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Cavalleria rusticana et paillasse

Publié le 30 avril 2012 par Popov

CAVALLERIA RUSTICANA ET PAILLASSE

"Cav et Pag" (diminutif de Cavalleria rusticana et Pagliacci) deux œuvres du mouvement "vériste" italien sont au bel Canto ce que John le Carré est à l'espionnage ou Super Mario au jeu video. Deux classiques incontournables repris à Bastille sous la baguette d'un spécialiste du genre, le chef d'orchestre Daniel Oren.

"Cav et Pag" sont sur un bateau et la nave va... soulevant des vagues d'émotion, des vapeurs de film italien de la grande époque. D'ailleurs le metteur en scène n'a pas mégoté sur les connotations: portrait géants d'Anita Ekberg faisant trempette dans la fontaine de Trevi, en trois exemplaires comme pour signifier les trois couleurs du drapeau de la péninsule. Atmosphère La Strada pour sa sœur jumelle "Paillasse" mâtinée de ballet russe (pour les costumes et Galouzine en Canio). Ne manque que l'odeur des pizzas. Précaution inutile d'ailleurs: dès la première note de Cavalleria, dès le toast de Turriddù, la voix très aboutie du ténor Marcello Giordani charme l'amateur de "Bel Canto".

Giancarlo di Monaco, fils du ténor du même nom a situé l'action non sur la place de l'Eglise du village, mais sur la pente blanche d'une carrière (de marbre ou de craie) qui y mène sans doute pour faire un beau noir et blanc sicilien. De fait, les hommes en noir qui la gravissent ressemblent à des fourmis qui, quand elles arrivent au sommet s'agglutinent mieux que dans une termitière. L'effet entrave tous les mouvements -et dès le début oblige la soprano Violetta Urmana (Santuzza idéale en périodes pascale) a quelques contorsions et affaissements récurrents sur le blocs blanchâtres pour tout jeu de scène.

Ces métonymies et ce statisme forcé par les circonstances ne nuisent pas trop à la musique et c'est sans doute cela l'important. La direction musicale de Daniel Oren est riche et ressentie dans ses fibres intimes (on sent le passionné). On se souvient alors que cette musique a été entendue aussi dans des films plus récents comme le parrain III, on se souvient du cri "gelé" de Pacino apprenant la mort de sa fille et on se dit qu'on a eu de la chance de ne pas en avoir trace dans la mise en scène spaghetti de Monsieur di Monaco qui contrairement au vérisme ne souhaite apparemment pas vouloir ancrer les sujets de l'opéra dans la réalité sociale de l'Italie du 19e pas plus que dans celle d'aujourd'hui.

Même le programme de Bastille s'ingénie à nous projeter dans l'univers cinématographique étranger à l'œuvre en reproduisant le tableau célèbre de Da Volpedo, le quatrième état qui fut en son temps l'affiche de 1900 de Bertollucci.

Même le programme contraste avec le mouvement si social du vérisme. L'affiche de 1900 laissant la place à quelque publicité pour un parfum de luxe, une montre qui n'est guère souci de pauvres, une autre de la voiture idéale pour se rendre à l'Opéra et même une banque qui fait "son entrée sur la scène musicale". Pas de quoi réconcilier l'Opéra avec sa réputation de loisir de riches. Mais foin de mauvais esprit. Les œuvres de Mascagni et Leoncavallo sont magnifiquement exécutées avec de grands chanteurs qui donnent sans doute le meilleur du genre (l'immense Vladimir Galouzine entendu récemment dans la Dame de Pique de Lev Dodin) ou Giordani pour Cavalliera mais aussi la superbe remplaçante d'Inva Mula, Brigitta Kela qui apporte au rôle par son interprétation une vraie densité théâtrale.


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