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Extension du domaine de l’espace vert

Publié le 25 novembre 2011 par Rolandlabregere

« J’ai dû verdir mon rapport pour que ça passe », glisse un cadre à son voisin au cours d’une réunion. Le geste d’accompagnement laisse voir une impression faite de fatalité et de renoncement. Cette remarque souligne l’orientation verdissante de l’air du temps. Le feu est passé au vert.  Si le blanchiment est une activité qui prête à confusion, le verdissement exprime une tendance désormais bien ancrée dans l’imaginaire social.

Logos, slogans, publicités, images, discours des institutions publiques et des multinationales, argumentaires relatifs aux projets d’aménagement annoncent la couleur. http://www.lyoncapitale.fr/journal/univers/Actualite/Environnement/Le-relooking-ecolo-des-industriels-lyonnais On savait qu’on pouvait voir la vie en rose, mais c’est désormais en vert que notre bonheur est pensé. L’ordre marchandisé des sociétés néolibérales s’impose en vert. Pas vert-de-gris comme ceux qui occupaient Paris en l’an 40, mais vert comme la couleur de la chance, vert comme la couleur des plantes et de la végétation. Qui pourrait-être contre les plantes et les arbres ? Se mettre au vert ne peut pas faire de tort à un consommateur ou à un électeur. Alors verdissons ! Cette tendance mentholée des messages et des discours est originellement dénommée greenwashing. Ce terme s’est construit par agglutination de « green », et « washing ». Le modèle d’origine est « brainwashing », lavage de cerveau. Etre conçu avec une telle référence à la pureté repose sur un paradoxe : on comprend comment le lavage fonctionne mais le « à quoi ça sert» n’apparaît pas tout de suite. De nouvelles formes de contestations et de prise de parole s’observent ça et là,  http://www.duster.fr/, signes que le greenwashing est désormais repéré comme une prédisposition active des sociétés saturées en messages de toutes sortes.

Diverses sources concordent pour dater l’apparition du terme greenwashing au début des années 1990. Ce terme désigne les démarches des entreprises ou des institutions qui communiquent sur leurs avancées en termes de protection de l’environnement, qui, en réalité, ne s’accompagnent pas d’actions en faveur de l’écologie. Le greenwashing s’impose comme l’ultime technique de séduction et de manipulation du discours d’en haut. Une langue verte qui nommait au XIXème siècle l’argot du milieu et des malfrats fait un retour saisissant.  Le vert passe pour faire vendre. Alors mettons-nous au vert ! En fait, les décideurs disent "Mettons-les au vert" : consommateurs, citoyens, électeurs, travailleurs... La traduction française n’est pas encore stabilisée. Plusieurs propositions jouent des coudes pour passer la rampe : éco-blanchiment mais ce terme est connoté illicite avec mallettes en sous-main. La mercatique le traduit par verdissement d’image, ou simplement verdissement. Le terme est utilisé pour souligner l’intégration des questions environnementales dans les préoccupations et dans la  communication d’institutions.

Si l’on considère que le verdissement consiste recouvrir d’un vernis vert de très nombreuses activités sociales et économiques, le terme « vernissement », aurait le mérite de rappeler qu’un coup de peinture verte ne fait pas un projet. Le revers de la colorisation ne passe pas inaperçu. http://www.agirpourlenvironnement.org/blog/lettre-d-agir-pour-l-environnement-2010-2011-indignons-nous. Les pilules vertes sont souvent difficiles à avaler. L’excès de vernis vert est néfaste à notre santé de citoyen.

A sa façon, Erasme (1469-1536) a perçu les dessous du verdissement : « TIMOTHEUS : […] mais pourquoi la clôture de ton jardin est-elle aussi verte ? EUSEBIUS : Je veux que tout ici soit vert. Certains préfèrent le rouge, parce qu’à leur avis  cette couleur alliée au vert des plantations leur donne une grâce de plus. J’aime mieux cette couleur, […] ». (Colloques « Le banquet religieux »).


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