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Cirque du Soleil et Safewalls

Publié le 14 mai 2012 par Raymond Viger

Du graffiti sur affiches pour le Cirque du Soleil

Safewalls et des artistes internationaux

Issu de l’imaginaire de deux jeunes québécois, le projet Safewalls associe des artistes internationaux au Cirque du Soleil. Après un vif succès, le projet se tourne vers les talents de la relève d’ici. Entrevue avec André et Yan, les deux concepteurs qui ont des idées plein la tête.

Dominic Desmarais Dossiers Cirque du Soleil, Culture

ovo affiche cirque du soleil safewalls

André ressemble à un enfant pris dans un corps d’homme. Expressif et enjoué, sa créativité est à l’image de sa chevelure: abondante et qui tire dans toutes les directions. Il parle beaucoup, toujours avec enthousiasme. Yan, lui, donne l’impression d’avoir les pieds sur terre. Moins volubile, il laisse son complice s’épancher en terminant ses phrases ou en rajoutant un éclairage nécessaire. Les deux se complètent à merveille.

Amis depuis près de 15 ans, ils ont créé le projet Safewalls pour le bénéfice de leur employeur, le Cirque du Soleil. Leur idée, simple en apparence, est d’associer des artistes de renom au Cirque par l’entremise de créations d’affiches pour les spectacles produits par le Cirque du Soleil.

«Le moteur de Safewalls, c’est l’opportunité que le Cirque donne à ses employés de développer leurs idées, leurs intérêts», explique André. Les deux amis, alors colocataires, se sont mis à rêver en réunissant leurs passions pour l’art et Internet. Leur employeur, qui encourage les idées, leur a permis de créer sans se limiter. «Le Cirque du Soleil, ce n’est pas juste un spectacle. Il y a de la musique, des couleurs, des formes. Le projet est un dérivé de ce qu’on faisait déjà.»

Avec Safewalls, André et Yan relient le passé du Cirque du Soleil avec son présent. «Comme moyen promotionnel, le Cirque du Soleil, à ses débuts, demandait à ses employés de placarder les affiches et crier sur la place publique pour annoncer un spectacle. Ça nous a fascinés. On voulait quelque chose d’authentique. Une collection d’affiches qui ont toutes le même format. On a 22 spectacles dans lesquels on peut aller chercher des univers différents», raconte Yan.

«La beauté de l’idée, c’est que chaque spectacle est vu différemment par chacun. Nous avons 17 œuvres originales. On donne carte blanche aux artistes. Notre intention, c’était de choisir des artistes renommés. Comme ça, ces artistes sont associés au Cirque du Soleil.» Ces partenariats sont bénéfiques pour chacun. Les artistes reçoivent l’attention des clients de l’entreprise qui, elle, s’ouvre aux cercles de ces artisans. La renommée de l’un renforce celle de l’autre.

Expériences du passé

cirquedusoleil_ronenglishL’idée de cette réunion entre le Cirque du Soleil et les arts à travers Safewalls est venue de projets passés réalisés par les deux compères. Passionnés d’art et de création, André et Yan organisaient, en dehors du travail, des événements où les participants façonnaient un jouet à leur guise selon une thématique donnée.

«Tous les artistes devaient utiliser le même jouet. Le thème était libre ou, si on l’imposait, il était assez large, comme l’univers du cinéma, par exemple. Et on pouvait leur signifier le thème d’avance pour que les participants se préparent. Ou ils le savaient à la dernière minute et venaient sur place créer en deux ou trois heures leur œuvre. C’était toujours complet. Les gens attendaient avec impatience l’annonce du prochain événement. C’était drôle de voir des jeunes de 6 ans et des personnes de 75 ans créer ensemble», raconte André.

Pendant cette période, soit de 2006 à 2009, ils font la connaissance de talents prometteurs. Tous deux travaillent au Cirque du Soleil mais ont besoin de projets à l’extérieur pour assouvir leur besoin de créer.
Grâce à Internet, les œuvres de leurs participants sont immortalisées. L’événement est terminé, le jouet tel que redessiné, rangé; mais son image demeure. André et Yan se familiarisent de plus en plus avec les possibilités qu’offre Internet. André, qui a étudié le e-commerce à HEC, expérimente cette nouvelle façon de faire. «Au début, on était limité à ce qui était offert sur le net. C’est une nouvelle habitude de consommation qui s’est créée. L’offre était limitée alors qu’il y avait plusieurs acheteurs en même temps. On a utilisé cette idée pour Safewalls.»

