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Mohamed Salah BEN AMOR commente un poème de Patricia LARANCO.

Par Ananda

Etrange neige :

des fœtus roulés en boule dans des bulles

des fœtus en apesanteur

qui tombaient comme des flocons

et je voyais leur chair rosée

voleter voluter dans l’air de cet éblouissant instant où les ravines ruisselaient.

La lune de papier crépon

était tamponnée sur le ciel

sceau impavide blanc cachet

parcouru de vaisseaux de sang

la terre en contrebas hurlait

en secouant ses flancs polis

et nus pareils à chair à vif.

Le bruit d’un ténébreux ressac

invisible et immatériel

témoignait de couloirs chtoniens

en gésine dans ce qui n’est

pas encore né -

ni meurtri –

Les crépuscules d’or sanglant

frottaient leurs nuages velus

à l’étendue ombrée de fiel

qui se jetait dans le néant.

Patricia Laranco

Partant de l’image simple de la neige en train de tomber, l’esprit de la locutrice l’associe par comparaison à celle des fœtus puis complète le tableau en brossant un fonds très étendu qui englobe : en bas, la terre, aussi bien sa surface sur laquelle tombent les flocons blancs et coule l’eau à volonté (ravines ruisselaient) que ses entrailles où s’allongent des couloirs chtoniens, en haut le ciel où s’est immobilisée la lune, et entre ces deux espaces élargis l’horizon au moment où il abrite un coucher de soleil (les crépuscules d’or sanglant frottaient leurs nuages velus) pour faire se terminer tout cet univers gigantesque par le néant (l’étendue ombrée de ciel qui se jetait dans le néant).

A part l’eau qui symbolise la fécondité et la couleur blanche, la pureté, tous les autres éléments composant ce paysage ont des significations négatives. D’abord, le texte s’ouvre sur la notion de vie et de naissance (les fœtus), mais c’est pour se fermer sur celle de la mort (le néant). Et cette notion de mort est renforcée par le crépuscule qui symbolise le déclin et l’automne de la vie. Ensuite par l’atmosphère de terreur qui règne aussi bien sur la terre et qui la pousse elle-même à hurler (la terre en contrebas hurlait en secouant ses flancs polis et nus pareils à chair à vif) que dans ses entrailles habitées par des forces maléfiques (Le bruit d’un ténébreux ressac invisible et immatériel témoignait de couloirs chtoniens).

La lune complète cette ambiance lugubre par la perte de sa mobilité et de sa beauté naturelle (La lune de papier crépon était tamponnée sur le ciel), symbolisant ainsi des transformations inquiétantes provoquées par la conjuration des esprits démoniaques que pratiquent les sorcières. Et tout cet ensemble bien orchestré donne une image cauchemardesque de la vie (couloirs chtoniens en gésine dans ce qui n’est pas encore né – ni meurtri), c'est-à-dire que ceux qui ont accédé déjà à la vie n’ont récolté que torture et blessures.

Enfin, si nous faisons abstraction de cette vision pessimiste de la vie qui ne regarde que l’auteure parce qu’elle fait partie de sa philosophie personnelle propre, nous ne pouvons qu’être fasciné par la fécondité de son imagination et l’extrême beauté des images qu’elle a créées. Et c’est l’essentiel en poésie !

Mohamed Salah Ben Amor


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