« Embedded » dans les embouteillages, le reportage de trop de la Voix du Nord

Chaque jour que Dieu fait – et même les autres– je me connecte sur le site de la Voix du Nord. Discrètement, car je sais combien j’aurais à perdre si cela se savait.

Et qu’apprend-on sur la voixdunord.fr ? Que des éboueurs, peut-être distraits par le billet matinal de Canteloup sur Europe1, ont oublié une rue lors de leur tournée matinale. Que les travaux de marquage de la voirie se poursuivent sur le boulevard Montebello. Qu’une camionnette s’est, une fois de plus, faite scalper par l’un des ponts enjambant la route qui relie Lille à Roubaix (ça arrive régulièrement, avec des camionnettes de location dont les conducteurs maîtrisent mal les mensurations).

La Presse Quotidienne Régionale (PQR), c’est la possibilité d’avoir un œil-derrière-la-fenêtre un peu partout dans la ville. Un fantasme de vieux, en fait. Ceux-là mêmes qui passent leurs journées derrière des rideaux ou des stores à lamelles, guettant le moindre fait divers susceptible d’enrayer momentanément la monotonie de leur existence. Quand, après plusieurs mois d’attente incertaine, l’accident de voiture enfin se produit dans leur rue, la vue sur la scène depuis leur balcon est mauvaise. Un arbre mal taillé (penser à appeler les services municipaux) empêche de suivre dans le détail l’intervention de la Police puis celle, plus spectaculaire, de la dépanneuse. Alors, les vieux quittent à regret leur poste d’observation, se promettant d’acheter le journal du lendemain pour savoir ce qu’il s’est passé / comment ça s’est terminé. Et bien sûr, ils n’apprendront pas grand-chose, mais ils pourront goûter la satisfaction d’avoir été, l’espace d’un moment, aux premières loges de ce qui a fait l’actualité de la veille.

Ce matin, donc, en m’adonnant à une activité qui n’est pas (encore) de mon âge, je tombai sur un article édifiant :
« Travaux et heure de pointe : petit itinéraire d’un automobiliste pas gâté ».
Pour réaliser ce reportage “embedded”, un courageux journaliste du quotidien nordiste a pris place à bord d’un véhicule pour se glisser incognito dans le flot de la circulation lilloise. Minute par minute, on suit la lente progression du convoi, successivement pris au piège des rues en travaux, noyé dans les embouteillages puis confronté à l’incivilité de conducteurs excédés. Dans ces conditions, « chaque feu tricolore devient un supplice » se plaît à nous raconter le grand reporter. Avant de distiller quelques conseils, dont la portée me semble toutefois assez limitée : « Rue de Valmy, mieux vaut prendre à gauche jusqu’à la place Gentil-Muiron et s’engager rue Édouard-Delesalle ».

Bref, à la suite de multiples détours dans les rues congestionnées de la ville, le journaliste parvient à gagner la Place de Bettignies, une heure et quart après son départ…de la rue Faidherbe, située à 300 mètres de là environ. Fin de l’article. Début d’une prise de conscience pour le lecteur que je suis.

Bilan carbone de l’expérience : une catastrophe.
Bilan journalistique : la Une du site de la Voix du Nord.

Note pour moi-même : soigner cette addiction à l’actualité locale, je cours à ma perte.

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