Où le Béarn retrouve sa place de faiseur de roy.

Monsieur le futur président, je vous écris une lettre, que vous lirais sans doute, car vous avez besoin de moi. Je viens de recevoir une nouvelle défaite, mais dans cette élection je suis faiseur de roi.

Blague et emprunt inégal à Boris Vian à part, François Bayrou a transmis aujourd'hui sa lettre aux deux candidats restants en liste. En cette période, où la vie politique s'inscrit en fil continu, le leader du Modem choisi la transparence. En sus des deux candidats, cette lettre s'affiche sur son site Internet, donc est visible de tous. Une première sans doute que cet appel d'un candidat défait dont le choix peut peser sur le destin de la France. Une manière également de prendre la France à témoin.

Vous avez un message de François

Que dis en substance cette lettre? Un appel à une moralisation de la vie publique, un appel à la réduction des déficit, mais aussi à envisager un renouveau des structures de production. En substance, sans surprises, cette lettre résume la campagne de François Bayrou, elle est même son programme simplifié. Appliquez mon programme et je vous soutiendrez, belle façon d'offrir ses services quand on ne récolte même pas 10% des voix... Il semblerait retrouver dans cela l'ombre de la IVe République, où les remaniements successifs donnaient plus que de raison les rênes de l'état aux partis centristes et radicaux divers.Bayrou, sur de sa propre importance, avance ses pions. Intéressé par le destin de la France sûrement. Intéressé par son propre avenir également. Il place aussi dans son message des points d'achoppements décisifs, sur l'adoption nécessaire de la règle d'or, où le refus des stigmates adossés à l'immigration.En substance, François Bayrou est plus proche de François Hollande, dont il partage une vision humaniste. Mais, le refus légitime de ce dernier de se laisser enfermer dans une règle d'or budgétaire, vouée à rendre caduc l'action de l'état, peut présenter une frontière infranchissable. De surcroît, pas non plus d'honneurs à attendre d'une union vers la gauche dont il ne serait que le dernier maillon d'un rassemblement.De l'autre, en revanche... Le rappel au président sortant sur les accointances frontistes d'aujourd'hui constitue t'il une fin de non-recevoir, où les contours d'un négociation à venir? A priori, il évoque une barrière franche. Hors, il est plus aisé pour un Nicolas Sarkozy d'accepter des concessions au Modem, dont les visées budgétaires peuvent s'harmoniser avec l'UMP. Au surplus, les membres du parti majoritaire ont depuis longtemps multipliés les appels à la raison, rappelant l'appartenance du centriste à la grande famille de droite, de plus en plus large au demeurant.Reste donc la thématique sécuritaire. Sur ce domaine, Nicolas Sarkozy peut désormais lisser cet aspect sans risque de s'aliéner son électorat extrême. A si peu de temps du second tour, l'image de Nicolas Sarkozy est suffisamment figée qu'il peut faire des concessions à son centre, quand la gauche s'aliène durablement une partie de cet électorat soucieux des questions d'immigration et de sécurité. Moindre coût pour un gain potentiel important...Que peut offrir l'UMP à Bayou? Matignon semble peu probable avec le score du FN actuel, mais un ministère d'Etat et un groupe parlementaire ad minima. Ce que ne peut décemment offrir le PS, déjà lié avec ses traditionnels alliés, qui représentent son plus important vivier.

Bayrou ne lésine pas

pour le Made in France
François Bayrou est à l'heure du choix, entre la raison et le coeur, entre l'opportunisme et l'étique. L'étique serait de refuser une alliance contre nature avec les composantes de droite, bien qu'en adéquation avec ses visées économiques. Au crépuscule possible de sa carrière, la voix qui mène à l'UMP peut lui offrir bien plus, quitte à recouvrir d'un voile d'échec son indépendance, et se placer en alternative au pouvoir UMP dans 5 ans, qui pourrait être tiraillé sur la conduite à tenir avec Marine le Pen, François Bayrou offrant la voix de la raison pour le pays.Entre le coeur et la raison, l'intégrité de François Bayrou est à l'épreuve désormais. Sa lettre envoyée aux candidats et aux français lui fait abattre ses cartes. Encensé pour sa transparence, sa démarche ne doit pas nous laisser dupe, et nous faire oublier que sous des habits de professeur, le dirigeant du Modem vise le pouvoir. Pour mémoire, dans ses soutiens, Philippe Douste-Blazy ne rechigna pas à la basse politique lorsqu'il conquit la mairie de Toulouse...