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(Pilote US) Longmire : une série policière dans le grand Ouest américain

Publié le 16 juin 2012 par Myteleisrich @myteleisrich

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Au début du mois (le 3 juin 2012), la chaîne américaine A&E a lancé une nouvelle série policière, adaptant les romans de l'écrivain Craig Johnson. Sa principale originalité réside dans son cadre : le Wyoming et ses grands espaces (même si, en vrai, la série est en réalité tournée au Nouveau-Mexique). A voir le poster promo et à jeter un oeil à la bande-annonce, dans l'esprit du téléspectateur, le chapeau de cowboy du héros, le faux parfum de western, les codes narratifs surannés mettant pourtant en scène une série policière moderne, évoquaient forcément Justified.

Pourtant Longmire se démarque vite de sa consoeur de FX. Plus traditionnelle, moins stylée, elle est aussi un appel de l'Ouest qui nous éloigne du Sud des Etats-Unis et de ses rednecks, pour introduire d'autres acteurs au potentiel tout aussi intéressant. Mais au-delà de son cadre qui ne manque pas d'attrait, les deux premiers épisodes de Longmire introduisent un strict cop show procédural, dont l'intérêt et la valeur ajoutée dans un paysage télévisuel saturé par le genre restent encore à démontrer. La série aura 10 épisodes pour se construire une identité.

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Longmire se déroule dans le comté fictif d'Absaroka, dans le Wyoming. Son personnage principal, Walt Longmire, est le shérif en poste. Profondément marqué par le décès de sa femme il y a un an, il n'a été depuis que l'ombre de lui-même, laissant la douleur le submerger. Dans le pilote, il commence tout juste à faire son deuil, encouragé par sa fille Cady qui s'inquiète et veut qu'il se resaisisse. Au travail, il peut compter sur le soutien d'une nouvelle adjointe, Vic, une jeune femme qui a d'abord exercé dans des forces de l'ordre citadine avant de venir se perdre au fin fond de cet Etat.

Mais cette année d'inertie a aussi réveillé d'autres ambitions au sein du département du shérif. Walt découvre ainsi qu'un autre de ses adjoints, Branch, entend le concurrencer à l'élection prochaine où son poste est remis en jeu. Tous ces évènements l'encouragent à tenter de se reprendre en main. La série va donc le suivre dans son quotidien d'enquêtes (qui eut cru que le taux de criminalité était si élevé au fin fond du Wyoming ?). Les meurtres ont ici souvent des ramifications complexes, nous entraînant à la découverte d'autres communautés religieuses ou encore dans la réserve indienne.

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Derrière son concept policier très classique, Longmire a tout d'abord pour elle de nous entraîner par-delà l'herbe (pas si verte, en fait) du Wyoming. Véritable appel de l'Ouest, le pilote s'efforce d'ailleurs de rendre justice aux particularités offertes par ce cadre, soulignant ce paysage aux vastes étendues de prairies, ces forêts denses de conifères, et même ces quelques coins enneigés qui permettent de réinventer les méthodes de la police scientifique (initiant ainsi la recherche de preuves par... sèche-cheveux, afin de faire fondre la couche de glace qui recouvre les lieux du crime).

La série a donc un parfum de dépaysement prononcé qui est très plaisant. De plus, cette situation géographique lui permet aussi d'introduire des problématiques que les cop show citadins ne peuvent aborder : les relations difficiles avec la réserve indienne voisine, et les trafics qui ont cours là-bas, ou encore, dans ses grands espaces où chacun peut cohabiter, avec des communautés religieuses repliées comme les Amish (dans le deuxième épisode). Même si le traitement de ces sujets reste ici assez superficiel et qu'on reste pour le moment un peu sur sa faim, le potentiel semble là.

