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Déçu du hollandisme

Publié le 19 mai 2012 par Legraoully @LeGraoullyOff

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Déçu hollandisme

« Quel est le meilleur gouvernement? Celui qui nous enseigne à nous gouverner nous-même »

Goethe

J’ai horreur de faire le ménage, mais le ménage c’est comme la varicelle ou les impôts, il y a un moment où il faut y passer. Par contre, j’aime bien faire la vaisselle. Est-ce le bruit de l’élément liquide et la caresse de l’éponge sur l’assiette, est-ce le doux souvenir des breuvages qui ont donné cette teinte pourpre aux fonds des verres , je l’ignore, en tout cas, la vaisselle ça me détend et ça me vide l’esprit encore plus efficacement qu’un « reportage de société » pour déficients intellectuels comme il en fleurit à la télévision. Une fois en paix avec moi-même, je peux réfléchir sereinement aux soubresauts qui agitent le monde, en pleine inconscience, sans souci de la pertinence du raisonnement, juste pour le plaisir d’aligner des jolis mots et d’exercer le noble artisanat de chroniqueur immondain.

Mais foin de ces préliminaires oiseux qui n’avaient pour objet que de faire diversion avant la morsure: à l’orée du deuxième paragraphe, il me faut bien avouer que le titre de cet article n’est qu’un subterfuge racoleur, puisque je n’attendais absolument rien du Président, convaincu que je suis qu’il n’est pas de bon gouvernement, que le pouvoir érode même les meilleures volontés, et que la gauche de pouvoir ne cherche plus à « changer la vie » mais à aménager la crise. Si vous vous êtes fait avoir, c’est bien fait pour vous, depuis le temps que le Professeur Blequin et moi-même le répètons à longueur de colonnes.

Reste que ce gouvernement, sous certains aspects, frise la provocation. Tout d’abord, François Hollande a poursuivi l’oeuvre sarkozyenne d’ouverture en nommant au ministère de l’Intérieur un membre de l’UMP. Oh, je sais, Manu Valls n’a jamais officiellement été encarté au fan-club de Sarkozy, mais il est des fricotages qui ressemblent à s’y méprendre à des unions de fait. (et quand un parti prend pour symbole un chêne, il n’est pas étonnant qu’il attire les glands). Le camarade Valls a promis , croix de bois croix de fer si je mens je rends mon taser, qu’il n’y aurait ni angélisme ni politique du chiffre. Le mot à retenir étant bien sûr « angélisme », la gauche (présumée, je ne vais pas passer mon temps à le répéter) ayant toujours nourri des complexes quand il s’est agi de causer matraques, expulsions, et tutti quanti.

Et sitôt investi, Valls est allé rendre visite aux condés. En effet, pendant la présidentielle, Sarko leur avait promis une « présomption de légitime défense », les délinquants ayant toujours le réflexe de montrer leur dos quand on leur tire dessus, juste pour incriminer nos vaillantes forces de l’ordre. Certes, il n’est pas facile d’être policier depuis le passage de Sarkozy à l’Intérieur, entre les réductions d’effectifs, les millions d’heures supplémentaires impayées, le trafic des statistiques (exemple: pour un vol de chéquier, chaque chèque retrouvé est une affaire élucidée), les quotas d’expulsions. On sait, et c’est atavique chez la branche droitière de la maison Poulaga qui réclame cette présomption, que les bleus obéissent mieux quand on leur donne un os bien réac à rogner. Alors je me demande si Valls, qui est un garçon cultivé, va expliquer calmement à ces énervés que la sécurité se joue avant tout sur le terrain social et sur la prévention, ou s’il va leur donner des gages creux comme ses prédecesseurs, les caisses sonnant aussi creux que la caboche de Maryse Joissains Masini, la divine maire d’Aix en Provence.

Ne cherchez pas la réponse, si comme je le disais plus haut il n’y a pas de bon gouvernement, il y a encore moins de bons ministres de l’Intérieur. Mais il y a pis, au fond, les gens qui entrent dans la police animés d’un esprit républicain (et il y en a heureusement un certain nombre) sont au mieux de courageux masochistes , au pire de grands naïfs. Mais il y a pis disais-je avant d’être interrompus par Sacher-Masoch: c’est Cécile Duflot.

Mais pourquoi, crotte de bique et boyau de chat, mille fois pourquoi, mais que diantre est-elle allée faire dans ce gouvernement? S’il y a un seul parti qui a un pouvoir de déception plus grand que le Parti Socialiste, c’est dire les ordres de grandeur que l’on manipule, c’est bien EELV. Après avoir lâché Eva Joly en rase campagne en vertu d’un accord électoral humiliant, contraint par des caisses encore plus vides que la caboche de Valérie Rosso-Debord (décidément, les blondes de l’UMP de Meurthe-et Moselle…), Duflot accepte d’entrer dans une équipe ministérielle qui prône la réduction du nucléaire sur douze siècles dans le meilleur des cas, la croissance , et dont le chef, en sa bonne ville de Nantes est en bisbille avec des écolos qui pour exister n’ont pas besoin de strapontin à l’Assemblée Nationale, au sujet d’un aéroport dont personne ne veut.

Même Talleyrand, même Franz-Olivier Giesbert, qui sont à la reptation sur moquette gouvernementale ce que Yannick Noah est à Royco-Minute Soupe, n’auraient osé tomber si bas. Et le pire, c’est que cela permet à Daniel Cohn Bendit, le gars qui sait tout mais qui comme un grossier Dominique de Villepin ne veut surtout pas mouiller son égo dans des scrutins indignes de sa splendeur, de se moquer (sur un site de droite, en plus) de ses camarades de parti. Mélanchon, dont l’égo n’est pas moins grand, n’est pas tombé dans le panneau. En résumé, Hollande et son équipe font à EELV ce que Mitterrand a fait au PC. Chapeau l’artiste.

Quant au patron, il fait la tournée des collègues, qui en Allemagne, qui aux States, et doit être bien content d’être désormais « au-dessus des partis ». Vu la hauteur du débat, on imagine qu’il n’a pas eu à s’élever bien haut pour ça. Coup de bol pour lui, la Grèce n’a toujours pas de gouvernement à cause de ces salauds de gauchistes qui veulent changer de politique monétaire. Du coup, il n’a pas besoin d’inviter un clodo de cette déclinante contrée pour décider de l’avenir de la péninsule héllénique avec ses nouveaux amis.

Et encore, on est toujours dans « l’état de grâce ».


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