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Jean Cayrol, grand éditeur discret

Par Poesiemuziketc @poesiemuziketc

Source : L’express 08/06/2012


Rescapé de Mauthausen, Jean Cayrol était un grand éditeur discret, doublé d’un découvreur de talents. Une biographie nous éclaire sur son destin.

“Il est cet indésirable qui longe les clôtures et réveille les chiens, ce badaud timoré qui s’approche des bals et des carnavals, fasciné par la liesse collective, tremblant à l’idée qu’on lui demande ce qu’il fait là, et se carapatant pour lancer aux mouettes, une fois à l’écart, son hymne à la joie [...]. Il est celui qui est revenu et qu’on ne reconnaît pas, pour qui il n’y a personne à l’adresse indiquée, et qui erre en quête d’un point fixe.” Tel était Jean Cayrol (1910-2005), si l’on en croit la préface (signée Claude Durand) de la biographie de cette grande figure de l’édition. Cette Vie en poésie, c’est d’ailleurs un membre de sa famille qui la raconte -le journaliste Michel Pateau, son neveu par alliance.

Nous découvrons un jeune Bordelais timide et féru de poésie qui fonde à l’âge de seize ans, avec la complicité de son grand ami Jacques Dalléas, la revue Abeilles et Pensée (ainsi baptisée en hommage à Claudel). Une carrière littéraire semble alors s’offrir à Jean Cayrol: son recueil de poèmes Le Hollandais volant est publié en juillet 1936, aux Cahiers du Sud, et il trouve un poste de bibliothécaire. Mais la guerre arrive et ce grand résistant est déporté à Mauthausen en 1942, où il écrira clandestinement de nombreux poèmes -cette biographie nous fait découvrir un inédit, rédigé sous le tablier d’un atelier, et qui dit: “Au seuil de la vie des ténèbres/ L’aurore rejetée sur l’épaule/Ne savent plus sur quelles lèvres/Elles retrouveront la parole.” Rescapé de l’horreur, il acceptera aussi d’écrire le fameux commentaire de Nuit et Brouillard d’Alain Resnais. Sa vie d’après sera alors celle d’un homme de lettres respecté et respectable. Lauréat du Renaudot 1947 pour son roman Je vivrai l’amour des autres, il entre aux éditions du Seuil où il se fait la réputation de découvreur de talents (notamment avec la revue Ecrire), avant d’intégrer l’Académie Goncourt en 1973.

Si cette biographie s’attarde sur la première moitié de la vie de cet homme discret, on regrettera que Michel Pateau n’insiste pas davantage sur la carrière de ce grand éditeur (qui publia notamment Roland Barthes, Pierre Guyotat ou Erik Orsenna) et ne dépeigne pas plus une république des lettres que l’on sent (et que l’on sait) pourtant bouillonnante. Mais, au fond, ne vaut-il pas mieux parfois se concentrer sur l’indicible d’un individu, et de “tenter de saisir l’insaisissable”?

Jean Cayrol, grand éditeur discret


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