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Cependant, au-delà de ces atours, Longmire reste une simple série policière pour l'instant strictement procédurale, où les enquêtes, sur un épisode, ne brillent pas leur originalité. C'est généralement très convenu. Plus problématique, en usant de ficelles trop classiques, la série se montre parfois assez maladroite dans ses développements : les raccourcis et certaines mises en scène pèsent sur le pilote ; le second épisode étant sur ce plan plus équilibré et homogène. L'apport de la série repose ici sur sur sa figure centrale, le shérif. D'une part, parce que c'est un personnage un peu hors du temps, il permet de cultiver le côté old school assumé de la fiction. L'épisode prend toujours volontairement son temps, loin de la mécanique sur-vitaminée et ultra-huilée de la ville. L'expérience y joue souvent un rôle décisif, Walt s'appuyant sur son passé et sa longue connaissance de son comté pour connecter les indices.

D'autre part, ce héros posé et assuré est aussi un homme brisé intérieurement par la mort de sa femme. Connaissant cette souffrance que représente la perte d'un être cher, il fait preuve d'une empathie rare envers les proches des victimes. La dimension émotionnelle et le traumatisme qu'engendrent les meurtres ne sont pas négligés dans cette série, et c'est un point positif à souligner. Walt est donc un personnage de romans policiers qui s'inscrit dans des canons certes très traditionnels, mais efficaces. Il reste à espérer que les personnages qui l'entourent n'en seront pas pour autant négligés et pourront à terme être plus fouillés que les brèves esquisses proposées pour le moment (mais le deuxième épisode offre ici quelques pistes à suivre).

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Au cours du pilote, je me suis demandée si une partie des maladresses de Longmire n'étaient pas liées à la forme. La prévisibilité de certaines scènes est en effet multipliée par les choix d'une caméra qui suggère et pointe des évidences, au risque de tomber dans la mauvaise caricature, comme le montre la scène du témoin abattu dans le premier épisode, avec de cette fenêtre sur laquelle l'image insistait tant. Si les paysages s'imposent d'eux-mêmes dans toute leur splendeur, dès qu'il s'agit de créer une ambiance en huis clos, ou de suivre un personnage dans l'enquête, la réalisation manque d'initiative. Et la bande-son ne permet pas de corriger le tir. A sa décharge, il faut dire qu'elle démarre sur un très mauvais choix qui laisse un a priori négatif pour la suite : la scène d'ouverture est envahie d'une musique quelconque qui échoue à poser l'atmosphère à laquelle elle aspirait. En résumé, il y a une sacrée marge de progression sur le plan formel.

Enfin, Longmire bénéficie d'un casting correct. C'est un acteur australien, Robert Taylor (croisé dans Killing Time l'an dernier), qui incarne ce shérif du fin fond du Wyoming : il a la présence et les épaules nécessaires pour faire de son personnage cette figure centrale un peu écorchée autour de laquelle tournent les intrigues. A ses côtés, j'ai retrouvé avec plaisir Katee Sackhoff (Battlestar Galactica) qui trouve vite le ton juste pour jouer une adjointe assurée qui ne manque pas de réparties. Je serais plus mitigée en revanche sur Bailey Chase (Saving Grace), l'autre adjoint, mais pour le moment, il faut dire que son personnage est resté cantonné en arrière-plan présenté sous un jour peu favorable. C'est Cassidy Freeman (Smallville) qui incarne la fille de Walt. Enfin, on retrouve également Lou Diamond Phillips (Stargate Universe, Numb3rs), Louanne Stephens (Friday Night Lights) ou encore Adam Bartley.

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Bilan : Evasion vers l'Ouest, Longmire se démarque par son cadre dépaysant et par la lenteur de son rythme, symbolisé par un personnage principal patriarcal, dont les blessures mal cicatrisées font de lui un héros-type solide. Sans faire dans la subtilité, la série est efficace. Mais elle reste pour le moment un cop show procédural extrêmement classique, avec des ambitions trop limitées pour s'imposer. Telle quelle, elle peut plaire aux amateurs de séries policières souhaitant changer d'air, mais échoue à élargir son public. Il faut espérer que les scénaristes sauront se montrer plus entreprenants et moins réfractaires aux risques par la suite : si elle a un certain potentiel, elle ne se donne pas encore les moyens de véritablement l'exploiter.


NOTE : 6,25/10


La bande-annonce de la série :


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