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Vers la mort de l’UMP : ce que nous dit l’exemple des Bouches-du-Rhône

Publié le 13 juin 2012 par Copeau @Contrepoints

Dans ce département, trois candidats investis par l’UMP pour les législatives de dimanche ont franchi la ligne séparant droite de gouvernement et populisme ethno-socialiste. Pour Mathieu Morateur, secrétaire départemental du Nouveau Centre et militant libéral, la réaction très molle des cadres locaux et nationaux de la majorité parlementaire sortante signe l’arrêt de mort de l’UMP et de ses alliés dans ce territoire.
Par Mathieu Morateur.

Vers la mort de l’UMP : ce que nous dit l’exemple des Bouches-du-Rhône

Maryse Joissains, maire UMP d'Aix-en-Provence.

Il est 20h, le 22 avril 2012. À l’UMP des Bouches-du-Rhône, vent de panique. Certes, Nicolas Sarkozy est en tête dans l’ensemble du département. Mais Marine Le Pen dépasse les 23%, et les candidats aux élections législatives tremblent. Pendant deux semaines, c’est la déprime. On ne croit plus vraiment à la victoire du président sortant, et c’est la peur d’une « vague rose » qui s’installe. Puis, le 6 mai, c’est soir de victoire. Ou presque. Le candidat de la droite n’est finalement que 3 points derrière l’ultra-favori Hollande, donné bien plus largement vainqueur par les près de 400 sondages effectués au cours de cette campagne. Et surtout, le report des voix FN sur le candidat de l’UMP est excellent dans toute la région PACA : s’il avait été le même partout en France, Sarkozy serait resté à l’Élysée. C’est ainsi que germe dans l’esprit des candidats menacés par des triangulaires l’idée que la stratégie de Patrick Besson donne la bonne direction, mais s’arrête au milieu du guet : il faudrait proposer aux électeurs un « front de droite », alliance de ce que Jean-François Copé appelle depuis le premier tour le « bloc de droite », face à la gauche accusée d’être irresponsable, laxiste et traitre à la Nation.

Dans un département où le PS est empêtré dans les affaires, l’argument est facile. Il suffira d’instruire des procès en guérinisme à toute opposition. Et l’arithmétique est partout favorable : FN + UMP + environ la moitié des électeurs de Bayrou = une majorité.

C’est la maire d’Aix-en-Provence Maryse Joissains, pour qui la gauche est surtout à blâmer pour avoir porté illégitimement au pouvoir un Hollande qui « ne fait physiquement pas Président », qui ouvre le bal. Sur la lancée de ses commentaires aux soirs du 6 mai, elle fait le pari d’une OPA, pas si hostile que ça vues les déclarations de Marine Le Pen à son propos, sur le vote FN, en se présentant comme une candidate portant les « valeurs » de l’égérie du Rassemblement Bleu Marine. À tel point que lors du débat télévisé entre les principaux prétendants à la députation dans la 14ème circonscription, dans laquelle madame Joissains est élue depuis 10 ans, la première magistrate d’Aix a passé son temps à acquiescer les propos de son adversaire.

C’est devant ce curieux manège que pointent les premiers doutes face à cette orientation : dans une circonscription bien à droite mais au profil plutôt modéré, cette ligne peut-elle tenir ? Il faut se rappeler que, contrairement à beaucoup de ses collègues, Maryse Joissains avait déjà sous performé de 3 points au deuxième tour les scores nationaux de l’UMP dans sa circonscription en 2007, signe d’un malaise. Or, Nicolas Sarkozy y a réuni 53% des suffrages exprimés en 2012. Ce virage pourrait faire perdre à l’UMP l’un de ses bastions (la circonscription, créée en 1988, a toujours été tenue par la droite). D’ores et déjà, les électeurs de la droite républicaine l’ont sanctionnée, en accordant plus de 8% des suffrages et la quatrième place au candidat soutenu par le Nouveau Centre et le Parti Libéral Démocrate, Michel Boulan.

