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Latour ôte le pain de la bouche du négoce

Publié le 18 avril 2012 par Alexandrevatus

Membre du très restreint club des premiers grands crus classés, Château Latour vient d’annoncer que ses précieux flacons ne seront plus commercialisés en primeurs à partir du millésime 2012.

Les primeurs un système gagnant-gagnant

C’est dans un courrier adressé aux négociants de la place de Bordeaux que Frédéric  Engerer, l’emblématique directeur de Château Latour fait part de sa volonté d’abandonner le système des primeurs à partir du millésime 2012. Dans sa missive  Frédéric Engerer  précise vouloir mettre les vins de Latour sur le marché au moment où les équipes  du Château estimeront qu’ils sont prêts à boire.

Bien que Frédéric Engerer  menace depuis longtemps de commercialiser ses vins hors du circuit des primeurs, la nouvelle met en émoi le microcosme Bordelais.  Initialement mis en place pour permettre aux vignerons Bordelais de bénéficier d’une avance de trésorerie, le système a longtemps contenté tout le monde des châteaux aux clients en passant par le négoce.  Le client se prémunissait contre les hausses de tarif, le château vendait à l’avance sa production et était diffusé par une armée de commerciaux tandis que le négoce engrangeait les ventes.

Alors pourquoi Latour arrête les primeurs ?

A l’exception du consommateur Européen,  la spectaculaire envolée des cours de ces dernières années, a bénéficié à l’ensemble de la filière.  Néanmoins, bien que les plus grands châteaux soient déjà des machines à cash, une importante partie de la marge leur échappent.  Ainsi, sur le millésime 2002 un flacon de Latour s’est apprécié à ce jour de plus de 500%, un 2007 de 100% et le 2004 de 380%.  Le Château ayant vendu depuis belle lurette la majorité de son stock sur ces millésimes ce n’est pas son propriétaire qui engrange la majorité des bénéfices.

Afin de capter une part plus importante de cette manne, les grands châteaux ont profité des mythiques millésimes 2009 et 2010 pour augmenter très sensiblement  leurs prix. Malgré cela, la spéculation a continué de plus belle notamment sur le millésime 2009.

En vendant sa production plusieurs années après la récolte et non deux ans à l’avance, Latour se taille donc la part du lion. Appartenant à la famille Pinault et fort d’une image exceptionnelle, Latour fait donc le pari de gérer lui-même sa distribution mais aussi sa communication. Cela fait longtemps que les plus grandes étiquettes Bordelaises se positionnent comme des marques de luxe. La décision de Château Latour constitue l’aboutissement de cette stratégie.

La fin de la spéculation et des primeurs ?

Pour le moment, seul Château Latour a décidé de franchir le rubicon. Pourtant d’autres grandes étiquettes pourraient prochainement adopter une démarche similaire. Cheval Blanc et bien d’autres bénéficient aujourd’hui de vastes cathédrales dédiées au stockage et à l’élevage de leurs poulains. En outre sur ces dernières années on observe une baisse sensible des volumes mis en vente en primeurs. Tout semble donc se mettre en place pour que d’autres domaines rejoignent Latour.

Pourtant,  peu de propriétés jouissent de l’aisance financière d’un Latour. En outre, très peu sont également en mesure de se fâcher avec le négoce qui reste une merveilleuse machine de vente et de promotion des grands vins de Bordeaux. Assurément très peu de propriétés sont capables de se passer du négoce et d’engager de colossaux budgets pour promouvoir leurs vins. Les primeurs ont donc encore de beaux jours devant eux pour peu que la stratégie de Latour de concerne qu’une dizaine de marques. Si l’ensemble des grandes marques Bordelaises (environ 50 châteaux) venaient à quitter  le navire, les primeurs n’auraient plus d’intérêt.

Enfin, il est sans doute illusoire de considérer que la position de Latour va couper court à la spéculation et à la hausse de ses tarifs.  Originale à Bordeaux, cette stratégie n’est pas pour autant un cas isolé. C’est le cas de Vega Sicilia qui bien que ne vendant pas ses vins en primeurs voit ses tarifs de sortie progresser et  ceux de ses anciens millésimes s’envoler. Fort de sa force de frappe financière, Latour prend donc le virage de la marque de luxe mondiale. Forte demande mondiale et spéculation vont à coup sûr continuer de rendre ces flacons inabordables.


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