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Boulimie et autres troubles du comportement alimentaire (TCA) en 5 questions-réponses

Publié le 05 mai 2012 par Frédéric Duval-Levesque

Quelle définition vous pourriez donner à la boulimie ?

Catherine Hervais : Je crois qu’on peut voir la boulimie comme un réflexe de survie.

Elle est habituellement regardée comme trouble du comportement alimentaire (TCA), mais j’observe dans ma pratique que ce TCA traduit en réalité un trouble de l’identité : même quand on réussit très bien sa vie sociale, on a peur du regard de l’autre, on ne sait pas qui on est, on a toujours peur de déplaire, on se sent vide, un vide qui fait mal, qui prend toute la place et qui ne s’apaise que lorsqu’on mange. La boulimie est donc la réponse (même si ce n’est pas la meilleure) à une angoisse profonde, elle-même reliée à un trouble de l’identité.

La boulimie est-elle une maladie typiquement féminine ?

C. H. : Non, il y a aussi des hommes boulimiques mais ils sont moins nombreux que les femmes. Selon une étude du Journal Britannique de Psychiatrie qui date de 2005 il y aurait 18 femmes pour un homme. Chez l’homme la boulimie se vit exactement comme chez la femme (certains se font vomir, d’autres pas), avec le même sentiment de ne pas être à la hauteur, la même peur de déplaire, le même vide, la même souffrance au quotidien.

Quels sont en général, les grands déclencheurs de cette maladie ?

C. H. : Généralement la boulimie commence à se manifester vers l’adolescence, au moment où l’on a besoin d’exister par soi-même et non plus à travers l’image de ses parents. Comme on se sent vide, on a peur de ne pas être à la hauteur et cela se focalise par le besoin de plaire, et notamment par le besoin de plaire avec son corps (d’où les préoccupations de silhouette : il faut ressembler aux plus beaux de ce monde, aux top-modèles notamment, sinon on déprime). La boulimie peut également se déclencher plus tard, lorsqu’on se retrouve dans une situation de solitude, par exemple lorsqu’on quitte le foyer des parents pour s’installer dans un lieu à soi, ou bien après un divorce, après la perte d’un être cher (même à 50-60 ans), c’est-à-dire lors d’une situation où il y a nécessité d’affirmer son identité en tant que personne autonome. Cela dit on voit également des enfants boulimiques de très jeune âge (probablement parce qu’ils se sentent déjà très seuls). C’était le cas de Guy Carlier, par exemple, qui raconte son histoire dans son livre Le Cœur au Ventre.

Symboliquement, qu’est-ce qui fait que la nourriture devient un refuge pour les malades ?

C. H. : Les personnes boulimiques sont dans un contrôle permanent, de l’alimentation (même si elles finissent toujours par craquer) et de leur image. Manger c’est le seul moment où elles sont elles-mêmes, où leur inconscient se lâche, où elles ne jouent pas. C’est généralement un moment solitaire d’ailleurs, même quand on “boulime” devant des gens, on n’est pas vraiment avec eux, on fait semblant, on est avec soi-même.) C’est peut-être finalement le seul moment où on est avec soi-même ! Symboliquement donc, la nourriture est un refuge, parce qu’on est enfin avec soi-même et parce que ça renvoie aussi à la sensation qu’on a connu quand on était nourrisson lorsqu’on avait la bouche pleine. La bouche pleine, c’est la présence rassurante d’une mère idéale dont on a tout le temps besoin et qui serait tout le temps là *.

En quoi la boulimie peut-elle être différente des autres formes d’addiction ?

C. H. : Il n’y a pas vraiment de différence, on a le mental et le comportement d’un drogué. Sauf sur un point : je me suis rendue compte à travers ma pratique que la personne boulimique n’avait pas besoin d’un sevrage préalable, contrairement aux addictions à l’alcool et au drogues dures qui altèrent les capacités de réflexion et de jugement. Le fait qu’il n’y ait pas vraiment besoin de sevrage préalable rend la psychothérapie un peu moins difficile. Quand il faut se sevrer d’une addiction, ça rend très nerveux, très fragile et peu disponible à la psychothérapie. Avec la boulimie, on peut commencer par la psychothérapie. Et étonnamment, quand la psychothérapie marche, la boulimie s’arrête toute seule, sans effort de volonté, parce qu’il n’y a pas d’accoutumance à la nourriture une fois qu’on a “réparé” le manque de confiance en soi. Bien sûr, il y a des cas de boulimie où le sevrage est nécessaire : quand une personne se noie dans la nourriture, qu’elle ne sort plus de chez elle, qu’elle grossit d’une manière trop rapide, ou bien, au contraire, quand une personne boulimique se fait vomir tout le temps et maigrit de manière inquiétante. Dans ce cas, évidemment, on passe d’abord par un service hospitalier et on fait la psychothérapie plus tard, quand la personne a plus de forces physiques et mentales.

Référence: documentaire de france5

* vieille interprétation psychanalytique, sujette à caution et rejettée par les thérapeutes modernes. Dans toute ma pratique professionnelle, face à leur douloureuse compulsion, aucune de mes clientes ne m’a confirmé ce souvenir de nourrisson (!) et cette recherche de mère idéale, soyons sérieux ! Chaque cliente à sa propre explication. F.Duval-Levesque

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