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Réflexions bipolaires (3) : 3 raisons de ne voter ni Hollande ni Sarkozy

Publié le 19 avril 2012 par Sylvainrakotoarison

Si on laissait faire les sondages, Nicolas Sarkozy et François Hollande seraient qualifiés pour le second tour et François Hollande serait élu au second tour avant même que les électeurs ne se soient prononcés. Troisième partie.
yartiNiNi01C’était l’objet de ces réflexions bipolaires : en prenant les sondages au mot et en essayant de jouer au jeu du pour et du contre, il n’y a rien de vraiment concluant. D’ailleurs, ce n’est pas vraiment étonnant. Troisième étape de mon raisonnement, voici en effet trois raisons qui me feraient ne voter ni pour François Hollande ni pour Nicolas Sarkozy.
1. Les deux candidats sont de la même farine.
Les deux candidats favoris ont pris pendant cette campagne pour même modèle François Mitterrand, qui n’est pas un exemple de sincérité et d’honnêteté dans l’histoire politique française ; l’un en mimant sa campagne de 1981 (même intonation de voix, même construction d’une pseudo-légende etc.) ; l’autre en mimant sa campagne de 1988 (même type d’affiche électorale de profil, même lettre aux Français etc.).
Leur objectif est le même : non seulement les deux favoris veulent le pouvoir, le garder ou le conquérir, mais ils le veulent aussi pour leur clan et les enjeux sont importants. Ils déploient des moyens extraordinaires, en communication, en meetings (jusqu’à jouer dans un combat de coqs entre Concorde et Vincennes) qui augurent mal d’une politique raisonnable de réduction des dépenses publiques (le déficit a été revu à la hausse pour 2013 : 3,9% au lieu de 3,0% ce qui fait que le retour à l’équilibre aura au moins un an de retard).
Si le candidat socialiste a cherché à se différencier de son concurrent en parlant de "candidat normal", il est clair que ce n’est qu’une devanture du même milieu, celui où la réussite matérielle est l’essence de la motivation. Inutile d’insister sur le candidat sortant, mais le Fouquet’s ou le yacht au large de Malte ne sont pas plus critiquables que les salades à plus de cent euros dans d’autres restaurants chic ou les Porsche d’amis proches.
Ce duel n’est qu’une rivalité de copinages. Et le mouvement de soutien de quelques personnalités depuis quelques semaines en faveur du candidat favori (Corinne Lepage, Martin Hirsch, Azouz Begag, Fadela Amara etc.) n’est que le résultat d’une recherche classique pour bien se placer et bénéficier du changement. Je conseille d’ailleurs à Hervé Morin d’emboîter le pas…
L’endettement excessif de la France n’est pas anodin : il est le résultat de trente années de clientélisme à droite comme à gauche, et il est très facile de décider de dépenses lorsque l’argent sort de l’État, donc, de la poche des contribuables et des banquiers.
Si dans cette campagne, les vrais sujets comme l'emploi ou les retraites n’ont pas été abordés, c’est avant tout à cause de ces deux candidats bling-bling qui n’ont joué que sur des postures.
2. Les deux grands partis (UMP et PS) sont soumis à leur extrême.
C’est le jeu mécanique de l’élection présidentielle qui veut qu’au premier tour, les candidats des deux grands partis accentuent leurs positions dures, centrifuges, et cela surtout quand d’autres candidats les concurrencent efficacement sur leurs bords extrêmes, que ce soit avec Marine Le Pen à droite ou Jean-Luc Mélenchon à gauche.
Alors que les deux candidats favoris sont issus de courants politiques plutôt modérés (Martine Aubry avait même reproché à François Hollande de représenter la "gauche molle"), cela a donné d’un côté, des propositions de référendum pour stigmatiser les immigrés ou les chômeurs, et de l’autre côté, l’imposition confiscatoire à 75%, des mesures complètement loufoques qui n’auraient jamais été annoncées sans l’existence de près de 30% d’intentions de vote extrêmes.
En clair, les deux candidats favoris ne sont pas libres de faire la politique qu’ils souhaiteraient sincèrement mener car leur volonté de gagner les élections (présidentielle et législatives) les contraint à se désaxer par pure démagogie électorale.
Il serait temps, au contraire, que les électeurs priment un candidat ou une candidate qui expose en toute liberté son analyse de la situation actuelle ainsi que les solutions qu’il ou elle entend apporter modestement.
3. Éclatement des deux grands partis gouvernementaux.
En n’élisant ni Nicolas Sarkozy ni François Hollande, les électeurs amorceraient une double recomposition du paysage politique français, ce qui serait très sain pour notre démocratie. Je l’ai déjà indiqué dans les deux précédents articles mais je réinsiste ici.
L’UMP n’est qu’un syndicat de droite pour assurer la victoire. S’elle échoue, elle n’a plus de raison d’être puisqu’elle regroupe des personnalités qui n’ont visiblement pas les mêmes valeurs : entre un Claude Guéant ou un Patrick Buisson qui n’hésitent pas souffler sur les braises d’une certaine xénophobie rampante, et un Pierre Méhaignerie qui avait hésité à faire le pas de l’ouverture rocardienne ou une Nathalie Kosciusko-Morizet qui ne cesse de militer farouchement contre les idées du FN, il y a un fossé idéologique étonnamment large.
Le PS, lui, regroupe des sensibilités socialistes avec comme seul point commun la capacité de gérer des collectivités locales, car il faut bien dire, et la primaire socialiste l’a bien montré, qu’y a-t-il de commun entre un Manuel Valls et un Arnaud Montebourg, par exemple ? Ou entre un Pierre Moscovici et un Benoît Hamon ? Pourtant, ils sont tous dans le même parti, comptent bien y rester pour éventuellement atteindre les commandes (la lutte est d’ailleurs déjà bien engagée, avec Harlem Désir et Jean-Christophe Cambadélis dans les favoris). Il est curieux que sur la construction européenne ou sur la conception même de l’économie (doit-elle être ouverte ou repliée sur elle-même ?), le PS n’a toujours pas fait son congrès de clarification définitive et ce ne serait certainement pas avec François Hollande à l’Élysée, habile manœuvrier interne pendant onze ans, que le flou serait dissipé, au contraire.
Trois raisons
L’échec des deux candidats de l’UMP et du PS remettrait en cause cette bipolarité pas forcément voulue par De Gaulle mais plutôt par François Mitterrand en 1971 (avec l’union de la gauche, rejetant les centristes de la gauche) et Jacques Chirac en 2002 (avec l’UMP, phagocytant du coup les centristes à droite).
C’est donc une réelle chance que depuis dix ans, un homme a eu le courage d’éviter la disparition totale de cette force centrale, d’autant plus qu’il jouit, par son indépendance politique et intellectuelle, d’une entière liberté de positionnement, loin des hypocrisies claniques. Ce sera mon dernier article sur mes réflexions bipolaires.
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Sylvain Rakotoarison (19 avril 2012)


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