Bien sûr, Maryse Joissains, bien que passant de 44 à 28% des suffrages exprimés, a pu éviter la triangulaire dans cette circonscription très favorable, et sa notoriété lui a assuré de se placer en tête des candidats de droite. C’est aussi le cas de ses collègues du collectif  « Droite Populaire », Guy Tessier, Bernard Reynès, Eric Diard et Richard Mallié. Mais ces derniers, dans des circonscriptions historiquement plus frontistes, n’ont pu échapper à la présence du Front National au second tour. Ce résultat signe l’échec de cette stratégie de droitisation. Car, si les deux premiers nommés devraient s’en sortir dimanche prochain, la partie sera extrêmement serrée pour les sortants de la 12ème (Marignane-Vitrolles-Côte bleue) et de la 10ème (Gardanne-Allauch). Si l’on ajoute la nouvelle 8ème (Salon-de-Provence) où le quadra Nicolas Isnard, lui aussi converti au marinisme d’opportunité, est également opposé à la fois au président du think tank du PS, Olivier Ferrand, et au garde du corps de Jean-Marie Le Pen, Gérald Gérin, ce sont trois sièges qui sont fortement menacés, là où Nicolas Sarkozy est à plus de 56% à la présidentielle.

Mais le plus grand péril du rapprochement est celui de se faire absorber par le FN !

Ainsi, la première émule suscitée par la faconde de la « Dame d’Aix » est la candidate UMP dans la 13ème circonscription, qui s’étend sur les rives de l’Étang de Berre, où se dressent les torchères des raffineries, ancien fleuron de l’industrie locales. Dans ce territoire dont les socialistes ont tenté, avec violence, d’arracher le contrôle aux communistes, Michèle Vasserot n’a pas hésité pas à déclarer aux caméras de Canal + qu’elle aurait souhaité une alliance avec les frontistes : elle prône un désistement réciproque au deuxième tour pour battre la gauche. Problème, Marine Le Pen est arrivée en tête dans ce fief ouvrier, plus de 6 points devant Nicolas Sarkozy, qui doit se contenter du 4ème rang, derrière François Hollande et Jean-Luc Mélenchon. Et ce n’est pas la personnalité de la candidate, de l’aveu même de Jean-Claude Gaudin envoyée au casse-pipe pour essayer de remplir le quota de femmes candidates, qui a inversé la tendance. Elle a terminé avec moins de 15% des voix, loin des 21,7 de la candidate FN, dont on pourra pourtant apprécier la crédibilité

Mais c’est son voisin Roland Chassain (16ème, Arles) qui a mis le feu aux poudres. Cinq jours avant le 1er tour, celui-ci a déclaré vouloir mener un front « anti-Vauzelle », du nom du député PS sortant, Président de la Région PACA, ancien Ministre de la Justice et Secrétaire Général de l’Élysée sous la présidence Mitterrand. Une prise de position qui l’a amené à se retirer au profit Valérie Laupies, conseillère de Marine Le Pen sur les questions scolaires. Une décision unique dans le département depuis 1988, contestée par le groupe de droite à la mairie d’Arles, qui laisse au Front National incarner seul l’opposition à François Hollande !

C’est pour éviter cette impasse que les trois prétendants à la présidence de l’UMP (Copé, Fillon et Juppé) tentent de faire passer un message commun : « aucune alliance possible avec le FN ». Ce leitmotiv ne va pas assez loin : si Nicolas Sarkozy a réussi à éviter la cinglante défaite qu’on lui prédisait, c’est parce qu’il a porté avec succès l’idée que la droite qu’il représentait est, sur le plan économique, responsable et courageuse. Et en cela, la droite républicaine française est aux antipodes de la démagogie de Marine Le Pen, dont la campagne a patiné à chaque fois qu’elle s’écartait de ses « fondamentaux ». Si, comme tentent de le faire les candidats cités plus haut, l’UMP choisit l’angle identitaire comme marqueur du clivage gauche-droite, alors elle perdra immédiatement la bataille des idées, et le leadership de l’opposition. En revanche, qu’elle combatte pied à pied les mesures économiques dirigistes du gouvernement Ayrault, et c’est vers de nettes victoires aux élections intermédiaires puis en 2017 qu’elle se dirigera.

Car entre la défaite probable de son leader départemental Renaud Muselier, emporté par la vague rose, la fin de règne difficile de Jean-Claude Gaudin et les guerres de clans larvées pour la succession (toute ressemblance avec la situation nationale serait bien entendu fortuite), la droite provençale doit se réinventer si elle veut survivre !


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