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Comfort food dans les bras du Mékong

Par Linh

Comfort food :

Urban Dictionary :

1 – Nourriture apportant un confort émotionnel à celui qui la mange, nourriture de l’enfance ou liée à une personne, un endroit, un moment perçu comme positif.

2 – Nourriture réconfortante pour le palais et pour tous les autres sens

Webster (Equivalent du Littré américain) :

Nourriture préparée de manière traditionnelle ayant un attrait nostalgique ou sentimental

Comfort food dans les bras du Mékong

C’était un jeudi ordinaire de décembre, que j’avais occupé à remuer ciel et terre pour retrouver le tombeau de mon arrière grand-père. “C’est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup”. Un tombeau, c’est la preuve de l’existence d’une histoire sur une terre.

L’aléatoire avait été le thème de ma journée. J’avais pris la route à 5h du matin avec pour seul guide un morceau de papier déchiré sur lequel j’avais griffonné avec une orthographe approximative deux informations que mon oncle m’avait données en m’appelant en pleine nuit des Etats-Unis : une adresse et un nom. Je m’étais rendormie anxieuse car il m’avait précisé que “cela faisait plus de 15 ans qu’il n’avait pas eu de nouvelles de ce cousin éloigné et que si je ne le trouvais pas là, il n’y avait pas d’autres pistes pour retrouver le tombeau”.

Pendant les 2 heures de route qui ont relié Can Tho à Long-Xuyen, la ville d’origine de mon grand-père, je serrais mon papier, silencieuse et entièrement tendue vers ce seul but. Je m’accrochais aux ponts, aux arbres qui défilaient sur la route pour chasser le doute. J’imagine que c’est la même anxiété qui étreint le chasseur de trésor qui sait que le temps est compté.

Puis j’ai trouvé l’adresse. Puis j’ai trouvé le cousin éloigné. Qui m’a emmenée au fin fond d’une forêt devenue jungle avec le temps, où reposait mon arrière grand-père.

Un simple mais imposant tombeau de pierre avec son nom gravé dessus, le même nom que celui de mon grand-père, une partie du mien.

Au milieu de cette jungle, entièrement silencieuse, moite et déserte, j’ai laissé pousser quelques racines sous mes pieds en allumant trois bâtons d’encens.

Une éternité s’est écoulée. Un morceau de mon histoire s’est recollé. J’étais venue chercher ce morceau manquant. Je me sentais infiniment protégée et bénie de l’avoir trouvé.

Comfort food dans les bras du Mékong

Pour la petite histoire, j’ai en réalité un prénom composé. Assez rare au Vietnam. Je ne l’ai d’ailleurs jamais croisé. Sauf ce jour là, sur une devanture, avoisinant le portail de l’endroit où repose mon arrière grand-père. L’alignement était parfait.

Dans la voiture qui me ramenait au centre de la ville, un vide immense s’est emparé de moi. D’aphasique, je suis devenue apathique, vidée de toute forme d’énergie. Mais j’étais heureuse. Et j’avais envie de fêter cela.

Nous étions en plein après-midi. Les marchés déployaient une ombre bienvenue et nombre d’échoppes avaient été vidées de leur contenu. J’avais envie de manger ce moment historique, de lui donner une dimension gustative.

Et ce fut ce plat, un bún cá (bun pour vermicelles, ca pour poisson, simple), plat traditionnel du Mekong, parfait pour l’occasion. Il s’agit d’un poisson du Mékong mariné au safran et au galanga, servi dans un bouillon parfumé et accompagné de vermicelles de riz, et du soja, des herbes, des herbes, et encore des herbes. Les couleurs, les saveurs, la texture doucement élastique du poisson couplée à la douceur du bouillon et le fondant des vermicelles, le parfum des herbes, le craquant du soja,  m’ont envoyée pour quelques belles minutes au paradis. Il n’était plus si perdu le paradis dont ils m’ont tant parlé.

Dans la recette (pour environ 4 personnes), 4 composantes : le poisson, le bouillon, les vermicelles et le reste

Le poisson

400g de lotte

2 pincées de Safran

1 morceau de galanga (5 cm)

1 c à c de sel, sucre, poivre, nuoc mam

1 c à s d’huile

Emincer le galanga

Mélanger tous les ingrédients

Laisser mariner de 1h à 24h

Avant de servir, faire revenir les morceaux de lotte à la poele

Le bouillon

1 carcasse / ailes / os de poulet

2 L d’eau

1 c à s de sucre, sel, nuoc mam

1 c à s de crevettes séchées

1 oignon, 1 carotte, 1/2 navet Daikon

Porter le tout à ébullition

Ecumer

Laisser mijoter à feu doux entre 2h et 6h selon votre disponibilité

Les vermicelles de riz

Les faire bouillir dans de l’eau avec 1 c à s de vinaigre blanc pendant 5 minutes

Egoutter et rincer

Le reste

Soja, herbes de votre choix, nuoc mam pur mélangé à de l’ail et du piment

Le service

Dans un bol, disposer les vermicelles

Plonger le poisson dans le bouillon puis le disposer dans le bol

Rajouter le soja, les herbes et la sauce nuoc mam en fonction de l’envie

….Comfort food : nourriture qui détient le pouvoir de me ramener vers une partie heureuse de moi.


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