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"De rouille et d'os" de Jacques Audiard

Par Francisrichard @francisrichard

De-rouille-et-d-os.jpgAli, Matthias Schoenaerts, a un fils de cinq ans, Sam, Armand Verdure. C'est bien tout ce qu'il "possède" et encore il vient seulement de devoir commencer à s'en occuper, en l'absence de la mère, sans trop bien savoir comment s'y prendre. 

Ali n'a personne d'autre que Sam dans sa vie, excepté une soeur qui habite sur la Côte d'Azur. Il ne sait pas faire grand chose, sinon faire le coup de poing. Il est plutôt du genre brut de décoffrage.

Stéphanie, Marion Cotillard, est belle. Elle a un mec. Elle travaille comme dresseuse d'orques au Marineland. Elle aime susciter le désir des hommes. Elle n'a aucune peine à y parvenir. Elle a tout ce qu'il faut pour cela.

Ali descend du Nord pour rejoindre sa soeur Anna, Corinne Masiero, qui est caissière dans un grand magasin. Anna ne roule pas sur l'or, mais elle a un toit, qu'elle partage avec son compagnon. Ali et Sam vont y trouver refuge.

C'est Anna qui trouve du boulot à Ali. Comme il sait se battre, il est embauché comme videur dans une discothèque, L'Annexe. C'est là, à la sortie de cette boîte, qu'il fait la rencontre de Stéphanie à qui il porte secours: elle a dû allumer les types qui s'en prenaient à elle.

En effet Ali n'est pas autrement surpris qu'elle ait eu des ennuis, avec sa jupe courte qui dévoile ses belles gambettes. Elle a une voiture. Ali la raccompagne en prenant le volant du véhicule. Comme il a son franc-parler il lui dit tout de go qu'elle est habillée comme une pute et que ce qui lui est arrivé n'est donc pas étonnant...

Arrivé au bas de chez elle, il lui demande s'il peut monter. Dans la bagarre il s'est blessé à la main et aimerait mettre de la glace dessus. Le mec de Stéphanie n'apprécie pas qu'il soit monté, mais il s'écrase mollement devant la musculature d'Ali, qui, au cas où, laisse son numéro de mobile à Stéphanie, dont le mec ne lui donnera plus d'ordres.

Les semaines passent. Entre-temps Ali a quitté L'Annexe. Il est devenu agent de sécurité dans les magasins d'une zone commerciale. Un jour Stéphanie est victime d'un accident au Marineland. Quand elle se réveille à l'hôpital, elle n'a plus ses deux belles gambettes. Elles ont été amputées juste au-dessus du genou. 

L'univers de Stéphanie s'écroule. Elle veut mettre fin à ses jours. Elle en est empêchée. Elle se souvient d'Ali et l'appelle. D'un bon naturel celui-ci vient à son secours, comme la première fois. La brute s'occupe de la belle comme si de rien n'était, avec une certaine délicatesse.

Il l'emmène à la plage et elle se baigne avec lui, ses réticences vaincues. Il lui fait l'amour pour lui rendre service, pour qu'elle sache si "tout" fonctionne normalement. Il suffit qu'elle lui demande s'il est "opé", opérationnel, pour qu'il lui rende ce service bien naturel chez lui, complètement dissocié qu'il est de tout sentiment.

Comme il se sait se battre, de fil en aiguille, il est embringué dans une affaire de paris clandestins sur des combats organisés par un autre agent de sécurité - qui espionne les employés pour les patrons -, en cheville avec un gitan. Stéphanie assiste dans la voiture à ces combats furieux. Parallèlement elle s'accoutume assez vite à marcher sur des jambes artificielles. 

Ali vit sans se poser de questions, comme une bête. Les sentiments ne l'étouffent pas. Cela semble être sa force. C'est ainsi qu'il fait l'amour sans amour, avec Stéphanie ou avec d'autres, qu'il joue avec son fils, comme avec un petit camarade de jeu, qu'il est parfois d'une muflerie inconsciente avec Stéphanie et d'une brutalité inconsciente avec son fils.

Mais cela n'a qu'un temps. Tout costaud qu'il est, il est vulnérable, parce que, sous cette épaisse carapace, il y a un homme, qui ne peut pas ignorer indéfiniment les sentiments que les autres ont pour lui et qu'il a, sans s'en rendre compte, pour ces mêmes autres. Il lui faudra toutefois quelques avanies avant de s'en rendre compte. Il sera alors au bord de l'abîme. L'épilogue laisse croire qu'il y a un dieu pour les brutes innocentes...

Avec ce film noir, qui fait pourtant rire par moments tellement il y a de décalage entre ce qu'un "homme civilisé" ferait et le comportement d'Ali, Jacques Audiard signe une oeuvre au final très humaine, sans janais tomber dans la complaisance ni le pathos. 

Au sortir de la salle le spectateur est éprouvé certes mais ragaillardi: un handicap, aussi terrible soit-il, peut être surmonté; l'amour peut exister chez des êtres qui ne semblaient pas y être prédisposés. Les acteurs l'ont aidé à parvenir à ce résultat en incarnant leurs personnages.

Francis Richard  


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