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Internet et le marché de la solitude

Par Yanolas

Ce que l’homme cherche ans son travail et la vie en société c’est d’abord un lien, c’est-à-dire quelqu’un à qui parler. D’où la revendication des jeunes agriculteurs : « On a moins d’hectares que de voisins ! » Le grand marché de demain sera celui de la solitude. Le nombre de ménages comptant une seule personne est passé de 4.8 à 7.1 millions entre les deux recensements de 1982 et 1999. Si la retraite est encore aisée, la vieillesse est déjà solitaire. D’après l’INSEE, les trois quarts des plus de 60 ans déclarent n’avoir aucune activité sociale (club, associations) ; les deux tiers ne passent jamais de séjours en famille ou chez des amis ; et une personne sur deux de plus de 60 ans se déclare isolée ou très isolée. C’est le grand paradoxe des sociétés modernes : grâce aux technologies de l’information chacun se sent plus ouvert à tous, branché sur le monde entier, mais n’a plus de prochain à qui s’adresser. Il en va souvent ainsi dans les conférences : lors des pauses, nombreux sont ceux qui s’isolent avec leur téléphone mobile pour bavarder avec ceux qui ne sont pas là au lieux d’échanger avec ceux qui sont présents ! Et certains payent fort cher pour qu’un psychanalyste les écoute ! D’autres se ventent de passer plusieurs heures par jour à papoter avec le reste de la planète via Internet, alors même qu’ils sont souvent incapables de reconnaître leur voisin de palier. Le principal avantage des cybercafés est bien de permettre à ces assoiffés de communication de parler entre eux et plus seulement à un écran. On peut obtenir le même effet en promenant son chien ! D’ailleurs, sur ce plan, la comparaison des chiffres est parlante : il y a en France près de la moitié des ménages branchés sur Internet soit autant que de possesseurs d’animal familier. La solitude interactive des ordinateurs ne remplace pas le besoin d’éponges affectives symbolisées par les huit millions de chiens et les huit millions de chats de l’Hexagone ! Bref, je continue à voir aussi dans la Toile une poubelle informationnelle. On trouve beaucoup de choses et même de tout dans une poubelle, ce n’est pas une raison suffisante pour passer son temps à les fouiller. Certes, le courrier électronique représente aussi un fantastique progrès quand il permet d’entretenir la communication malgré la distance. Mais tout ce qui est technologiquement possible n’est pas nécessairement économiquement rentable (attention aux éventuels Concorde informationnels), ni socialement souhaitable. Prenons à témoin le travail à distance et à domicile. Il est peu probable qu’il se développe au point de faire disparaître une bonne partie du travail de bureau. Plusieurs facteurs militent contre cette hypothèse maximaliste : d’une part l’actuelle physionomie du parc des logements urbains, leur exiguïté, leur inconfort et la médiocrité de leur environnement rendent peu vraisemblable leur occupation pendant des journées entières ; d’autre part, il faut bien considérer que le travail représente une socialisation et répond à un besoin de lien social qui est, de moins en moins, satisfait par ailleurs. Il n’y a pas de réponse technique ou économique à des problèmes qui sont d’une autre nature. Les grandes questions de demains seront d’abord liées aux fractures sociales et au vide spirituel d’une société où le tout économique ne suffit pas à donner un sens à la vie.

Michel GODET

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