Safewalls, du graffiti sur des affiches

À partir de leurs expériences et de leurs passions, André et Yan peaufinent une idée qu’ils présentent à leurs supérieurs. Safewalls, dont le nom est inspiré des murs légaux pour graffiteurs, voit le jour. «Les gens ont tellement aimé notre parcours: deux employés qui proposent un projet à 7 directeurs et qui montent ensuite jusqu’au vice-président pour le présenter. Notre projet est utilisé en exemple pour dire que le Cirque du Soleil est une maison d’idées. C’est notre passion, c’est pour ça qu’on a monté le projet. On le faisait sans être payés! Maintenant, on ne fait plus la différence entre notre travail et le réseautage. C’est notre vie aujourd’hui, ce projet», explique Yan qui ne compte plus les heures de plaisir qu’André et lui ont passées à matérialiser cette idée.

Avec Safewalls, ils choisissent des artistes qui vont recréer l’imagerie des spectacles du Cirque du Soleil. «On leur demande de faire une version d’une affiche de spectacle et on limite l’offre pour la vendre. Pour nous aider dans notre sélection, on a pris certains spectacles. Par exemple, pour Totem à Londres, on a choisi des artistes anglais. En ayant un pays et un spectacle en tête, on sait qui on veut. Et comme on ne veut pas d’œuvres du même style, on choisi des artistes différents. Les seules contraintes qu’on leur donne, c’est de suivre les valeurs du Cirque du Soleil. Pas de violence, de sexe», explique André.

Les deux complices entrent dans l’univers de la création et des artistes. Ils se lient d’amitié avec leurs collaborateurs qu’ils rencontrent dans leur studio. «Il n’y a rien de plus pur, de non censuré, qu’un studio. Ça en dit long sur l’artiste, son atelier. Ça nous permet de mieux le comprendre, de voir l’origine de certaines œuvres», raconte Yan, honoré par ces rencontres qui l’ont fait voyager un peu partout sur le globe. «Ils deviennent des amis. Ils nous demandent ce qu’on pense de leurs œuvres même si ce ne sont pas celles qu’ils réalisent pour le Cirque du Soleil. C’est flatteur de faire partie de leur univers créatif», ajoute André.

Retour aux sources

Safewalls, par l’utilisation d’artistes renommés à la grandeur de la planète, vise grand dès le début. L’idée est une réussite. «On s’est servi tout de suite de la notoriété du Cirque du Soleil pour s’établir mondialement. On n’est pas parti petit! On a fait un coup d’éclat avec des artistes internationaux, on reçoit des courriels de partout, même d’endroits où le Cirque du Soleil n’est pas présent», dit Yan avec fierté. Mais le projet, animé par les deux employés du Cirque du Soleil, change de trajectoire. André et Yan, subjugués par le talent des gens d’ici, veulent mettre l’accent sur des artistes québécois.

«Là, on revient ici, plus petit, mais avec une marque déjà reconnue. Montréal, c’est rempli de gens hyper talentueux. On peut le dire, on a fait toutes les grandes villes artistiques! Et Montréal n’a pas à rougir», affirme André aussitôt coupé par son collègue. «Tout ce qui manque, ce sont les investisseurs. Et les acheteurs viennent de l’extérieur. Si Safewalls peut ouvrir les yeux des gens de partout et mettre la lumière sur le talent d’ici, tant mieux. Pour l’artiste, ça signifie plus de visibilité et plus de portes qui s’ouvrent.»

Les deux créateurs ont été impressionnés par leurs rencontres avec les artistes, d’ici ou de l’étranger. Visiblement marqués par la volonté et les efforts déployés par leurs collaborateurs, ils ont envie de les faire connaître. Avec Safewalls, le monde s’ouvre au talent. Des jeunes québécois sont prêts à prendre la relève.

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