le candidat sortant sortit l'artillerie lourde. Toujours pas d'annonces, mais encore les mêmes attaques contre la prétendue « duplicité » de François Hollande accusé d'être responsable de la rémunération du PDG de Publicis. Il accusa Aurélie Filippetti, la député socialiste de Moselle, d'être bavarde (« Je vois que Madame Filippetti est bien bavarde quand il s'agit de parler de moi. Mais qu'est-ce qu'elle a fait pour convaincre les actionnaires ? Qu'est-ce qu'elle a fait pour amener de nouveaux emplois ? »).
On croyait rêver.
Il enfonça quelques portes ouvertes. Comme sur l'Education, où il se lamenta: « aucun enfant ne doit sortir du primaire sans maîtriser les fondamentaux.» Pour la jeunesse, il ne voulait évidemment pas de « l'assistanat ». 
Il joua au caïd, l'air de défier ses adversaires en duel: « Dans mon identité, le mot renoncement n'existe pas. Mon devoir c'est d'y mettre les tripes, mon dynamisme, mon énergie».
Il loua aussi la « France éternelle » qui avait « sauvé Benghazi » et « libéré la Côte d'Ivoire ». Le président de Françafrique lança, dans le même paragraphe qu'il fallait « être fier de l'armée française » et « de la culture française ».
Pour conclure, il s'étrangla presque dans son traditionnel appel à l'aide: « j'ai besoin de votre amitié. J'ai besoin de votre amour pour la France.» C'était pompeux.
« Grâce à vous, nous sommes en train de donner un visage à la France silencieuse ! ».
Comme toujours, après une brève Marseillaise, il traversa la petite foule sous les drapeaux et les vivats, avant de rejoindre son jet.
Il fallait retourner à Paris.


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