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Lambeaux de Charles JULIET

Par Lecturissime

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♥ ♥ ♥

« Et tu sais qu’en dépit des souffrances, des déceptions et des drames qu’elle charrie, tu sais maintenant de toutes les fibres de ton corps combien passionnante est la vie. » (p. 155)

L’auteur :

Charles Juliet est né en 1934 à Jujurieux (Ain). À trois mois, il est placé dans une famille de paysans suisses qu’il ne quittera plus. À douze ans, il entre dans une école militaire dont il ressortira à vingt, pour être admis à l’École de Santé Militaire de Lyon. Trois ans plus tard, il abandonne ses études pour se consacrer à l’écriture. Il travaille quinze ans dans la solitude avant de voir paraître son premier livre (Fragments préfacé par Georges Haldas). Il vit à Lyon.
Une nouvelle édition en format poche de L'Autre faim aux éditions POL est prévue pour décembre 2011.
En janvier 2012 paraîtra Hadewijch d'Anvers, une femme ardente, dans la collection " Sagesses " de Points.
Charles Juliet prépare pour les éditions P.O.L une anthologie de ses poèmes et le prochain tome de son Journal.

L’histoire :

Lambeaux est un récit autobiographique dans lequel Charles Juliet évoque sa mère qu’il n’a pas connue – morte de faim après huit ans d’enfermement abusif en hôpital psychiatrique – et le rôle que, malgré cette absence, ou à cause de cette absence, elle a joué dans sa vie d’homme et dans sa formation d’écrivain.
Dans un second temps, il nous relate son parcours : la famille adoptive, l’enfance paysanne, l’école d’enfants de troupe, puis les premières tentatives d’écriture, lesquelles vont progressivement déboucher sur une toute autre aventure : celle de la quête de soi. Une descente aux enfers sera le prix à payer pour qu’un jour puisse éclore la joie grave et libératrice de la seconde naissance.
Dans cette démarche obstinée il trouve la force de se mesurer à sa mémoire pour en arracher les moments les plus enfouis, les plus secrets, et les plus vifs. L’auteur devient son propre historien et nous livre un texte « pour finir encore ». (Présentation de l’éditeur)

Ce que j’ai aimé :

Charles Juliet nous offre le portrait émouvant d’une mère idéaliste exceptionnelle aux aspirations quasi philosophiques et qui ne peut pas se contenter d’une vie commune banale. Elle se trouve dans l’incapacité d’exprimer son mal-être et sombrera peu à peu, enfermée en elle-même.

« Toujours en toi cette nostalgie de tu ne sais quoi, ce besoin incoercible d’une vie dégagée de toute entrave une vie libre et riche, vaste, intense, une vie où ne règneraient que bonté, compréhension et lumière. » (p. 72)

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« T’enfuir… marcher sans fin sur les routes… aller là où tout pourrait recommencer…là où tu ne connaîtrais plus ni la peur ni l’angoisse ni la honte… là où les humains vivraient dans la concorde, n’auraient pour leurs semblables que respect, attention, bonté… là où peut-être le temps ni la mort n’existeraient plus… là où la vie ne serait que joie, bonheur, félicité… Mais ces rêves et ces divagations sont de courte durée, car la réalité est là, que tu ne saurais oublier. Alors une lourde mélancolie s’empare de toi. Ce que tu ressens et penses est comme amorti, la vie ne te traverse plus, semble s’écouler ailleurs, et il n’est rien qui puisse te tirer de ta désespérance.» (p. 76)

« Heures merveilleuses des voyages immobiles ! Tu lisais un poème, méditais en contemplant la reproduction d’une toile, dialoguais avec un philosophe de l’Antiquité, et le temps ainsi que tout ce qui t’enténébrait se trouvaient instantanément abolis. Tu rencontrais là ce qui en toi reposait encore dans des limbes, et tu vivais des heures exaltées à sentir que tu t’approchais de la source. Ces hommes et ces femmes dont les œuvres t’ont aidé à te mettre en ordre, dénuder ton centre, glisser parfois à la rencontre de l’impérissable, de quel profond amour tu les as aimés. » ( p. 148)

Il ne s’agit pas ici d’établir une véritable biographie, mais plus d’évoquer des états de conscience, de peindre la vie intérieure dense de ces femmes. Les lambeaux de pensée s’ajoutent les uns aux autres pour faire revivre ces mères essentielles. L’écriture permet d’approcher au plus près la magie de l’enfantement.

« En écrivant, se délivrer de ses entraves, et par là même, aider autrui à s’en délivrer. Parler à l’âme de certains. Consoler cet orphelin que les non-aimés, les mal-aimés, les trop-aimés portent en eux. Et en cherchant à apaiser sa détresse, peut-être adoucir d’autres détresses, d’autres solitudes. » (p. 124)

Ce que j’ai moins aimé :

-   Rien

Premières phrases :

« Tes yeux. Immenses. Ton regard doux et patient où brûle ce feu qui te consume. Où sans relâche la nuit meurtrit la lumière. Dans l’âtre, le feu qui ronfle, et toi, appuyée de l’épaule contre le manteau de la cheminée. »

Un très bel hommage rendu à ces mères dévouées et au pouvoir rédempteur de l'écriture...

Vous aimerez aussi :

Le livre de ma mère de Albert COHEN

 
 

POCHE : Lambeaux, Charles Juliet, Folio, avril 1997, 5.95 euros


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